ALORS, HEUREUSES ?

Paru dans le numéro 134 de Technikart – 25/06/2009

Prêtresses de la chasteté, chagasses romantiques, serial-chopeuses, lesbiennes freestyle…

Faisons comme dans la rubrique la plus lue de Libération : racontons le making of de ce dossier. Qui est né de « ce moment rare et magique », constate notre rédacteur en chef, où trois, quatre, cinq propositions d’articles en viennent à converger vers un même thème. En l’occurrence ? L’émergence de tribus de filles aux attitudes extrêmes. Par exemple celles qui arborent une bague de chasteté ou celles qui, plus organisées, chopent sans vergogne sur le Net.

Oui mais alors, si comme des garçons, les filles se mettent à se coaguler autour de comportements limites, ça veut dire quoi ? Qu’elles expérimentent de nouvelles manières d’être, bien sûr. Mais aussi : qu’elles sont à leur tour un peu paumées. Car voilà : la psychanalyse nous apprend que la « position femme » ne trouve pas spontanément appui sur elle-même.
NOUVELLE ERRANCE
Là où l’homme est animé d’une fantasmatique de la puissance, un individu en position femme a besoin d’une autorité symbolique sous laquelle il pourra lui-même créer, incarner, avancer. Or, les « signifiants maîtres » (l’armée, la politique, l’église) se sont effondrés.
Et, au propre comme au figuré, le garçon moderne débande. D’où l’errance nouvelle des jeunes femmes. Elles ont beau affirmer le contraire, elles trahissent leur malaise par de retours du refoulé féminin.
EXPÉRIENCES EXTRÊMES
Mais à mesure que la verticalité s’écrase, l’horizontalité se déploie. On parle ici d’Internet, là où les tribus se rassemblent autour de leur symptôme et peuvent très bien décider de ne pas dénouer le problème, mais plutôt d’en faire une mini œuvre d’art. C’est ainsi que se multiplient les filles très prudes (voir page 44), collectionneuses (voir page 48) ou en freestyle (voir page 51).
Là où ça pose problème, re marque la psychanalyste Clotilde Leguil (voir page 54), c’est que dans ces histoires, le risque de rencontrer son singulier désir est à chaque fois escamoté. Ce que ces filles évitent, c’est le saut dans le vide que requiert toute expérience amoureuse. Ce que ces nouvelles tribus nous disent ? Que les femmes sont en train, à leur tour, d’entrer dans la ronde du nihilisme démocratique – c’est-à-dire « considérer le vide comme n’étant rien », nous dit Mehdi Belhaj Kacem. D’où ces expériences trépidantes et pleines d’elles-mêmes auxquelles s’adonnent désormais certaines. D’où plein d’acting out organisés en prévision, là où la douleur des femmes se réglait jusqu’alors à coups de discrets antidépresseurs.
DÉSORIENTATION DES FEMMES
Bref, notre dossier d’été signale un changement de priorités. Les dernières décennies se sont penchées sur la défaite des hommes – avec juste Eric Zemmour en grand sauveteur du viril, je sais, c’est dur. Le nouvel agenda se focalisera sur la désorientation des femmes.
On se réjouit d’avance de toutes ces fantastiques tendances médiatiques qui viendront divertir nos années 10 : la tentation lesbienne et l’invention de la métrosexuelle, le come-back au foyer ou l’apparition des übersexuelles. On rira bien, même si tout jaune.
PHILIPPE NASSIF

 

LES PRÊTRESSES DE LA CHASTETÉ
JAMAIS AVANT LE MARIAGE
Elles sont ados, sexy, draguent comme des grandes mais ont fait vœu de chasteté jusqu’au mariage. Certaines vont même jusqu’à porter une «bague de pureté», preuve de leur engagement. Voyage au pays du zizi invisible.
En septembre dernier, Natalie Dylan, une Américaine de 22 ans mettait sa virginité aux enchères pour payer ses études. Elle a été adjugée 3,8 M$. Quelques mois plus tard, Alina Percea, une étudiante Roumaine de 18 ans, vendait la sienne pour 10 000 € à un homme d’affaires italien (non, pas Silvio Berlusconi). Sincère ou pas, la jeune fille prépare aujourd’hui un livre sur son expérience. Il faut croire que la pureté se vend bien.
Du film Twilight à la série Gossip Girl, de la superstar Miley Cyrus à Selena Gomez, les 14-16 ans s’abreuvent d’histoires d’amour belles et chastes et idolâtrent des chanteurs exhibant publiquement leur virginité. Incarnation de cette tendance,les affreux Jonas Brothers (voir encadré page 41). Produits par Disney, ces trois frangins au look d’enfants de chœur provoquent des émeutes à chacun de leurs déplacements. Mais plutôt que de ramener leurs groupies dans leurs chambres d’hôtel, ces rock stars-là ne quittent pas leur bague de pureté. Le message : pas de rapport sexuel complet hors mariage.
«LE PLUS BEAU CADEAU»
Signe d’une société qui sent trop le sexe ? « Nous vivons dans une époque hypersexualisée et, logiquement, certains saturent et décrochent », avance Catherine Solano, sexologue, spécialiste des ados. Du porno hard au porno chic, de la tournante à la sodomie pour respecter les traditions, du viol en réunion fièrement exhibé sur les téléphones portables à la partouze, le cul serait donc devenu trop présent, trop facile et trop accessible. Et ça ne ferait plus bander personne ?
Un coup d’œil sur les forums d’ados suffit pour le constater : « Je porte la bague depuis deux ans, c’est
trop cool de rester vierge jusqu’au mariage. Pour moi c’est le plus beau cadeau que je vais donner à mon
mari », s’enflamme Kiimousha ; « Moi, j’en porte une à l’annulaire droit. C’est ma mère qui me l’a
offerte pour mon anniv’. Ça me rappelle que je ne dois pas lui faire honte, parce que si on couche avec n’importe qui, on devient conne », note Liny04. Un discours bizarre qui n’est pas sans rappeler celui de la Britney des premières heures.
DEALER MONDIAL DE BAGOUZES
Si la chanteuse Baby One More Time a depuis reconnu avoir raconté des bobards, le message est resté. Et s’est même amplifié. Il faut dire que pendant que la pop star conservatrice virait trash, Georges W. Bush attribuait de copieuses subventions aux écoles, facs et associations soutenant des programmes d’abstinence. Aujourd’hui, aux Etats-Unis, les teenagers affichent leur engagement au travers d’associations telles que Not Me, Not Now, True love Waits et Friends First, certaines gamines de 8 ans promettant même la fidélité à leur père au cours de « bals de pureté » où elles reçoivent une bague portant une inscription de la Bible, un bijou qu’elles devront porter jusqu’au mariage.
L’association The Silver Ring Thing, dealer mondial de ces ba gouzes, prétend ainsi toucher 250 000 jeunes aux Etats-Unis. Flippant. Son président, Denny Pattyn, nous l’affirme fièrement : « Je suis régulièrement contacté par des adolescents français et des familles voulant faire partie de l’association. » Et nous le répète trois fois : « Oui, ils demandent des bagues. » Quoi ? Des pudibondes au pays de Rabelais et de Marc Dorcel, de Sade et de Make The Girl Dance ? On part donc à la recherche des concernées.
«REVIRGINISE-TOI»
Chou blanc dans un premier temps : à part quelques groupes cathos (L’amour vrai attend ou les « PAM » de Pas avant le mariage), il n’existe pas encore d’amicale de jeunes filles chastes et sexy en France. Mais Facebook propose quelques pistes intéressantes.
Sur le groupe « Je suis vierge et je le vis bien ! », l’administratrice écrit : « Si toi aussi il t’arrive d’aller en boîte en jeans slim taille basse et haut moulant, (…) si toi aussi tu as plein de pseudo petits copains à ton actif, alors rejoins ce groupe. Si tu n’es plus vierge mais que tu voudrais l’être à nouveau, rejoins-nous et revirginise-toi ! »
Ginnie, 21 ans, créatrice du grou pe, a beau nous parler « d’amour avec un grand A », de « papillons dans le ventre » et du « plus beau cadeau qu’on peut offrir à un homme », elle n’est pas prête à tous les sacrifices : « Les gens croient que si tu mets des talons, des slims et un décolleté, t’es une salope. Je veux dire aux gens que l’on peut sortir, s’habiller sexy, s’amuser avec des garçons, picoler si on veut, sans pour autant coucher. » Les adeptes de la chasteté seraient-elles moins prudes qu’elles n’y paraissent ? talons, des slims et un décolleté, t’es une salope. Je veux dire aux gens que l’on peut sortir, s’habiller sexy, s’amuser avec des garçons, picoler si on veut, sans pour autant coucher. » Les adeptes de la chasteté seraient-elles moins prudes qu’elles n’y paraissent ?
«C’EST GLAMOUR»
Contactée via un forum sur le sujet, Candice, 14 ans, accepte de nous rencontrer à la terrasse d’un café. Bottes à talons, cuir et petit top, elle grille clope sur clope. Plutôt sexe pour une fille qui sort de cours. Au collège, comme en soirées, elle a d’ailleurs son petit succès mais, si elle a déjà joué à touche-pipi, elle a toujours su s’« arrêter à temps » : « Je ne me vois faire l’amour qu’avec une seule personne et je veux que ce soit la personne qui partagera ma vie. » Elle nous montre sa bague de pureté. « Ça fait un an que je la porte. J’ai pris une bague à moi et elle est devenue un symbole de ma virginité. » Et dans ton bahut, ce n’est pas trop la honte ? « Je ne suis pas du genre à me laisser marcher sur les pieds. En général, ils comprennent et ça a même donné des idées à d’autres filles de mon collège. »
La virginité, dernier truc cool chez les ados ? « C’est glamour de se démarquer, explique Jocelyne Robert,
sexologue et auteur de l’essai le Sexe en mal d’amour. Dans un contexte où le sexe se pratique à outrance et de façon très crue, l’amour et le romantisme deviennent subversifs. Ils le resteront tant que l’on vivra dans ce type de société. »
«J’AI FAILLI FAIRE LA BÊTISE»
On demande à voir. Ça tombe bien, les Jonas Brothers sont en concert au Zénith à Paris. D’entrée, Chloé et ses copines, hystériques, nous lâchent : « Il ne faut pas confondre, on n’est pas aux Etats-Unis. Un truc pareil, ça ne peut pas prendre ici. » Ce n’est pas l’avis de Marina, 15 ans, son slim, son rouge à lèvres et ses talons vertigineux : « Moi, j’ai failli faire la bêtise deux fois avec des mecs dont je n’étais pas amoureuse. Maintenant, j’attends le bon. » Pendant qu’elle nous dévoile sa bague, une brune drague effrontément notre photographe. Elle porte elle aussi une bague, mais n’a pas l’air plus farouche que ça : « Ce n’est pas parce que j’attends l’homme de ma vie pour coucher que je n’ai pas envie de plaire ou de sortir avec des mecs. » On lui rétorque que le message risque d’avoir du mal à passer auprès des hommes : « Moi, je dis les choses direct. Si le mec n’est pas content, il dégage ! » La vierge du XXIe siècle est donc aussi une grande gueule.
« Pendant longtemps, les femmes ont été obligées de montrer qu’elles étaient capables de faire comme les hommes : baiser avec n’importe qui, n’importe quand et n’importe comment faisait partie de cette logique, explique Valérie Colin-Simard, psychothérapeute et auteur de Quand les femmes s’éveilleront. Aujourd’hui, la bataille est quasi gagnée. Elles n’ont presque plus à prouver qu’elles sont comme les hommes et peuvent à nouveau mettre en avant les valeurs féminines comme l’amour, la tendresse, le romantisme… »
ÇA RICANE PAS
Un peu allumeuse, un peu rebelle, un peu grande gueule, la néo-chaste ne serait finalement que la frange la plus extrême d’un girl power romantique. Et les mecs, ils en pensent quoi ? Loin de ricaner, ils profitent du sujet pour s’épancher très sérieusement sur la misère sentimentale de leur vie sexuelle. « Un peu de tendresse pendant et après l’acte ne ferait pas de mal !, avoue Cyril, 26 ans. Moi, les femmes qui couchent avec n’importe qui, je ne les respecte plus. ».
« C’est quand même pas valorisant pour un mec de se choper une traînée. Et je n’ai pas envie de construire ma vie avec une femme comme ça », lance Florian, 28 ans. Bref, eux aussi saturent… Et si, plutôt que d’annoncer une période de disette sexuelle, l’arrivée de ces chastes adolescentes annonçait le retour de l’amour ?
CLAIRE LEFÈBVRE

LES SERIAL-CHOPEUSES
«J’AI TESTÉ ADOPTEUNMMEC.COM»
Elles ont entre 18 et 30 ans, mais pas de temps à perdre. Alors, elles font leurs courses sur AdopteUnMec.com, un site où les hommes sont des objets. Vous avez déjà vu une fille faire les soldes ? Notre témoin s’est mis dans la peau du sac à main de leurs rêves.
C’est un pote qui m’en informe un jour, en sirotant une 1664 vautré dans mon canap’ : “Sinon, j’ai découvert un site de rencontre assez fun. Faut que tu voies ça.” Je note l’adresse : AdopteUnMec.com. Ouais, super drôle. Et ? “Le principe, c’est que tu ne peux pas parler à une fille tant qu’elle ne t’y a pas autorisé. Ce sont elles qui te choisissent et te mettent dans leur caddie, comme si elles faisaient leurs courses au supermarché.”
Le soir même, intrigué par ce concept qui réduit l’homme au rang de yaourt vibrant, je me plante devant mon laptop pour voir de quoi il retourne. “Au supermarché des rencontres, les femmes font de bonnes affaires”, annonce la page d’accueil. Et la “baseline” précise : “Hommes-objets à câliner.” Le menu liste les rayons disponibles : cadres, hippies, sportifs, imberbes, végétariens, non-fumeurs…
«CDD» OU «CDI» ?
Bien ce que je pensais, mais alors en quoi ce site rose flashy est-il censé m’intéresser ? A priori, je préfèrerais un catalogue de filles triées par catégories : coquinettes branchées, intellos bobo, MILF perverses, lolitas exhib’… En même temps, le jeu me semble valoir les Chandelles. Comme c’est gratuit, je m’inscris.
En remplissant les cases de mon profil, je me dis que les concepteurs du site doivent être un peu plus cool que ceux de Meetic. Tout y est présenté au deuxième degré, y compris la possibilité de préciser si l’on cherche un “CDD” ou un “CDI”. Il faut d’abord se choisir un nom vendeur, une accroche qui tue, puis chatouiller un peu la consommatrice blasée. J’indique donc : “Oies blanches, vilains petits canards et autres poules de luxe s’abstenir, je préfère une femme volage à un fidèle volatile.” Pas question de se laisser embarquer dans n’importe quel caddie.
Une fois le tout enregistré, je visite quelques pages de jeunes Parisiennes bien cliché et leur envoie des “charmes” – c’est la seule manière de leur faire savoir qu’elles me plaisent. Et le jeu commence : une blondinette à frange, avec photo en bikini et annonce vaguement suggestive m’autorise à lui écrire. Alléluia ! Je lui envoie un petit mot rigolo. La belle ne me répondra jamais, et disparaîtra du site après avoir trouvé, j’imagine, escarpin à son pied.
DEUX BOUTEILLES DE BLANC ET AU LIT
Rapidement, on m’informe qu’il va falloir m’acquitter de 10 € pour pouvoir envoyer plus de cinq “charmes” par jour. Je paie pour en obtenir 450, ainsi que la possibilité de me connecter aux heures de rush (de 18h00 à minuit) pendant lesquelles le site garantit une stricte égalité entre le nombre de mecs et de filles connectés simultanément. Assez vite, des filles de dix ans de moins que moi m’autorisent à les brancher. Monica, par exemple, fait la maline avec son prénom de star italienne et ne semble pas spécialement farouche.
En début de soirée, je la rejoins chez elle avec une bouteille de blanc. Elle en débouche une deuxième. Nous batifolons sur son lit. Je file avant que sa coloc’ ne débarque. Le lendemain, je constate qu’elle m’a “mis dans son caddie”. Pour me garder sous la main ? Je n’échangerai plus le moindre message avec Monica et elle ne m’éjectera pas pour autant de son chariot. Apparemment, pour ces demoiselles, une fois n’est pas coutume.
CES SALAUDS QUI CHERCHENT UNE PETITE AMIE
De jour en jour, ma “popularité” augmente, car je gagne des points dès qu’une nouvelle fille visite ma page ou m’écrit. Je réalise ainsi que les acheteuses font du nombre de mes conquêtes potentielles un attribut valorisant à leurs yeux. J’échange donc des messages avec toutes celles qui me le permettent, même les garces qui n’ont pas de photo. Souvent, ces dernières sont les plus délurées ou les plus jolies, mais se cachent pour ne pas être ensevelies sous les “charmes”.
Je décide d’en rencontrer une, qui a fini par me montrer sa bouille sur MSN. C’est une bombinette pétillante au métissage ravageur. Mais : “Je suis mariée à mon job. Donc je ne cherche surtout pas un mec qui veut qu’on se voie tous les soirs de la semaine et qu’on déjeune chez ses parents le dimanche.” J’acquiesce évidemment mais, un peu calmé, ne lui propose pas non plus de visiter son lit le soir même. Conséquence : elle se méfiera trop de moi pour me revoir. On ne sait jamais, j’aurais pu être un de ces salauds qui cherchent une vraie petite amie.
«JE VEUX UN HOMME PAR SOIR»
En réalité, je me rends compte que le pseudo second degré omniprésent sur ce site permet des échanges beaucoup plus premier degré qu’ailleurs. Protégées de tous les pilotes de GTI tunées qui les bombardent de : “Salu miss, sava, t’ai tro charmante !!” sur d’autres sites, les filles se sentent beaucoup plus à l’aise et se lâchent. C’est Emmanuelle, 22 ans, qui me l’avoue, au bar du coin :“Franchement, je me demande si je n’abuse pas un peu. Parfois, je m’envoie quatre mecs dans la semaine… C’est grave, tu crois ?”
Pour savoir, on file chez moi. En ef fet, c’est un peu grave, mais pas désagréable pour peu qu’on s’intéresse à la robotique. Emmanuelle sait tout bien faire comme il faut, sauf peutêtre faire croire à un mec qu’il est unique, au moins le temps qu’il effectue sa besogne. En revanche, ce qui n’est pas unique, c’est son comportement d’affamée compulsive. D’innombrables annonces en témoignent : “Catch me if you can”, “Si tu veux juste coucher, je te tape (avant, pendant, ou après ? hihihihi)”, ou encore “Je ne veux pas un homme, je veux un homme par soir”.
«ON NE BAISERA PAS»
Quelques jours plus tard, je rencontre Sophie, apprentie photo-graphe dont le 95 G a picoté ma curiosité, mais qui m’a prévenu à l’avance : “On ne baisera pas.” Soit. Sauf qu’après avoir failli m’étouffer entre ses seins et s’être gentiment éclipsée, elle m’envoie un texto : “J’aurais préféré que ça dérape…” Seul hic : Sophie m’a aussi avoué qu’elle n’avait jamais eu d’orgasme. La misère sexuelle des filles se révèle progressivement à quiconque traîne trop longtemps sur AdopteUnMec.com.
Plus encore qu’ailleurs, on y rencontre des femmes qui souhaitent “juste parler” pendant des heures, par mail ou messagerie instantanée. Et il y a pire : celles qui ont besoin d’une rencontre réelle pour déverser leurs questions existentielles sur un pauvre mâle innocent. Avec elles, difficile d’éviter la migraine, donc de passer à l’acte. Elles ne peuvent pas nous en vouloir : au supermarché des rencontres, je crois plutôt que les femmes proposent et que les “hommes-objets” disposent. Mais chut.
RECUEILLI PAR BERTRAND PASQUET

LA PORN STAR CONSCIENTE
THE DIRTIEST GIRL IN THE WORLD?
Sensation actuelle du porno américain, Sasha Grey est en train de se construire une image d’Ovidie de la San Fernando Valley: arty, intello, féministe. La preuve ? Elle joue dans le nouveau film de Steven Soderbergh.
Sasha Grey a à peine 22 ans et déjà plus de cent cinquante films à son actif. Un récent article du Rolling Stone américain la présentait comme « the dirtiest girl in the world », un titre largement usurpé mais qui a le mérite de faire passer son message : le sexe, elle adore ça et, par cette affirmation, entend bien déculpabiliser toutes les femmes d’Amérique qui en ont peur.
Bien que frappé de cette démonisation qui accompagne toujours l’image que donnent les médias du X, l’article en question est rempli de pépites comme : « Je suis déterminée à être utilisée pour satisfaire les fantasmes de n’importe qui » ; ou encore : « Salissez-moi, violentez-moi, je ne suis qu’une femme après tout. »
Sasha travaille d’arrache-pied à l’écriture de sa propre légende, persuadée de la valeur de sa démarche et de son effrayante ambition. Elle vient de passer du clip bondage sur Internet au traditionnel en jouant une call girl de luxe soucieuse de faire fructifier son business dans le dernier Steven Soderbergh. The Girlfriend Experience, c’est son titre, ne vaut que pour elle et ses attitudes vaporeuses. Interview directe.
SASHA, LE «ROLLING STONE» US T’A ÉLUE «DIRTIEST GIRL IN THE WORLD». NOUS, ON TROUVE ÇA BIZARRE QU’UNE FEMME PUISSE ENCORE SE RÉCLAMER DU FÉMINISME EN DÉFENDANT SON AMOUR DU SEXE. ON AVAIT UNE PORNO STAR QUI A EU LA MÊME DÉMARCHE QUE TOI. ELLE S’APPELLE OVIDIE, MAIS C’ÉTAIT IL Y A DIX ANS…
Vous autres, Européens, êtes plus ouverts vis-à-vis du sexe mais en Amérique, il n’est jamais inutile de rappeler que le sexe est bien donné à tout le monde. On a encore l’impression d’être dans les 70’s : vous avez des types comme Hugh Hefner qui sont glorifiés pour leur capacité à monter des empires du cul. A côté de ça, lorsqu’une femme revendique son bien-être sexuel, on vous fait comprendre qu’il y a quelque chose qui cloche, du style : « Non, c’est pas possible, quelqu’un lui force la main. »
ON OBSERVE UN PEU PARTOUT DES COMPORTEMENTS DE PLUS EN PLUS EXTRÊMES CHEZ LES FILLES. POURQUOI, À TON AVIS ?
Pour ce qui est de mon domaine, le cul, c’est clairement lié à un déficit d’éducation. Structurellement, les programmes d’enseignement sexuel à l’école sont d’une faiblesse alarmante. Dans les Etats les plus con servateurs, comme l’Utah ou le Texas, les taux de grossesse chez les jeunes filles sont démentiellement élevés. Une certaine frange des Etats-Unis, celle qui n’a pas accès au rêve, donne elle-même une définition de l’extrême : de plus en plus obèse, de plus en plus consanguine, de plus en plus enceinte.
TU PASSES AU CINÉMA ACADÉMIQUE AVEC «THE GIRLFRIEND EXPERIENCE» DE SODERBERGH. MAIS TU AS ENCORE DES AMBITIONS VIS-À-VIS DU PORNO ?
Je pense que la pornographie peut être artistique, que ce n’est pas seulement un business, comme le métier le laisse entendre. Et je crois à l’association de l’art et du commerce. Je veux apporter une approche visuelle au genre, effacer cette esthétique soap opera qu’on veut absolument lui accoler. Il ne faudrait pas grand chose pour que ça ait l’air un peu différent.
MAIS EST-CE QUE CE N’EST PAS LA FAMILIARITÉ DES DÉCORS ET DE L’ESTHÉTIQUE QUI FAIT BANDER DANS LE PORNO ? LES MURS BLANCS CASSÉS, LE CANAPÉ JAUNE…
Oui, le canapé en cuir jaune et le set suréclairé ! Mais je ne suis pas d’accord, la familiarité et l’absence de surprises sont antimasturbatoires à mon avis. Aujourd’hui, les films traditionnels m’excitent plus que les films X.
OUAIS, TU TE LA PÈTES DEPUIS QUE T’ES PASSÉ CHEZ SODERBERGH…
Ah ah, mais non, j’ai toujours eu un rapport charnel aux films d’art et essai.
COMME «PIERROT LE FOU» ?
Oui, exactement, le film qui m’excite le plus au monde !
J’AI VU SUR LE NET LE TOP 5 DE TES FILMS FAVORIS. UNE ACTRICE DE CUL QUI CITE HERZOG, BREILLAT ET GODARD, ÇA FAIT RIGOLER. MAIS TRÈS VITE, ON NE RIT PLUS, ON ÉCOUTE…
Mais qu’est-ce que vous croyez ? Je vous parle d’esthétique et d’ambition depuis tout à l’heure. J’ai quelques films en préparation en tant que réalisatrice. Je viens de fonder ma boîte de prod’ X, Grey Art. Et je continue de jouer dans des films traditionnels indépendants.
OK, MAIS EXPLIQUE-MOI UN DERNIER TRUC, SASHA: DIRE AUX FEMMES DE NE PAS CULPABILISER PAR RAPPORT AU SEXE EN T’ÉCLATANT DANS LE PORNO, CE N’EST PAS TE TROMPER DE CIBLE ? OU DE MESSAGE ?
Parce que ce sont avant tout des hommes qui me regardent ? C’est vrai, mais vous seriez surpris : j’ai un public féminin assez large. Et c’est important que les hommes se rendent comptent que les femmes aussi peuvent s’éclater. Je crois que ça passe dans mes performances, non ?
«THE GIRLFRIEND EXPERIENCE»: SORTIE LE 8 JUILLET.
ENTRETIEN BENJAMIN ROZOVAS

LES LESBIENNES FREESTYLE
LESBIAN PARADISE
Des lesbiennes fières de leur corps et de leur sexualité, extravagantes et glamour, oui, ça existe. Cette tribu multicolore se retrouve chaque année en plein désert du Colorado pour cinq jours de fêtes, de concerts et de drague au Dinah Shore.
Autour de la piscine du Riviera Resort, un hôtel de luxe de Palm Springs, le soleil californien est au zénith. Des centaines de filles en bikini flirtent, dansent ou piquent une tête dans la piscine. D’autres se déhanchent sensuellement devant le podium où se produit Leisha Hailey – l’une des stars de la série The L Word – avec son groupe de musique Uh Huh Her. Et pas un mec à l’horizon. Ce n’est pas un mirage, c’est le Dinah Shore.
Ici, dans le désert du Colorado, à deux heures de route de Los Angeles, plus de 10 000 femmes du monde entier se retrouvent chaque année pour un circuit de « pool parties », soirées et concerts dans les hôtels et les clubs de la ville. Un joyeux programme concocté par deux organisations, Club Skirts et Girl Bar (tout un programme) qui réservent entièrement plusieurs hôtels alentour pour les filles du Dinah.
AVANT, LE GOLF
Ginny Foat, première maire ad jointe de Palm Springs et ouvertement lesbienne, est à bloc : « Quand je suis ici, j’ai constamment le sourire aux lèvres. Je regarde les filles, si belles, si fières, si libres, cela me rend heureuse. »
Une liberté débridée qui s’exprime dans cette méga « lesbian party » unique en son genre. « Le Dinah est un rassemblement de femmes d’horizons et d’origines différentes, raconte Emmanuelle, une Française de Strasbourg à la poitrine impressionnante. Cela crée un cocktail explosif, très fun. Je viens ici depuis cinq ans et je constate que l’événement monte en puissance. »
«POOL PARTIES» POUR TOUT LE MONDE
Tout a commencé en 1990. Le Dinah Shore (du nom d’une chanteuse) était au départ un tournoi de golf féminin. Les lesbiennes présentes organisaient quelques cocktails après les compétitions. Au fil des années, l’événement a pris son autonomie. Le tournoi existe toujours mais 90% des participantes préfèrent désormais le night club au club de golf. Ici, cela ne choque personne. Normal, Palm Springs est devenu un lieu de villégiature pour les gays et les lesbiennes.
Amy, qui vit à Los Angeles, participe depuis une dizaine d’années au Dinah : « Peu à peu l’ambiance a changé, les riches golfeuses ont laissé place à une foule pétillante et délurée. Le public a rajeuni. Mais les pool parties, cela a toujours été la folie ! » En effet, non loin de là, Sondra, 31 ans, beauté blonde et regard altier, a lancé un concours de seins nus dans la piscine avec ses copines du Texas, face à une équipe canadienne déchaînée. « C’est la première fois que je viens. Avec mes amies, nous étions toutes célibataires, c’était le bon moment. C’est notre Lesbian Springbreak, nous réalisons tous nos fantasmes d’adolescentes. » En aparté, elle confie avoir couché avec quatre filles en une après-midi et raconte le charivari dans l’hôtel, quand les filles circulent d’une chambre à l’autre.
POUPÉE GONFLABLE
De l’autre côté de la piscine, Jill, 22 ans, improvise une danse sur le podium avec… une poupée gonflable. Elle aussi est venue avec ses amies. Elles ont loué une maison ensemble. Mot d’ordre : « Pas de drame, juste du fun. » « C’est le moment le plus fort de ma vie, nous hurle-t-elle à l’oreille. Je passe mon temps à boire et à m’amuser, entourée de centaines de jolies femmes. » Pour la plupart, l’aventure d’un soir prend l’avantage sur la love story. Une attitude hédoniste et consumériste assumée, qui marque une rupture avec certains courants féministes lesbiens radicaux.
« Aucune manifestation ne peut rivaliser avec le Dinah, explique Laura, qui vient de Virginie. Il y a bien le Women’s Music Festival (un grand rassemblement de lesbiennes – NDLR) dans le Michigan, mais c’est davantage ambiance féministe, ateliers-débats, camping dans les bois, chemises de bûcheron et poils sous les bras. »
«FREE KISSES»
Fiesta des lolos, le Dinah Shore est aussi devenu un big business. Parmi les stands proposant bijoux, tee-shirts ou croisières lesbiennes, celui des sex toys rencontre un franc succès. Du kit de lubrifiants au dernier modèle de gode-ceinture, les chalands essaient de dénicher ce qui convient le mieux à leur sexualité affranchie. « C’est mieux que sur le Net : on peut comparer, se faire conseiller personnellement », explique Lisa, une New-Yorkaise de 25 ans. Pour elle, comme pour cette nouvelle génération de lesbiennes, les sex toys sont des accessoires comme les autres, à ranger sur une étagère de sa penderie.
Plus loin, un autre stand propose de participer à des films érotiques dont vous êtes l’héroïne. Dans les allées, deux amies se baladent avec un panneau « Free kisses ». Ici, le baiser est un signe naturel de bienvenue, échangé de façon à la fois sensuelle et candide. Pasées ces après-midi pimentées par des concours de danse, de chant, de lutte ou des parties de sexe, les filles déambulent dans les couloirs de l’hôtel avant de changer de tenue pour le soir.
«EXPÉRIENCE INTIME»
La nuit tombée, c’est le Festival de Cannes : même tapis rouge, même foule anonyme qui se presse pour apercevoir les célébrités et, dans le rôle du palais des festivals, la salle de bal du Convention Center qui abrite la White Party. Cette année, Mariah Hanson, l’organisatrice du Dinah pour Club Skirts, dévoile son programme : des stars du billboard (Katy Perry, Lady Gaga), des icônes comme Godess And She, un duo de rappeuses newyorkaises dont le clip Lick it, leçon de cunnilingus rythmée, a été censuré par MTV, et un défilé de mode à minuit.
Il est 3h00 et tandis que les gogos danseuses ondulent, billet dans le string, sous le nez de leurs favorites, on croise Ansleigh, 27 ans, qui vient d’Atlanta (Géorgie) : « Là-bas, notre communauté est toute petite, alors il y a moins d’options et plus de drames. Ici, il y a tant de lesbiennes qui viennent du monde entier et qui ne peuvent être “out” dans leur patelin… » Le Dinah, c’est ça : le reflet d’un mode de vie lesbien assez répandu en Californie, à Los Angeles ou San Francisco. « Mais, ajoute Jill, ici, c’est une expérience plus intime et intense. Nous sommes entre nous, hors du monde hétéro dominant. » Extrêmes, libres et ailleurs.
ISABELLE ROMERO

«A QUOI FAUT-IL RENONCER POUR DEVENIR UNE FEMME ?»
Dans un passionnant essai, la psychanalyste Clotilde Leguil scrute, à travers «Virgin Suicides», «la Vie des autres» et «Mulholland Drive», ce qui meut «les Amoureuses». Normal qu’elle conclue donc notre dossier sur les filles des années 10.
CLOTILDE LEGUIL, POURQUOI UN LIVRE SUR LES AMOUREUSES ?
L’amour est aujourd’hui cerné par deux discours. Celui de l’hédonisme contemporain qui aspire à un éros léger, sans douleur, ludique, défendu par exemple par Michel Onfray qui demande à ce que «les deux contractants sachent à quoi ils s’engagent pour produire de la jubilation à deux et écarter toutes les occasions de peine». Et le discours des neuroscientifiques pour qui l’amour obéirait à un programme. Or l’amour est par nature hors programme: c’est une expérience toujours étrange, angoissante, parfois tragique. Dans mon livre je m’attache à trois héroïnes de cinéma – celles de «Virgin Suicides», «la Vie des autres» et «Mullholland Drive» – dont les destins montrent que ce déni du tragique peut provoquer chez une femme de graves passages à l’acte – en l’occurrence, le suicide. Comme si une dimension essentielle de l’expérience humaine était désormais tue.
LE MOUVEMENT DES FILLES JURANT VIRGINITÉ JUSQU’AU MARIAGE NE SIGNALE-T-IL PAS UN RETOUR DU QUESTIONNEMENT AMOUREUX ?
Il faudrait interroger les filles au cas par cas. Mais voir ressurgir un culte de la virginité dans une société hypermoderne laisse aussi entendre un désir de programmer ce qui est hors-programme. Il s’exprime là une angoisse forte de la perte – bien formulée dans «Virgin Suicides» – au sein d’une civilisation qui la minimise en présentant l’amour comme un contrat égalitaire et une pure affaire sexuelle.
QU’EST-CE QUI SE PERD LORS DE LA PREMIÈRE EXPÉRIENCE SEXUELLE ?
Il y a un saut. Une adolescente qui, jusque là, se définissait par rapport au désir de la mère, à l’amour du père, à l’identification avec ses frères et sœurs, doit brusquement commencer à se définir par rapport à l’autre sexe. Alors, évidemment, le déclin des pères a renforcé l’emprise des mères sur leurs filles, ce qui rend d’autant plus difficile l’idée de se désidentifier pour inaugurer son chemin vers la féminité. A quoi faut-il renoncer pour devenir une femme ? Voilà une question que beaucoup ne se posent plus. L’EXPÉRIENCE AMOUREUSE EST-ELLE CONSTITUTIVE DE L’IDENTITÉ DE LA FEMME ?
Oui. Non pas qu’elle ne soit pas décisive pour un homme – dans «la Vie des autres», l’amour introduit un manque dans la vie d’un agent de la Stasi qui, jusque là, n’en éprouvait aucun et qui s’en trouve ainsi humanisé. Mais l’expérience amoureuse est plus ontologique pour la femme. Pourquoi ? Parce que «la Femme n’existe pas», rappelle Lacan. Cela veut dire qu’il n’y a pas de signifiant qui la représente, à la différence des hommes – eux se retrouvent dans la vie de groupes représentés par l’église, l’armée, l’autorité. L’individu en «position femme» doit donc en passer par l’autre sexe pour se construire.
«LA FEMME N’EXISTE PAS», C’EST AUSSI CE QUE SOUTIENNENT LES THÉORICIENNES QUI, COMME JUDITH BUTLER, ATTACHENT À LA FIGURE LESBIENNE UNE DIMENSION SUBVERSIVE. QUE VOUS ÉVOQUENT LES RASSEMBLEMENTS DU DINA SHORE ?
Il y a sans doute quelque chose d’une expé-rimentation nouvelle. Mais ce qui m’interroge, c’est la foule, qui est une façon de fuir dans l’anonymat la singularité irréductible du désir. Qu’estce qui nous angoisse dans la rencontre avec l’autre ? C’est peut-être, comme disait Lacan, qu’«il n’y a pas de rapport sexuel». QUE FAUT-IL ENTENDRE PAR: «IL N’Y A PAS DE RAPPORT SEXUEL» ?
C’est une phrase a priori énigmatique. Des rapports sexuels, il y en a tout le temps. Mais ce que dit Lacan, c’est la dimension dissonante du désir amoureux. Il n’y a pas d’adéquation possible entre les deux amants. Il n’y a pas de solution au malentendu entre les sexes. Personne ne sait ce qu’il faut faire ou dire pour obtenir la réponse désirée. De fait, il faut inventer de nouvelles phrases pour chaque passion amoureuse. D’où une angoisse irréductible. Et l’homosexualité n’y change rien. David Lynch nous donne ainsi à voir, dans un rêve, un magnifique rapport sexuel entre deux femmes où chacune s’accorde comme deux instruments de musique. Mais même dans le rêve de Diane Selwick, la vérité revient sous la forme d’un trauma: sa partenaire est réveillée par le mot «Silencio», qui est le nom d’un club où, nous diton, «l’orchestre ne jouera pas ce soir». L’harmonie n’existe pas dans le rapport amoureux.
ET TOUT AUJOURD’HUI EST ORGANISÉ POUR PLUTÔT S’AFFRANCHIR DE CE VIDE…
Oui. Lacan note que l’absence de rapport sexuel, ce vide, nous rappelle à notre contingence pure, et donc à notre liberté. Mais aujourd’hui, on exploite l’angoisse que suscite ce vide. On peut bien sûr aller sur le site Adopteunmec.com et y entrer ses critères de recherche mais le propre de l’amour, c’est que l’on ne sait jamais ce que l’on cherche. Il y a une passion de notre civilisation pour les méthodes rationnelles. Mais cette standardisation de l’expérience amoureuse éloigne chacune et chacun de sa vérité. Je ne m’étonne pas de voir Onfray constater que son discours hystérise les femmes. C’est qu’elles comprennent, plus ou moins inconsciemment, que l’on se dirige vers une société où la passion amoureuse, ses ratages et son étrangeté, seront considérés comme pathologique.
«LES AMOUREUSES» (SEUIL / 192 PAGES / 17 €).
ENTRETIEN PHILIPPE NASSIF