5 la peur d’une médecine terrassée Tout soigner pour mieux mourir

Quelle partie du corps vous fait le plus mal quand vous urinez ? Avez-vous plus de mal à réfléchir après avoir englouti un hamburger ?
Rêvez-vous du colonel Schwarzkopf pendant l’amour ? Depuis quelques temps, la médecine ne se contente plus de soigner la douleur. Elle pose des questions. Beaucoup de questions. Un interrogatoire permanent, conçu et pensé comme un jeu télévisé, à ce détail près qu’en matière de médecine, les candidats gagnent toujours : un gène SAS pour les fous de guerre, un syndrome body builder pour les hystéros du Gymnasium, un chromosome 142 pour les délinquants confirmés, une intoxication aux emballages alimentaires pour les mous du chibre… Le problème, c’est que, bien souvent, la découverte médicale dépasse, et de loin, la vraie gravité du symptôme. Savoir que telle ou telle « anomalie » peut désormais se soigner, puisqu’elle porte un nom savant, importe peu. Sa présence n’ayant pris d’importance que parce que « elle » existe aujourd’hui.
L’autre problème, c’est que, malgré sa vitesse de croisière, la médecine reste encore totalement impuissante. Sida, virus E-bola, virus E-coli ou maladie de Creutzfeld-Jacob, à dix mois de l’an 2000, la science anticipe les bobos de la vie quotidienne mais s’effondre dès qu’on lui parle de menace épidémiologique. Pire, à force de communiquer sur l’idée d’un monde meilleur (où chaque maladie possédera son vaccin avant même de se déclarer), la médecine obtient des effets contraires à ceux escomptés. Récemment, une étude menée auprès de six mille jeunes Britanniques, entre dix-huit et vingt-quatre ans, a montré que 12 % d’entre eux refusaient désormais le port du préservatif. Et pour cause : ils étaient persuadés qu’un vaccin contre le sida venait d’être découvert…