Les mecs d’IAM sont bien les darons du rap français

Kheops

Tournoi de belote en tournée, pas de pastis, vie de famille, « IAM est un groupe sage ». Technikart a interviewé Kheops, fondateur et membre de l’un des meilleurs groupes de rap depuis l’Egypte ancienne.

Kheops mixait au SISMIX, à Marrakech. Je suis allé voir son set à la pool party du Es Saadi. Puis je l’ai retrouvé au calme pour parler avec lui de son temps passé avec le groupe, de ses albums de funk en solo et du nouvel album d’IAM qui sortira en début d’année prochaine.

Avant de commencer, tu mixes au SISMIX – un event organisé par WINAMAX – tu joues au poker ?
Kheops : Non, pas du tout. Je joue qu’à la belote contrée. On joue sans argent, qu’entre potes ou avec les membres du d’IAM quand on est en tournée, pour passer le temps. On joue pour un panier garnis ou du pastis à la limite – même si aucun mec du groupe n’aime le pastis à part Imhotep.
Avec IAM, on joue aux cartes et à la Playstation. On est fan de Fifa surtout. En tournée, on passe quasiment tout notre temps dessus, même dans les loges parfois. On est un groupe sage. Tu m’as vu pendant mon set ? J’ai bu que du Fanta…

L’Ecole du micro d’argent est le premier disque que j’ai acheté avec la thune que j’ai piqué à mes parents, j’avais 11 ans. Ça te fait quoi ?
C’est fou de se dire qu’on a pu bercer l’enfance des gens. Je suis content que t’es trouvé ça bon. Ya des mecs qui viennent nous voir et qui nous disent qu’ils sont fans du groupe.
Pareil, ça fait plaisir ; mais je leur dis souvent qu’on est, après tout, que des gens normaux.

On ne va pas revenir sur IAM trop longtemps – tout le monde connaît l’histoire – mais dis moi, vous avez des noms égyptiens et pourtant vous avez un style hyper samouraï…
On a un esprit samouraï évident, principalement parce qu’on aime les films de Kung Fu, et le monde autour cette esthétique.

Je vois. J’ai revu un featuring que vous avez fait avec Wu Tang Clan, justement. L’autre groupe samouraï… Le rapprochement semblait évident.
Il y a pas mal de choses essentielles qui nous rapprochent. IAM et le Wu Tang aiment les films de Kung Fu, les deux groupes sont fans de Tarantino et des musiques qu’il choisit pour ces longs-métrages, et on aime les westerns aussi.
On a bien connu Method Man et Red Man parce qu’ils venaient au studio. On a croisé RZA quelques fois aussi. Mais on a plus bossé avec Killah Priest et Timbo King. Je me souviens que la veille de l’enregistrement on se demandait s’ils débarqueraient vraiment. On flippait en pensant qu’ils s’en foutaient et qu’ils ne viendraient pas. On a été surpris quand on les a vu débarquer avec leurs cahiers et leurs textes ficelés. Ils étaient à fond. Method Man a même dû venir deux fois au studio pour refaire ses enregistrements parce qu’il n’a pas aimé ce qu’il avait fait la première fois. Il avait tout réécrit pendant la nuit. Pendant qu’il posait ses textes, je scratchais avec Red Man. On s’est vraiment marrés.

Les Wu Tang sont moins sages qu’IAM, non ?
Ce sont de sacrés numéros ! Ils parlent de mixtapes toute la journée et poussent des cris quand ils voient de jolies filles dans les rues. Ils font beaucoup la fête aussi, mais à côté de ça se sont de grands professionnels.

C’était quoi les moments les plus forts en tournée ?
On a fait un festival au Quebec en 2005. Ice Cube jouait avant nous, alors on a kiffé en regardant son set sur les côtés. Ce jour là, on passait après lui. T’imagines, y’avait Ice Cube au festival et c’est IAM qui a fait la tête d’affiche! Il a joué devant 6 000 personnes ; et quand on est montés sur scène, il y avait 40 000 personnes devant nous.
Plus récemment, en 2012, on a joué avec Rakim. Pour moi ce mec est celui qui a changé la phase du hip pop. Dans le monde du rap, il y a eu l’avant Rakim et l’après Rakim. Il est venu sur scène pour rapper avec nous à New York, à Central Park. On avait les larmes aux yeux ; c’était le plus beau cadeau qu’on puisse nous faire. Après on a parlé avec lui pendant une heure et je lui ai demandé de me dédicacer des photos. C’est pour te dire à quel point j’aime ce qu’il fait.

Revenons au présent. En solo, tu mixes du funk. Mixer du rap et du funk, c’est la même approche ?
Ouais c’est la même veine. Les deux, je le fais à l’ancienne. A l’époque, le rap avait le même tempo que le funk alors tu pouvais enchainer des morceaux. Je ne mixe pas le hip-hop aujourd’hui parce que je n’aime pas le trap…

Je vois. Et alors, le milieu du funk, c’est plus relaxant que celui du rap ?
Non, c’est l’inverse. Dans le funk, les mecs flippent quand tu joues des disques rares – et ils te le font savoir. Ils ne sont pas partageurs. Au début tu prends leurs commentaires au sérieux, et à un certain âge, t’en as plus rien à foutre…

Comme tout, finalement…Tu es un collectionneur de vinyles avec plus de 20 000 pièces. Quel est le top 5 des vinyles que tu possèdes ?
C’est dur de les classer. Mais je commencerais par le groupe Earth, Wind and Fire parce que je suis un fan – le seul groupe pour lequel je me catégorise comme « fan ». Je peux écouter « After the love is gone » en boucle. C’est d’ailleurs ce que je fais quand j’ai mal à la tête après un concert et que je rentre chez moi en voiture – je mets ce slow pour me nettoyer les oreilles. Dans la liste je mettrais Rakim en deux, quelque soit l’album. Ensuite il y a « The party Scene » des Russell Brothers – du rap de 83. « Cheap Thrills » de Planet Patrol, parce que c’est un titre d’électro funk qui m’a marqué. Et « Knock me out » de Gary’s Gang.

Et si je te demande de ranger les disques d’IAM et les tiens, tu peux le faire ?
Je suis fière de tous mes disques, alors ce n’est pas facile de les classer comme ça. Si un disque sort, c’est qu’il est prêt. Quand je réécoute mes anciens albums, je me dis parfois qu’il y a quelques scratchs que j’aurais pu rajouter sur certains morceaux, mais c’est tout.
Je préfère classer les morceaux plutôt que les albums – et je choisirais les plus mélodieux. Ce serait « Au quartier », « Revoir un printemps », « Sans Issues », « Où va la vie », et « Né sous la même étoile » – sauf quand un Dj le passe en boîte, alors j’ai l’impression que je travaille (rires). En fait, c’est quand un morceau est lent et mélancolique qu’il me marque le plus. J’aime bien quand les chansons parlent du temps qui passe. J’aime revoir les vidéos de nous à l’époque et les clips dans lesquelles nos gosses étaient encore petits…

Vous préparez un nouvel album avec IAM, il y a déjà des chansons bouclées ?
Oui, on travaille dessus. Il y a déjà des morceaux finis – pas définitivement, ça reste qu’une maquette. On en a quelques-unes de prêtes, après il faut voir si on les gardera. Tout sera prêt en fin d’année 2016, et l’album sortira le premier trimestre de l’année prochaine. Ça arrivera vite.

SismixMortel. Mot de fin ?
Merci à nos fans – ceux de la première heure et ceux qui viennent se rajouter.

Merci Kheops. A plus.

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FELIX MACHEREZ