Alexandre Michelin : « Pour faire campagne, il faut être libre »

De la dizaine de candidats déclarés à la présidence de France Télé, le DG de Microsoft MSN Europe Alexandre Michelin est le grand outsider. Cet ancien de Canal et de Paris Première – responsable de l’embauche par cette dernière de Jean-Edern Hallier (pour son émission littéraire), d’Ardisson (pour Paris Dernière, alors que l’animateur était en pleine traversée du désert) et de Jamel Debbouze – a été le premier à se déclarer candidat. Mais qu’a-t-il prévu pour nous autres téléspectateurs en cas de victoire ?

Technikart : Vous avez été le premier à vous déclarer candidat à la présidence de France Télé. Il y avait urgence ?
Alexandre Michelin : Il y a une phrase de Camus qui m’a beaucoup inspiré, extraite d’un édito paru dans Combat le 31 août 1944, édito qui se termine par : « nous étions décidés, à notre place et pour notre faible part, à élever ce pays en élevant son langage ». Voilà le sens – et l’urgence – de mon projet : élever ce pays en élevant son langage à travers sa télé publique. L’après-7 janvier fait écho à ce 31 août 44 : les gars sortent de la guerre et se disent, « il faut du sens ». Chaque jour, 10 millions de téléspectateurs sont devant France Télévisions, c’est presque autant que l’Éducation nationale (où ils sont 12 millions d’élèves), et il faut se servir de cette position pour donner du sens au pays.

Et comment, exactement ?
En proposant de grandes émissions rassembleuses, tout en misant sur le local. Avec France Télévisions, on a un maillage de territoire incroyable. Et donc France 3 sera l’un des piliers de la réinvention.

En misant sur un service public de proximité ?
En partie. Il faut mieux mettre en lumière la vie culturelle, intellectuelle, en région : on a un prix Nobel d’économie à Toulouse, un grand centre de danse à Lyon, le Centre Pompidou à Metz…

Il s’agirait de faire du Jean-Pierre Pernaut ?
Je ne veux pas faire une carte postale, plutôt des tableaux vivants.

Et à part ces tableaux vivants ?
Il faut continuer la transformation de France Télévisions, pour qu’elle soit parfaitement adaptée aux nouveaux usages. Si les jeunes sont sur téléphone mobile, il faut y être. Il faut proposer ces contenus, de la façon la plus pertinente, en s’inspirant de la BBC, de Netflix…

France Télévisions, c’est neuf chaînes, 10 000 salariés… Comment allez vous faire pour gérer – et restructurer – un tel paquebot ?
Il faut qu’on écrive le projet avec tous ceux qui travaillent avec nous : les salariés, les producteurs…

Et en quoi un patron de Microsoft est-il qualifié pour faire de la télé ?
C’est décidé, je quitte Microsoft en juillet. Pour faire une campagne il faut être libre. Et je retourne à mes premières amours. J’ai passé 15 ans à faire de la télé: à 28 ans, j’étais patron de Paris Première ; à 32, directeur des programmes à CanalSat ; à 37, directeur général du groupe. Quand j’ai rejoint France 5, où j’ai été directeur de l’antenne pendant 3 ans, c’était au moment du lancement de la TNT. J’ai restructuré la journée, lancé à l’antenne Karine Le Marchand, l’émission « Culte » avec des blogueurs (on a gagné un Emmy)… Ensuite, Microsoft est venu me chercher. Comme pour la télé, il fallait trouver le talent, et tout faire pour lui permettre de créer dans de bonnes conditions. Comme le faisait De Greef à Canal, ou Pierre Desgraupes à Antenne 2.

Mais de leur temps, il y avait un directeur des programmes et les créatifs. Aujourd’hui, il y a toutes sortes d’intermédiaires entre les deux.
Les problèmes de structure existent quand il n’y pas de projet. Mais quand on en a, et les talents – l’un sans l’autre ne peut exister – on peut garder des pans entiers de notre héritage, et agir et construire différemment, les choses se dénouent d’elles-mêmes.

Ah bon?
Regardez les Anglais… Il faut s’inspirer de leurs méthodes : il ont réussi à mettre en place un mélange de travail d’auteur et de travail industriel. La force des industries créatives est là, qu’il s’agisse d’une chaîne de télévision ou de Chanel. Valoriser et protéger le talent, et se doter des meilleurs outils pour les vendre.

Les vendre ?
La croissance est dans le téléphone mobile . Tout le monde en a un, et celui-ci donne la possibilité d’avoir une télévision personnalisée.

Il paraît que vous avez tenté d’adapter Nova en télé.
Jean-François Bizot, ça a été un choc. Je le rencontre via Frédéric Mitterrand et il me dit : « Mais t’es qui ? Comment ça se fait que tu débarques sur Paris Première sans même être passé par la case Nova ? D’habitude tous les bazanés passent par Nova ! » (Rires.) J’avais envie d’amener Nova sur Paris Première, je voulais capter ce qui s’y faisait, les gens qui entrent qui sortent, pour en faire une sorte de télé-réalité de la vie de ce le lieu unique, mais ça ne s’est pas fait. Mais grâce à cette rencontre, Jamel Debbouze (qui était sur Nova) s’est retrouvé à faire de la télé pour la première fois sur Paris Première.

ENTRETIEN LAURENCE RÉMILA