Barack Obama – Vraiment trop cool ?

Paru dans Technikart n°167

The Chronic
Vraiment Trop Cool ?

«Il y a beaucoup de points que je voudrais aborder ce soir, mais le plus important d’entre eux est qu’il y a vingt ans, je suis devenu l’homme le plus chanceux de la Terre car Michelle a accepté de m’épouser. Alors, ma puce, je voudrais te souhaiter un joyeux anniversaire et te promettre que l’année prochaine, nous ne le fêterons pas devant quarante millions de personnes. » C’est sur ces mots charmants que Barack Obama a ouvert le premier débat l’opposant à Mitt Romney le 3 octobre dernier. Nul besoin d’être Prix Nobel pour comprendre que cette innocente dédicace à sa chère et tendre devant le monde entier était savamment calculée.
Souvent accusé par les plus conservateurs de dégrader le schéma de la famille traditionnelle cain-ri (notamment en raison de son virage à 180° sur le mariage gay), Barack a vu là l’occasion de jouer l’époux modèle à moindres frais. Plus c’est gros, mieux ça passe : la vidéo a été partagée des millions de fois sur les réseaux sociaux et, de l’autre coté de l’Atlantique, les Frenchies – ceux-là mêmes qui s’étaient foutus de la gueule du « Avec Carla, c’est du sérieux » de Sarkozy – ont fondu devant cette déclaration « so cute ».

Opération Fast and Furious
Partout dans l’Hexagone, il est en effet stupéfiant de constater à quel point Mister President jouit d’une indestructible image de « cool guy » déconneur et décontracté. Très populaire auprès des 18-35 ans, il est plébiscité par ceux qui ne connaissent pas grand-chose de son bilan moyennement reluisant. Instants volés d’une accolade complice avec la superstar du rap Jay-Z et sa douce Beyoncé aussitôt postés sur Instagram, vidéo Youtube style Z’amours où lui et Michelle-sa-Belle racontent leur first kiss avec des trémolos avant de dégainer la collec’ de photos souvenirs vintage, diffusion au JT d’un bœuf improvisé où notre héros pousse la chansonnette sur Sweet Home Chicago : le plan market’ de Barack Obama est tellement bien huilé qu’il fait oublier les zones d’ombres de son mandat écoulé.
Pour quelles obscures raisons, par exemple, les médias d’outre-Atlantique passent-ils sous silence les rebondissements de l’opération Fast and Furious, où le président a fait jouer son « privilège exécutif » afin de permettre à son ministre de la Justice de se soustraire à une injonction du Sénat lui ordonnant de communiquer des pièces qui risquaient de faire très mauvais effet en matière de coolitude ? L’affaire, quasi inconnue des fans du chef d’Etat le plus sympa du monde, a tout de même consisté à vendre des armes aux cartels mexicains de la drogue pour identifier leurs circuits d’approvisionnement. Pour quelles raisons encore ce silence sur le nombre ahurissant d’« executive orders », ces ordonnances prises par Obama dans le but de contourner le Congrès sur des sujets où les parlementaires auraient pu légitimement se révolter contre des mesures confiscatoires des libertés constitutionnelles ? Comme son prédécesseur républicain, Obama met la lutte contre le terrorisme à toutes les sauces, et certaines dégagent parfois un parfum nauséabond.

Conte de fées ?
Les médias français ont largement contribué à créer ce personnage full of swag qui n’hésite pas à inonder le Net de photos « prises sur le vif » (ma préférence va au « check » à un homme de ménage). Mais cette street cred’ factice repose sur bien peu de choses : Obama est, si l’on en croit ses multiples bios, issu du plus pur sérail Columbia-Harvard et son accession au pouvoir n’a rien d’un conte de fées. Alors oui, je vous le concède, entre un mec au passé trouble et au bilan médiocre et un républicain réac’, mormon et icône des évangélistes, qui souhaite supprimer les subventions des plannings familiaux, rejette l’avortement et le mariage homosexuel, le choix est vite fait. Est-ce une raison pour porter aux nues un homme incapable de fournir un extrait de naissance indiscutable au fallacieux prétexte que cet argument a été aussi exploité par les milieux complotistes les moins recommandables ?
En devenant le premier Noir à accéder à la Maison Blanche, Obama a donné tort au regretté Tupac, qui chantait en 1992 : « Although it seems heaven sent / We ain’t ready to see a black president », l’année où Barack épousait Michelle. Mais que n’aurait-on entendu en France si François Hollande avait fait diffuser sur le site de l’Elysée un extrait de naissance visiblement trafiqué tout en ordonnant à sa mairie d’origine de ne communiquer l’original sous aucun prétexte ? Ou si l’on apprenait que le président possède sa « killing list » perso des ennemis de la République à exécuter, dommages collatéraux pour les populations civiles avoisinantes inclus ? D’ailleurs, Barack Obama n’avait-il pas fait de la fermeture de Guantanamo une priorité ? Les retournements de veste ? Yes, he can.

Par Melanie Mendelewitsch