Guillaume Durand : « Je ne suis pas du tout bling »

Guillaume-Durand

Amateur d’art et de littérature, Guillaume Durand publie un livre touchant de souvenirs et de considérations sur la musique, le ciné, l’amitié… Pour Technikart, il lève un peu le voile sur ses années télé.

Il y a 15 ans, votre précédent récit était centré autour d’un échec professionnel avec Canal +. Qu’en est-il de ce nouvel ouvrage ?
Rétrospectivement, je me rends compte que j’étais somme toute assez heureux à Canal. Le fait est qu’ils avaient acquis une dimension au sein du monde culturel sans rapport avec ce qu’ils étaient en réalité. Ce nouveau livre est né quand est survenue cette saloperie de crise d’arythmie. Je bossais sur un roman et bim ! Du coup, j’ai lâché le roman pour écrire ce récit qui évoque l’art, la littérature, ma vie perso, la télé et mes parents, le VIe arrondissement où je suis né… Une sorte de puzzle grâce auquel j’ai voulu mettre tout à plat.

Pourquoi cette volonté de « tout mettre à plat » ?
Je voulais que mes parents qui sont toujours vivants soient présents dans ce livre. Je me souviens très précisément du moment où j’ai annoncé à mon père que je ne reprendrai pas son activité de marchand de tableaux. Par la suite, j’ai habité dans le XVIe, ce qui pour les bourgeois de gauche du VIe confine au sommet de la vulgarité ; pire, je me suis jeté dans les bras de Silvio Berlusconi en allant sur La 5. Ce côté ado/provo – je fais tout ce que vous ne voulez pas que je fasse – ne m’a jamais quitté et m’a valu certains ennuis…

GuillaumeDurandD’où ce côté désinvolte, dépensier et bling ?
Désinvolte, c’est lié à cette volonté de se montrer le plus naturel possible à l’écran, pour masquer un trac. Or, quoique vous fassiez, ce côté naturel sera perçu comme une attitude de morveux. Dépensier ? À une époque, j’ai acheté des œuvres d’art importantes et c’était au-delà du raisonnable. Il y avait un côté suicide souriant dans tout cela… Bling ? Pourquoi dire cela ?

À cause de votre amour pour les Ferrari…
C’est une passion de gosse. Je ne suis pas du tout bling.

Dans les années 90, lors d’une interview avec Bernard Tapie, celui-ci vous a accusé d’être cocaïnomane. C’était pour vous déstabiliser ?
Exactement. Et ça a marché du reste. Tapie était très malin, il savait que me coller une image de mec coké allait avec la panoplie que j’arborais à l’époque : le mondain avec des lunettes bleues et une Ferrari. Or, je n’ai jamais été cocaïnomane.

Le 3 septembre 1992, vous devenez une vedette de la télé en interviewant François Mitterrand à la Sorbonne juste avant le traité de Maastricht. Avec le recul, cette opération de propagande ne vous a pas gêné ?
Pas vraiment, non. J’étais pour le oui et je ne regrette pas qu’il soit passé.

Vous faisiez partie des courtisans de François Mitterrand ?
Non, après cette émission Georges-Marc Benamou m’a invité à aller dîner avec le Président et son cercle d’amis et j’ai refusé. Le côté lèche-cul, ça m’a toujours gonflé…

Vous avez fait une belle carrière par la suite, notamment dans les années 2000 où vous êtes devenu « le nouveau Bernard Pivot » sur le service public. Pourquoi en avez-vous été écarté ?
Nicolas Sarkozy m’a écarté du service public car il me soupçonnait d’une trop grande proximité avec Dominique de Villepin. Or ce n’était pas vrai.

Vous vous considérez comme un babyboomer ?
Un baby-boomer, c’est un type qui aurait milité à l’université dans divers courants politiques et qui serait aujourd’hui patron d’une chaîne ou d’une radio du service public. Est-ce mon cas ? Non. Je suis un vieil ado. Je suis resté le même mec qui allait voir Led Zep en 1969 à l’École Centrale à Chatenay-Malabry. La première partie de ce concert, c’était Triangle.

 

ENTRETIEN SYLVAIN MONIER

Mémoires d’un arythmique
(éd. Grasset, 378 pages, 20€)


Technikart #197

TECHNIKART-197