Jim Mickle «Comment je m’en sortirais dans une baston ?»

Capture du 2015-05-22 11:40:53

Grâce à Sam Shepard et Don Johnson (en majesté, les deux), Jim Mickle éclabousse la Quinzaine avec «Cold in July», “Texasploitation” gaillard où l’on se mesure la bite et le shotgun.

«Cold in July» se déguste comme un roman pulp. Savoureux, droit au but, poisseux…
Ahah, merci ! C’est adapté d’un roman pulp, j’imagine que j’ai bien fait mon travail. Joe Lansdale a écrit le bouquin en 89, il s’est beaucoup nourri à la pop culture de ces années-là. Cold in July est une somme des films et des bouquins de l’époque que j’adore (Carpenter, Le Convoi de la peur et Blood Simple en tête), restituée via l’esprit tordu de Lansdale… Il a une oeuvre colossale. Une quantité inimaginable de romans, de nouvelles et d’histoires à adapter. J’aime celle-ci pour l’idée d’un mec normal plongé dans unroman pulp.

Le besoin de se tester en tant qu’homme ? De se mettre à l’épreuve ? De se mesurer à d’autres hommes sur leur terrain ?
Dans le roman, le personnage ne sait pas comment gérer la montée de violence qui s’empare de lui, il titube d’une situation à l’autre, il n’est plus vraiment maître de lui. Et j’imagine que je réagirais de la même manière. Lorsqu’on s’est rencontré, Joe m’a demandé si je m’étais déja battu, si j’avais été impliqué dans une bagarre. Je lui ai répondu, « Oui », avant de lui avouer que « Non, jamais ». Comme pas mal de mecs, je me demande comment je m’en sortirais dans une bagarre. Est-ce que je serais par terre en deux secondes ? Est-ce que je durerais ?… Dans le cadre d’un polar, ça renverse les codes du genre sur eux-mêmes. C’est lui, le héros, cet avorton à mulet (le personnage de gentil mécano joué par Dexter, ndr) ? C’est lui, le tough guy ?

Il y a beaucoup de la douceur et de la non-éloquence du couple de «No Country For Old Men» dans celui de «Cold in July»…
Complètement. Vinessa (Shaw, ndr) et Michael se connaissaient d’un tournage précédent. J’avais peur qu’ils la jouent « sérieux », mais ils ont compris la rythmique texane, l’espiéglerie, ils se sont bien amusés. Really, it’s s all for fun.

C’est aussi une tranche de «Texasploitation» bien dégueu, avec du snuff, des rednecks et des guns. Comment ne pas se retrouver à signer une merde d’extrême droite ?
Le cadre. Le setting. Les Années 80. La matière « pop» de ces années-là s’incorpore au projet, et emmène ce pitch de film exploitation (un mec tue un type qui rentre chez lui par effraction et devient accroc à la violence) vers une sorte de monde fantasy. A un moment, on a pensé ne pas situer l’action au Texas, à tourner le film ailleurs. Je ne savais pas si c’était le bon moment pour raconter l’histoire d’un type qui prend goût aux armes. Mais, encore une fois, les 80’s nous ont servi de couverture. Ce n’est pas post-moderne, je ne crois pas.

Ou alors le simple fait de le montrer ici le rend post-moderne. En d’autres temps, il serait diffusé sur le câble à la télévision américaine…
Ahah, c’est vrai ! C’est intéressant. Je crois que Red Rock West était un film câblé avant d’être présenté ici. Et Roadracers de Robert Rodriguez. Je suis incroyablement reconnaissant d’être ici. Pourquoi ? Ça, je n’en ai aucune idée. Mais je prends !

Commercialement, le film a une chance ?
On verra, il sort vendredi ! IFC, notre distributeur, aime prendre des risques et a le couilles de supporter des films de ce genre. A une époque, on en faisait tout le temps. Et ils étaient incroyablement populaires, même des trucs obscurs aujourd’hui comme La fugue d’Arthur Penn, et même ceux qui étaient les mauvais « knock off » des bons. Le style, la musique, les personnages, l’attitude…

Don Johnson a gagné une nouvelle épaisseur en vieillissant. Quoi exactement ?
Hier soir au dîner du film, il me disait qu’il venait tout récemment d’apprendre à se lâcher en tant qu’acteur. Pareil pour Michael Parks sur We are what we are ; il a compris à un moment qu’il pouvait se dissoudre à l’intérieur du film. Don m’a dit : « Je ne veux pas transmettre quelque chose, je veux juste être un véhicule pour l’histoire ». Pour quelqu’un qui fait ça depuis si longtemps, je trouve ça plutôt couillu d’admettre qu’il vient juste d’avoir cette épiphanie. Il était génial dans Django, il m’a brisé le coeur dans la série East Bound and Down, et on va essayer tous les deux de travailler sur une autre série où son personnage de Cold in July, Jim Bob, le Cow-boy détective, va faire des apparitions. C’était la raison de notre dîner d’hier. J’ai essayé de le convaincre d’accepter d’apparaître uniquement à l’épisode 4. Ça s’est bien passé, j’ai bon espoir…

 

Propos recueillis par Benjamin Rozovas


 

Capture du 2015-05-22 11:41:20