Nafi, de Noir Boy George : « Je suis une grosse feignasse ! »

NAFI

Le glauque, les synthés enregistrés sur cassette, la bière coupée, enfoncer dans la ville son cran d’arrêt ? Noir Boy George sait faire. De passage à Paris pour le Paris Psych Fest, Nafi, pilier de la célèbre Grande Triple Alliance Internationale de L’Est, s’apprête à jouer au Trabendo devant un public en manque de spirales. L’occasion de parler du disque que le messin doit sortir depuis trois ans.

Comment tu t’es retrouvé à jouer pour le Festival Psyché ?
On m’a contacté. Je ne vois pas trop en quoi ma musique est psyché… le but est peut-être de ramener un autre public. Après j’ai vu que l’entrée était à presque 30 balles, pas sûr que ça ramène beaucoup de gens qui écoutent ma musique mais bon… Ce qui est sûr, c’est que l’approche est totalement différente. Je vais jouer sur une grande scène devant des gens que je ne connais pas. D’habitude je joue dans des bars, des clubs, des squats, devant des têtes connues. Donc ouais, ça peut être marrant de jouer devant un public qui ne serait peut-être jamais venu me voir.

Vivre de la musique, tu y penses ?
Pas vraiment. J’ai un atelier maintenant, je retape des pédales d’effets et des tables de mixage chez moi à Metz. La musique que je fais a toujours été soit agressive, soit noise, soit glauque… impossible que je passe à la radio. Donc, non, je ne me suis jamais dit “ça va arriver”. Après gagner un peu d’argent avec la musique, c’est toujours cool. Même quand j’étais au RSA, ça permettait d’acheter un peu plus de drogues que le mois d’avant. Au pire, déjà, je ne perds pas d’argent et je voyage. Au mieux, je rentre de voyage et j’ai gagné un peu d’argent.

Tu a pas mal tourné avec Scorpion Violente. Tu dois aussi sortir un disque depuis trois ans sous Noir Boy George…  
Ouais… Tout est sur cassette, j’ai juste à numériser.

Des nouveaux morceaux ?
Ouais j’en ai que je joue sur scène, mais j’aimerais enfin sortir ce LP en réunissant les morceaux de Metz Noire et d’autres de l’époque. C’est un peu l’inconvénient d’être tout seul. Quand t’es dans un groupe, t’as toujours quelqu’un pour pousser au cul. Quand t’es tout seul, tu rames tout seul. Après ce sont de faux problèmes, je ne m’en plains pas. C’est juste que j’suis une grosse feignasse !

Alan Vega, à la vie à la mort ?
J’suis assez rétrograde en musique, j’écoute un peu les mêmes vieux trucs, des groupes de punk un peu déviants. Donc, oui, Suicide, à mort ! DAF, à fond ! Pour Noir Boy George, Jean-Louis Costes, c’est ce qui m’a le plus influencé. Quand il a arrêté de faire les opéras porno-sociaux pour ne faire que du son , j’ai vraiment pris une baffe. Sa façon d’appuyer sur REC “rien à foutre du produit final”, de parler de sujets glauques mais tellement glauques que ça en devient presque positif… ça m’a toujours plu esthétiquement.

On te décrit parfois comme une sorte d’anarchiste proudhonien. Ça t’intéresse la politique ?
Ouais comme ça, en tant que personne. Après, tout ça, c’est de la surinterprétation. Je parle juste de la vie de tous les jours. Quand je fais un morceau, je n’ai aucune réflexion politique en amont du genre parler de la détresse sociale des gens, etc. La meilleure manière de faire de la politique en musique, c’est de réfléchir à comment la diffuser.  Tu peux vendre ton cul en faisant la dance la plus commerciale du monde, j’suis sûr que tu peux faire un truc ultra politique si tu la diffuses d’une certaine manière. Mais le discours politique dans la musique, ça n’a pas sa place. Je me méfie de la politique, parce qu’en général, derrière, il n’y a pas d’humour, juste du prosélytisme. Les gens qui te sautent dessus pour un texte que tu as écrit au deuxième degré, ça me fait chier.

Ça arrive souvent ?
Un peu. Mais c’est plus des incompréhensions. Avec la Triple Alliance de l’Est, on nous a accusé d’être des néo-nazis à cause du logo, alors que c’était juste un symbole religieux. Ce qui est intéressant, c’est de proposer quelque chose en restant assez flou pour qu’on n’arrive pas à te cataloguer. Parfois on me fait chier quand je dis « pédé » dans un morceau, et de l’autre certaines critiques considèrent que Noir Boy George est une référence transgenre… t’interprètes ça comme tu veux. Soit je suis le plus grand gauchiste de la terre, soit je suis un petit nazillon. Moi je regarde ça derrière mon ordi. Et je me marre.

D’ailleurs, ça vient d’où Noir Boy George ?
Je l’ai piqué à Ghostface Killah qui le balance dans un de ses morceaux. Au début je m’appelais Black Boy George. Puis je l’ai francisé. Pour ne pas me faire poursuivre par Ghostface Killah peut-être… aha !

Je vais te faire chier cinq minutes avec tes textes : c’est quoi cette histoire de Nietzsche et de baltringue ?
Mouais. J’ai jamais lu Nietzsche dans le texte…  Faut se motiver pour le lire. Toi t’as dû en lire des pavés, nan ? Ce délire de surhomme, c’est positif ?

Plus ou moins…  
Ouais on m’a dit depuis que c’était un peu comme le yoga…

Ah ouais ?
Tout est une question d’interprétation. Je parlais de Nietzsche en ayant surtout vu des images de lui sur Internet. J’sais pas si c’est une baltringue, ça me faisait juste marrer. En fait, Nietzsche et baltringue, je trouvais juste que ça sonnait bien !

Paris Psych Fest les 3,4 et 5 mars 2017

ENTRETIEN JULIEN DOMÈCE

👉 https://noirboygeorge.bandcamp.com/releases