Les sans-oubli, Sophie Baruchel. Un roman

SophieB-25

 

16h08, en terrasse de l’hotel Grand Amour (Paris X), rencontre.

Je te paye une coupe ?
Avec plaisir !

Le point de départ de ton livre est un vol NY-Paris dans lequel des passagers, qui ne sont nommés que par le numéro de leurs sièges, sont assaillis par l’impression que leur avion est au bord du crash. Tu m’en dis plus ?
Personne n’est totalement rassuré dans un avion. On est enfermés avec des gens, plus ou moins sympathiques, qui sont saoulés d’être là, qui boivent et qui prennent des Xanax. Il fait sombre, les passagers sont éclairés par les lumières des écrans qui les font ressembler à des zombies. Et puis il y a la peur du crash qui flotte toujours un peu. Le doute est là et il suffit à plonger chaque passager dans l’introspection.

Ton livre fait penser à une allégorie du sentiment Millennial.
Oui, j’ai utilisé cet instant pré-catastrophe de l’avion comme prétexte pour faire exploser les angoisses de notre époque. La culpabilité notamment : on se sent tous coupables d’une apocalypse imminente. Par notre faute les ressources s’épuisent, la planète se réchauffe, la machine s’effondre. Être humain aujourd’hui, c’est par défaut être coupable. Les Millennials essaient de faire taire ce sentiment avec des anxios, des selfies et des séries Netflix mais il demeure omniprésent, rien à faire, on a la sensation qu’un compte-à-rebours à commencé.

Y a-t-il un passage de ton livre que tu aimes particulièrement ? 
« Le jeu de la plateforme », un test qui permet de déterminer si tu es plutôt du genre paranoïaque, meurtrier ou suicidaire. Pendant quelques mois, j’ai posé la question à tous mes potes : quand le métro arrive à quai, tu as un flash, lequel ? 1) tu te vois sauter, 2) pousser quelqu’un ou 3) te faire pousser par quelqu’un. Sans exception, ils appartenaient à l’une de ces catégories, mais il y a aussi des combinaisons ! Moi par exemple, je me vois sauter et pousser quelqu’un simultanément, sur un quai de métro je suis donc suicido-meurtrière. Toi ?

Meurtrière à fond ! Un mot sur tes auteurs préférés ? 
Voilà la liste que je t’aurais donnée il y a quelques temps : Saul Bellow, John Irving, William Faulkner, W.G. Sebald, Lazslo Kraznaorkai, Gonçalo Tavares. Mais au printemps dernier, j’ai eu la chance de rencontrer l’écrivaine féministe américaine Alix Kate Shulman dont le livre le plus connu est Memoirs of an ex-prom queen. Elle m’a lancé le même défi qu’à ses étudiants : pendant un an, ne lire que des auteures femmes. Dans toutes les disciplines : la littérature mais aussi la poésie, la philosophie, l’histoire ou les sciences. J’ai réalisé à quel point j’étais passée à côté de femmes prodigieusement talentueuses. On ne laisse vraiment pas leur chance aux femmes. Ces derniers temps, j’ai découvert Ottessa Moshfegh, Blanche Gardin et Hannah Gadsby, des auteures incroyablement insolentes qui m’ont offert des perspectives radicalement nouvelles et qui m’ont profondément inspirée.

 

 

Liens:

Les sans-oubli de Sophie Baruchel, en vente en librairies ou sur Amazon

Les éditions Moires http://leseditionsmoires.fr/les-sans-oubli.html

Laura Cohen, la photographe http://www.lauracohen.photo/

Le réalisateur http://jcmck.com/