FREDERIC BEIGBEDER ET SIMON LIBERATI – GARDE À VUE !

Paru dans le numéro 134 de Technikart – 25/06/2009

Il y a un an, ils se faisaient choper en train de prendre de la coke dans la rue. L’un en a tiré un roman familial, l’autre en a profité pour clore sa «Trilogie des minables». Convoqués par «Technikart», Frédéric Beigbeder et Simon Liberati se retrouvent au parloir.

Mardi 16 juin en début d’après-midi à la Société, place Saint-Germain-des-Prés. Simon Liberati débarque avec son grand sac militaire. Dans deux heures, il repart vers l’abbaye sistercienne où il vit désormais. Son troisième roman, l’Hyper Justine, sort à la rentrée chez Flammarion. Comme toujours chez lui, il y est question d’enfants de la nuit se brûlant les ailes aux lumières de la ville. Mais aussi d’une vieille artiste contemporaine lesbienne et manipulatrice. « C’est mon roman gothique », s’amuse l’auteur d’Anthologie des apparitions et de Nada Exist.
Frédéric Beigbeder nous rejoint, speed et cravaté. Il sort fin août son huitième roman. Un texte qui tranche avec ses œuvres précédentes puisqu’il y est question de son enfance, de sa famille mais aussi de sa garde à vue pour avoir consommé de la cocaïne sur le capot d’une voiture devant un établissement du VIIIe arrondissement de la capitale, bien connu des noctambules.

Frédéric Beigbeder : Vous avez déjà…
Simon Liberati : …Non, mais on peut en parler ouvertement…

DONC LA PREMIÈRE QUESTION SERA: EST-IL VRAI QUE LORSQUE FRÉDÉRIC BEIGBEDER A ÉTÉ ARRÊTÉ LE 28 JANVIER 2008, LA SECONDE PERSONNE APPRÉHENDÉE ÉTAIT SIMON LIBERATI ?
F. Beigbeder : La réponse est oui. On a été arrêtés tous les deux en train de faire une bêtise dans la rue. En revanche, le « poète » de mon livre n’est pas Simon. D’abord, parce que je suis pas une balance. Ensuite, parce que je l’ai réinventé. Aucun des comportements désordonnés, voire inquiétants, du personnage n’ont de rapport avec la personne de Simon.
S. Liberati : Grâce à la vieille prune que j’avais bue et à la cocaïne, ce ne fut pas un traumatisme très fort, mais c’est au dépôt, le lendemain, que je me suis inquiété. Là, je me suis dit qu’on risquait de partir en prison.
F. Beigbeder : Ça a d’abord été une arrestation joyeuse, les policiers étaient très aimables. On s’est fait prendre en photo, on nous a fouillés. Après, ils m’ont emmené faire une analyse d’urine à l’Hôtel Dieu et ils ont fait une perquisition chez Simon, qu’ils croyaient être mon dealer.
S. Liberati : Je ne suis pas dealer car je ne sais pas plier les cocottes. Au début, c’est amusant, t’es en prison, une jolie policière t’attache. La mienne était de couleur, elle avait de très gros seins avec lesquels elle me poussait dans les couloirs. C’est toujours les filles qui t’attachent – c’était ma seconde garde à vue et j’ai noté ça. Le soir, ils t’attachent pas et puis ils t’attachent le lendemain. Ils aiment bien attacher le matin. (Rires).
F. Beigbeder : Je me souviens qu’on a eu une conversation en cellule avec Simon où je lui ai dit que j’avais oublié mon enfance. Et il m’a répondu : « Tiens, ça, c’est une bonne idée de livre ! »

ON TE MET EN PRISON TRENTE-SIX HEURES ET TU EN TIRES UN LIVRE OÙ TU RACONTES D’OÙ TU VIENS. ON POURRAIT EN DÉDUIRE QUE TA PREMIÈRE RÉACTION A ÉTÉ: «JE SUIS UN BOURGEOIS, SORTEZ-MOI DE LÀ !»
F. Beigbeder : On peut voir ça comme ça. Un sale gosse de riches pond un livre parce qu’il a été deux jours en garde à vue, pauvre chou. On peut aussi se dire comme moi : si on traite ainsi un bourgeois célèbre, qu’est-ce que ça doit être avec un inconnu pauvre. C’est ça qui est flippant ! Mais ce n’est pas le centre de mon livre. La garde à vue a servi à me révéler mon passé. Je me suis interrogé sur ma famille, mon frère, mon enfance… En cela, d’une certaine façon, c’est un éloge de la détention. Tu n’as pas l’heure, pas de journaux, pas de distraction d’aucune sorte, rien. Si tu n’es pas délinquant de profession, tu es obligé de sérieusement t’interroger.
S. Liberati : C’est l’idée qu’en étant enfermé, on devient soi-même. Mais ça dépend. Moi, la première fois, ils repeignaient la cellule d’à côté en écoutant Fréquence Gay. Alors, pour réfléchir entre le White Spirit et Kylie Minogue…
F. Beigbeder : Il ne faut pas dire trop de bien de la prison. C’est une banalité, mais je désapprouve la façon dont l’Etat français est en train de devenir un Etat de flics. C’est grave qu’on vote tant de lois liberticides dans l’indifférence générale. Un flic m’a dit : « On arrête les usagers parce qu’on n’arrive pas à arrêter les trafiquants. » Je suis quand même très énervé par cette affaire, même si elle a un côté Marie-Chantal au dépôt.

SIMON, DANS «L’HYPER-JUSTINE», UN DES DEUX PERSONNAGES PRINCIPAUX, THÉRÈSE LEGROS, L’ARTISTE, A ÉGALEMENT FAIT DE LA PRISON.
S. Liberati : L’idée qu’elle change de vie grâce à la prison m’est également venue en garde à vue. Je n’y avais pas pensé avant, alors que c’est un roman qui tourne autour de Sade. Il était donc logique que Thérèse démarre sa carrière artistique en prison.

FRÉDÉRIC, C’EST LE PREMIER ROMAN OÙ TU N’AS PAS RECOURS À UN ALTER EGO DU GENRE MARC MARRONNIER, OSCAR DUFRESNE, OCTAVE PARANGO…
F. Beigbeder : Je m’appelais déjà Frédéric Beigbeder dans Windows on the World, mais un chapitre sur deux. Un roman français est très autobiographique pour une raison simple : les flics m’ont demandé de décliner mon identité – nom, prénom, date et lieu de naissance – et je me suis aperçu que c’était quelque chose que je n’avais jamais vraiment fait dans un livre. C’est aussi parce que le procureur de Paris, Jean-Claude Marin – qui demande que les dossiers concernant les personnalités lui soient transmis – a voulu que ma garde à vue soit prolongée d’une nuit, contrairement à ce qui se fait d’ordinaire pour consommation sans antécédents. Celui qu’il voulait punir, ce n’était pas moi mais Octave, le narrateur de 99 Francs et d’Au secours, pardon. Je me retrouvais donc prisonnier de mon personnage. Forcément, ça fait réfléchir.

TU CITES D’AILLEURS JEAN-CLAUDE MARIN VINGT-CINQ FOIS EN QUATRE PAGES. C’EST DE L’ACHARNEMENT ?
F. Beigbeder : Que des gens aussi puissants aient une telle méconnaissance de ce qu’est la différence entre un auteur et son personnage dans un roman a quelque chose d’inquiétant. Sur pourquoi on joue avec soi-même et la vraie vie. La question est posée de manière intéressante par Emmanuel Carrère – qui fait un roman où il affirme que tout est vrai – ou par Simon Liberati – qui choisit la pure fiction mais avec un matériau d’observation, des éléments très réalistes. Si je peux amener à ce qu’on réfléchisse à ces questions littéraires grâce à mon Roman français, je serais comblé.
S. Liberati : Si on doit absolument être sérieux, disons que sur ce plan, moi, je suis dans une critique permanente du roman. L’héroïne de mon livre ment, c’est une manipulatrice et, en plus, elle perd la mémoire, ce qui remet en question la vraie nature de l’intrigue. Elle dit d’ailleurs : « Ma vie est un roman et comme les romans m’ennuient, je ne la raconte pas. »

TOI, SIMON, TU RISQUES PLUS D’ÊTRE CONFONDU AVEC UN AUTRE DE TES PERSONNAGES: PIERRE, UN ESCROC QUI CHERCHE À PIGEONNER DES CALL GIRLS ET QUI BAT LES FEMMES…
S. Liberati : Ouh la la, moi je ressemble à la vieille, pas à l’autre ! Construire un personnage, c’est fabriquer une poupée et y adjoindre des notations psychologiques que tu as entendues, des comportements que tu as observés. Tu entres tellement dans le détail que le lecteur se dit que ça ne peut être que vrai, puisque tu es aussi précis. Mais tout est faux ! J’appelle ça l’hyperréalisme psychologique. Je caricature, j’aggrave, c’est de la fiction. Après, certains lecteurs croient vraiment que c’est toi.
F. Beigbeder : Oui, on va dire que tu es misogyne, que tu tapes les femmes, voire que tu as tué Katoucha, puisque ce Pierre violente Katelya dans ton roman.
S. Liberati : Je n’ai pas touché à Katoucha.

VOUS VOUS TROUVEZ MIEUX DANS LA VRAIE VIE ?
F. Beigbeder : En fait, on pense tous les deux que la vie c’est bien, mais que les romans, c’est mieux. Notre génération a eu le tort de croire qu’elle n’était pas intéressante. Qu’il s’était passé des choses bien plus graves pendant la Seconde Guerre mondiale. Que Mai 68, c’était plus important.
S. Liberati : Mais ce n’est pas une raison pour ne pas écrire dessus. Mai 68 est un non-événement absolu, une semaine de promotion pour la culture jeune… En ce moment, on nous bassine avec le Palace, qui n’était quand même pas un endroit passionnant ! Mais on peut écrire sur n’importe quoi. C’est le regard qui apporte une espèce de logique, de poésie. Pour moi, ce qui est amusant, c’est de raconter des événements comme monter dans une voiture à la sortie de l’Elysée-Matignon pour se faire faire pipi sur la tête, mais d’une jolie manière, sur un ton inspiré des moralistes français du XVIIe siècle ou de Proust.

UNE POÉSIE TRASH DONC, AVEC DES PUTES, DES RABATTEURS…
S. Liberati : Oui, il y a une thématique sur la prostitution dans ce que j’écris. C’est une thématique moderne : avec les problèmes économiques, de plus en plus de gens se prostituent d’une manière ou d’une autre au point que, bientôt, il n’y aura plus assez de demande. Il n’y a plus le côté aventure des années 70 – pute un jour, militante rouge le lendemain. Maintenant, c’est juste des étudiantes qui aspirent à payer leur loyer.
S. Liberati : Les bourgeois s’ennuient. Ils cherchent des filles, des émotions. Moi qui ai plus fréquenté les filles à portefeuilles que les portefeuilles, je m’intéresse au regard de la fille. La petite bourgeoisie qui débarque à Paris, va à une fête, se retrouve dans le lit de Patrick Juvet, à une partouze à Londres, elle a l’impression de découvrir le monde, de vivre enfin.
F. Beigbeder : D’une certaine façon, pour les jeunes gens dans leurs ghettos de riches, c’est la même chose. Inconsciemment, ils veulent sortir de leur prison dorée. C’est un sujet passionnant pour un écrivain : ça fournit des personnages, des rencontres…
S. Liberati : Pendant longtemps, seuls les homosexuels transgressaient les barrières sociales. Maintenant, ça s’étend aux sphères hétéros. Par exemple, depuis 68, on assiste à un phénomène de diffusion de la perversité. On est passé de Jackie Kennedy sortant avec Charles Adams (le créateur de la Famille Adams qui avait rassemblé un véritable musée des instruments de torture du Moyen-Âge – NDLR) et s’identifiant à Morticia aux gothiques d’aujourd’hui.
F. Beigbeder : Ce qui est marrant, c’est que tu mélanges ce genre de thématique avec des choses spirituelles, des références à la grâce de Dieu…
S. Liberati : Oui, j’écris des romans catholiques, toujours. De 1971 à 1976, j’étais enfant de chœur à Saint-Sulpice. J’ai porté la grande croix en argent devant l’évèque de Paris, monseigneur Marty. J’ai eu les trois grades : céroféraire, acolyte et cérémoniaire. Forcément, ça marque.

ET TOI, FRÉDÉRIC ?
F. Beigbeder : Moi, aussi j’ai été enfant de chœur, à l’école Bossuet, à vingt mètres de là. Mais c’était plus décontracté. Le père Di Falco officiait comme aumônier, il m’avait offert son 45 tours.
S. Liberati : C’était une époque très différente. J’étais enfermé dans un collège privé. Je me souviens d’une éducation un peu rigide où l’on ne prenait pas vraiment en compte les émotions des enfants. Et le jour où j’en suis sorti, je suis allé directement dans la cage aux fauves.
F. Beigbeder : Dans mon livre, je parle beaucoup de mon éducation catholique. De mes grands-parents très coincés qui m’emmenaient à la messe en basque. Ils étaient imprégnés de l’idéologie maurrassienne : catholique, monarchiste, antisémite… En même temps, j’ai découvert au cours de mon enquête que, pendant la guerre, ils avaient sauvé beaucoup de Juifs – des enfants, des médecins – grâce à leurs sanatoriums.

VOUS VOUS CONNAISSEZ DEPUIS LONGTEMPS ?
F. Beigbeder : En 2004, lorsque j’étais éditeur chez Flammarion, le manuscrit du premier roman de Simon, Anthologie des apparitions, m’est arrivé par le truchement d’Olivier Malnuit, de Technikart. J’ai lu le début du livre et, avant même de l’avoir fini, je savais que je voulais le publier. Alors, j’ai téléphoné à Simon. C’est là qu’on s’est rencontrés pour la première fois alors qu’on aurait pu se croiser à 20 ans ou ailleurs puisque nous avons tous les deux beaucoup travaillé pour la presse féminine.
S. Liberati : En fait, on s’était vus une fois à l’anniversaire de Susan Barsh au Boy, mais j’étais habillé en femme. (Rires).

ON RETROUVE DANS VOS DEUX LIVRES LA NOSTALGIE D’UN ÂGE D’OR DE LA NUIT PARISIENNE QUE VOUS SITUEZ JUSTE AVANT QUE VOUS NE COMMENCIEZ À SORTIR…
F. Beigbeder : Quand tu écris, tu essaies de construire quelque chose d’un peu féerique et floue. Une sorte de gloire perdue. Pour moi, c’est clairement les cocktails de mon père dans son duplex de la rue Maître-Albert avec des mannequins suédois…
S. Liberati : … qui auraient pu être des personnages de mon roman, sortant à l’Elysée-Mat’ ou au Brummell. C’est les angles perdus de nos champs de mémoire. On est nostalgique de trucs qu’on a entendus et qu’on n’a pas bien compris, des choses dont on se souvient mais dont on n’arrive pas à se souvenir complètement. Mais c’est quoi cet avant ? La soirée d’avant, toujours plus réussie que la nôtre, c’est le père, forcément. La « version club » de l’Œdipe.
F. Beigbeder : Pour moi, ça passe beaucoup par la musique. Song In a Key of Life, le double album orange de Stevie Wonder, ou Dont Sleep In the Subway, une chanson oubliée de Petula Clark. La musique, comme les parfums, est un élément du voyage dans le temps. Mon roman, c’est un peu un visage qui se reflète dans une boule à facettes. Un livre façon puzzle, décomposé et disco.
S. Liberati : Les boules à facettes… Voilà notre point commun, on l’a trouvé !

JE N’EST PLUS UN AUTRE
Dans «Un roman français», Frédéric Beigbeder a décidé de cracher le morceau sur son enfance, sa famille, sa garde à vue et tout ce qui le constitue.
Alors qu’il est en garde à vue pour avoir consommé de la cocaïne sur un capot de voiture, Frédéric Beigbeder se souvient de son enfance. Ou plutôt, il ne s’en souvient plus: «J’ignore complètement où j’étais entre 1965 et 1980; c’est peut-être la raison pour laquelle je suis égaré aujourd’hui.» Depuis sa cellule, il repense donc aux rares moments qui demeurent gravés en lui. Une après-midi avec son grand-père sur la plage de Guéthary vers 1972; l’odeur écœurante des sièges en cuir beige de la Rover de son père un jour de pluie; ce grand frère plus beau et plus énergique dont les filles lui demandaient toujours des nouvelles (et qui lui a sans doute donné l’envie d’être célèbre pour inverser la donne)…
A partir de ces quelques réminiscences, il part à la recherche de cette enfance qu’il a préféré oublier. Une enfance sans histoire dans un milieu bourgeois et catholique. L’enfance, entre Neuilly, Saint-Germain-des-Prés et la côte basque, d’un fils de divorcés à une époque où ça ne se faisait pas si souvent. Une enfance contre laquelle il s’est construit, voulant être un autre. Marc Marronnier, Octave Parango ou Oscar Dufresne – ses alter ego qui lui ont servi de paravents pour ses précédents romans – lui permettaient de prendre la pose en jeune homme insolent et sûr de lui. Alter ego à cause desquels, ce 28 janvier 2008, il fait une deuxième nuit de garde à vue, comme si c’était à eux qu’on voulait donner une leçon.
A 44 ans, Beigbeder se dit qu’il est temps d’accepter ce passé qui le constitue, cette géographie intime qui est la sienne. Peut-être tout simplement parce qu’en garde à vue, on a envie de rentrer chez soi. Il en fait son livre le plus touchant, un joli «Roman français» honnête et presque modeste, imprégné de culture littéraire et de notations historiques aux antipodes des «histoires d’un homme sans passé» qu’il écrivait jusque-là.
«UN ROMAN FRANÇAIS» (GRASSET / 280 PAGES / 18 €). SORTIE LE 18 AOÛT. J. B.

CHRONIQUE DES PETITS MATINS
Dans «l’Hyper-Justine», Simon Liberati dessine la nuit parisienne des 60’s à nos jours du point de vue des sans-grades.
Un escroc à la recherche d’«une fille à portefeuille» s’introduit chez une artiste, une vieille lesbienne qui lutte contre un début d’Alzheimer entourée de parasites et de jeunes filles en fleur. Le souvenir de la Sultane, un mannequin retrouvée mort au Yémen en 1977, hante leur rencontre. Mère du premier, amie de la seconde, la voilà héroïne de «l’Hyper-Justine», scénario «morbide chic» que Sofia Coppola envisage de tourner à Paris. La Sultane est peut-être la clé d’une nuit de dupes durant laquelle on se croise dans un minuscule périmètre: un café à l’angle de la rue Saint-Honoré, un parking de la place Vendôme, un resto clandé derrière la Madeleine et l’appartement de l’artiste rue de Castiglione.
Dans ce troisième roman de Liberati, sadien et gothique, errent les fantômes de cinquante ans de vie nocturne. C’est aussi un catalogue des snobismes de notre époque: «“Qu’estce que c’est, Annie Leibovitz ?” Silence. “Une personne âgée qui fait des photos horribles.” Tout l’art tenait dans le silence mesuré qu’il réservait entre la question et la réponse.» Retz ou Saint-Simon faisaient la chronique des puissants dans une langue classique. Proust usait le même français chantourné pour décrire la vie des mondains. Aujourd’hui, Simon Liberati détourne ce grand style pour raconter les aventures des «paumés du petit matin», demi-mondaines et pseudo assistants de célébrités, vrais gangsters et fausses ingénues. Comme dans «Anthologie des apparitions» et «Nada Exist», il accorde sa voix élégante aux créatures de la nuit qui le restent rarement jusqu’au matin.
«L’HYPER-JUSTINE» (FLAMMARION / 308 PAGES. 20 €). SORTIE LE 26 AOÛT. J. B.

ENTRETIEN JACQUES BRAUNSTEIN