Jean-Michel Aphatie : « Je ne vais pas faire votre travail à votre place! »

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Quelle année pour le chroniqueur préféré d’Edwy Plenel! Remercié simultanément par la production du Grand Journal et la direction de RTL, Jean-Michel Aphatie trouve refuge sur la grille de rentrée d’Europe 1. L’occasion de lui faire passer son bilan de compétences.

 

Vous rejoignez Europe pour animer la tranche midi-14 heures, une première pour vous. Vous avez peur ?
Jean-Michel Aphatie: On a toujours peur, la peur fait partie de la vie. La question, c’est de la dominer ou de se laisser manger par elle. Je vais essayer de la dominer.

Cette année, vous avez été viré de Canal, mais aussi de RTL. Pas trop dur de perdre deux jobs en même temps ?
Ça a été une année de chamboulement, mais ça va, je vous rassure.

On a eu l’impression que votre départ de Canal s’est fait en plusieurs fois. C’était compliqué ?
Disons qu’on a discuté de la possibilité que j’y reste comme chroniqueur. On discutait parce que l’on n’avait pas envie de se quitter.

J’imagine que ça a représenté un manque à gagner important. J’ai lu dans le Parisien que vous touchiez 15 000 brut par mois de Canal.
(Irrité.) Ouuui, ouuui, ouuui… Ce n’est pas le plus important dans la vie, vous savez.

Au Grand Journal, vous étiez particulièrement exposé aux critiques. Je pense notamment à celles d’Edwy Plenel, rabaissant votre travail à celui d’un « journaliste de commentaire». 
Et Plenel n’a jamais fait de commentaire ? Je ne comprends pas bien l’attaque-là, ni la manière dont vous posez le débat.

Qui ça, moi ?!
Oui, vous.

Je repose la question différemment alors : comment défendre le journalisme tel que vous le pratiquez face à ce genre d’attaque ?
On est tous des enquêteurs. On pose tous des questions, et poser des questions, c’est une manière d’enquêter. Après, on n’est pas tous en contact avec des juges d’instruction qui nous donnent des dossiers pour écrire sur X ou Y. Ce journalisme-là serait supérieur à la moyenne ?

Pour Edwy Plenel, oui. Vous ressentiez de la condescendance ou du mépris de sa part quand il venait au Grand Journal ?
Posez-lui la question… Mais dans l’affaire Cahuzac, je suis complètement opposé à Plenel. Quand on dit un truc et que l’on emmène zéro preuve, c’est un problème. Si vous n’avez pas le numéro du compte en Suisse (au moment de la publication du premier article sur l’affaire Cahuzac, ndlr), si vous n’avez pas les preuves, c’est un peu court. À la fin, il a eu raison. Mais la fin justifie-t-elle les moyens ? (Silence.) voulez le fond de ma pensée ?

Oui, bien sûr.
J’ai été surpris que les journalistes soient aussi complaisants vis-à-vis de la qualité de leur enquête sur Cahuzac. Je n’ai rien contre Mediapart, ni contre Plenel d’ailleurs, mais l’enquête telle qu’elle a été présentée à  partir du 4 décembre 2012 était incomplète: ils avaient un enregistrement, on ne savait absolument pas qui parlait dessus, et ils nous disent « voilà d’autre élément pendant 3 mois et demi, et Plenel écrira fin janvier au procureur de la République pour lui demander d’ouvrir une enquête. Ce qui est tout de même exceptionnel: un journaliste qui demande à la justice d’ouvrir une enquête à la suite de ses papiers ? Qui se comporte comme un auxiliaire de la justice? C’est une drôle de conception du journalisme, non? Après, j’ai compris qu’il en est restée l’idée que je défendais Cahuzac, et Plenel, la République, mais ça me paraît un peu con comme appréciation.

Bien. Vous auriez dit non à BFM pour ne pas froisser Europe 1. Ça a été dur ?
Non, pas très ! Je vais me consacrer à Europe 1. C’est ce qui m’a été demandé, et c’est ce que je vais faire.

Vous comprenez qu’un média exige l’exclusivité de ses talents ?
Je n’ai pas de contrat d’exclusivité avec Europe 1.

D’accord. Donc si demain BFM vous rappelle, vous pouvez aussi bien leur dire oui que non ?
BFM m’avait sollicité pour m’inviter de temps en temps sur le plateau. Je leur ai plutôt répondu oui, et à Europe, on m’a dit que l’on voudrait que je me consacre à Europe.

Mais même si elle est tacite, c’est quand même une exigence…
J’ai préféré le prendre comme une marque d’estime.

Très bien. Alors si un de vos invités politiques vous répond avec ce genre de langue de bois, vous faites comment ?
Ça, c’est à vous de vous débrouiller. C’est à vous d’aller chercher dans les coins ou derrière le décor. Je ne vais pas faire votre travail à votre place !

Très bien, vous avez raison. (Rires.) Je vais appeler Edwy Plenel en renfort et on va interroger la direction de BFM et Denis Olivennes (le président d’Europe 1, ndlr).
Si vous appelez tous ces gens-là, c’est du journalisme. Je ne peux pas vous décourager d’en faire.

 

ENTRETIEN LAURENCE RÉMILA
PHOTO FRANÇOIS BERTHIER

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