Michael Jackson, plus grand geek de tous les temps ?

Passer sa vie à assouvir ses rêves de môme, tous les geeks en ont rêvé. Un seul l’a vraiment fait: Michael Jackson. Plus que le Peter Pan gâté de la geek nation, l’ultime ado éternel, un dieu.

Dans ses fantasmes, pas de grosses cylindrées (filles ou voitures). Michael Jackson a dilapidé sa fortune dans un autre but, autrement moins primate: se payer grandeur nature le monde de ses rêves de bambin. Devenir quinqua en emportant avec lui toutes les lubies de sa chambre de puceau, reproduites version king (of pop) size.
Tout a commencé en 1978. Michael, comme son idole Judy Garland, est projeté en plein pays d’Oz. Dans «The Wiz» de Sydney Lumet, une autre de ses superhéroïnes se matérialise devant lui: Diana Ross. Michael joue à l’épouvantail en manque de cerveau. Ce sera son rôle, celui de l’éternel bambin au grand cœur. Il réalise surtout qu’on est bien mieux sur un écran qu’entre ses frères boulets et son père tyran.

MÉTAMORPHOSÉ EN ZOMBIE
Ayant goûté au fantastique, la réalité ne l’intéresse plus. Il écrit donc le nouveau clip des Jacksons Five, «Can you Feel it», sur le modèle de «Rencontres du Troisième type». Prochaine étape: devenu milliardaire, il s’offre enfin, pour un petit million de dollars, un fantasme sur mesure: se métamorphoser en zombie avec… Vincent Price en guest vocal. C’est «Thriller», quatorze minutes réalisées par John Landis, encore plus cultes aujourd’hui que n’importe quel film de Romero.
Michael passe ensuite à «Moonwalker», un long-métrage avec robots et mafia, puis c’est la vitesse supérieure et la troisième dimension: «Captain Eo» (voir vidéo), mix de «Star Wars» et d’«Alien», produit par George Lucas et réalisé par Francis Ford Coppola. Bien mieux qu’une sortie en salles: le film est projeté dans tous les parcs Disney. Michael devient, à lui tout seul, chaque personnage de ses années teenage, vivant maintenant intégralement son rêve et dans ses rêves.

CAISSON SPATIAL
Mais l’éclate sur celluloïd, jouer le touriste dans des films sur-référencés, ne lui suffit pas. Michael veut habiter de façon permanente ce monde qui l’obsède. Il se paye un ranch, qu’il baptise Neverland: le pays imaginaire de Peter Pan, où les enfants ne grandissent jamais. Un parc d’attractions où le quotidien n’est qu’entertainment, où le réel n’existe plus. Il faut maintenant une Wendy à Peter Pan, aussi fantasmatique que sa vie: ce sera la fille du King (of Rock), Marie Lisa Presley.
Que reste-t-il à trouver ? Ah, la bande-son suprême de geekland. «Beat it» et «Bad» ne conviennent pas. «Magical Mystery Tour», oui: Michael s’offre le catalogue Beatles. La pop music n’appartient plus à Paul, George ou Ringo, mais à lui, the King of Pop. «Ob-La-Di, Ob-La-Da», fredonne-t-il alors dans son caisson spatial.
Mais «Thriller» le rattrape: il devient une bête (de foire) dans les années 2000, physiquement et médiatiquement. Son ranch rigolo est envahi par tous les freaks du coin: Elizabeth Taylor y célèbre son cinquantième mariage avec le plombier, Marlon Brando s’y vautre pour ne pas tourner, le prestidigitateur charlatan Uri Geller y trouve là de nouveaux gobe-mouches – sans oublier le côté planète du singe, avec le fidèle Bubbles (et ses gardes du corps perso).

240 M$
C’est l’apocalypse, now, à Neverland. La fille du King est partie avec la caisse et Michael, qui abolit la frontière entre Geak et Freek, s’est mis en tête d’acquérir les restes de celui à qui il s’identifie désormais: John Merrick, Elephant Man. Mais les adultes disent stop. Pourtant, Bambi, cinquante piges cette année, est loin d’avoir réalisé tous ses rêves. Il avait commencé une formation avec un membre d’Apollo 14, il veut toujours être la première pop star dans l’espace, aller faire son moonwalk sur la lune. Reconstruire aussi Neverland en Allemagne. Et jouer dans le prochain «Star Wars».
Bubbles s’en sort beaucoup mieux, devenant une icône grâce à ses passages dans «les Simpsons» et «Dragon Ball Z». Il coule des jours people en Californie, tandis que ses obsessions d’adolescent ont laissé Michael Pan sur la paille. Ses conneries lui ont coûté 240 M$. En avril, son attirail geek (deux mille goodies) a été mis aux enchères à Beverly Hills. Clou de la vente, les portes de Neverland. Le pays où l’on n’arrive jamais. Un pays où le génie Michael s’est littéralement enfermé. Et éteint.
MARCIA ROMANO