Rosario Dawson : « Je tiens à ma nerd credibility ! »

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Au Comic Con, où elle venait défendre sa BD «OCT», Rosario Dawson pulvérisait le cliché du nerd moche et binoclard. Rencontre avec l’actrice culte de «Sin City» et «Clerks 2», peut-être la fille la plus cool du monde.

Rosario, le même jours, «Clerks 2» sort dans les salles us et tu viens au Comic Con avec ta BD sous le bras, «OCT». «La nerd sexy d’Hollywood», c’est une image que tu veux donner ou c’est du sérieux ? 
Hey, ce n’est pas parce que tous les acteurs de Hollywood se mettent à écrire des comics qu’on est tous bidons !

Non, mais je disais ça gentiment …
Tu sais, j’ai grandi entouré de « fanboys », dans le Lower East Side. Mon oncle, Gus Vasquez, dessinait des comics pour DC et Marvel. Sur le tournage de « Clerks 2 », je bassinais Kevin Smith avec « Johnny the Homicidal Maniac », un strip underground barré. Il m’appelait sa « hot geek ».

Ça t’amuse d’être ici ? 
C’est plus excitant pour moi d’être au « Con » que d’être à Cannes. Je rencontre toutes mes idoles ! Mais ce n’est pas la « fangirl » que tu as en face de toi. Avec « OCT », je présente enfin quelque chose que j’ai créé.

Ça m’a l’air très très nerd, ton «OCT». C’est quoi exactement ?
Occult Crime TaskForce, une section spéciale de la police créée pour lutter contre les manifestations surnaturelles causées par un vortex d’énergie cosmique situé dans les entrailles de Manhattan. C’est l’histoire de Sophia Ortiz, une femme flic affectée au OCT qui découvre l’existence de ce monde parallèle contrôlé par…

Ok, ok ! Bon, est-ce que tu …
(Elle coupe) J’ai prêté mes traits au personnage de Sophia pour des raisons commerciales. Je déteste quand un acteur «devient» le héros d’une BD mais on a suivi les enseignements d’Alex Ross, un génie de la peinture photo-réaliste: ce n’est pas parce que le sujet dessiné a l’air « vrai » qu’on ne peut pas lui conférer de l’émotion. Dans « OCT », on traite la magie comme un moyen de voir le monde différemment.

Oui …
J’ai grandi avec des skaters, et ces mecs ont une faculté d’observation inouïe : ils regardent un coin de rue et ils voient des rampes, des cuvettes, tout un terrain de jeu caché sous le vernis urbain.

Mais quel rapport avec « OCT » ?
La magie ! Elle a cette capacité de nous faire voir le monde autrement. Sais-tu qu’en Floride, c’est illégal pour un chien d’épouser un éléphant ?

Non.
C’est dingue de penser qu’on s’est donné la peine d’écrire une loi pareille ! Voilà pourquoi j’adore «Star Trek»: pour sa façon d’adresser des questions aussi quotidiennes que le racisme ou l’homosexualité dans un univers fantasy. On se sent directement concernés par «Star Trek» malgré la présence d’aliens en caoutchouc. C’est tout le pouvoir du mythe, ça.

Tu as gagné : tu es une vraie nerd. Que penses-tu du fait que Hollywood sollicite ainsi l’opinion des nerds ? 
Il était temps, non ? J’admire ce besoin qu’ils ont de faire entendre leur opinion quand on s’attaque à ce qu’ils ont de plus sacré. Je suis pareille: j’avais presque honte d’aimer Batman en découvrant les films de Joel Schumacher. Grâce à la mobilisation des fans, un film comme «Batman Begins» a effacé la dette des précédents. En ce qui me concerne, j’applique la même exigence à mes objets de culte qu’à mon métier.

Ça se traduit comment ? 
Je fais « Clerks 2 », et pas « Ultraviolet ». « Sin City », et pas « Elektra ». Je tiens à ma nerd credibility !

Tu ne le crois pas que le pouvoir des nerds puisse nuire à la culture ? 
Pas directement, non. Si le filon s’épuise à force de mauvais films, ce ne sera pas la faute des nerds, mais celle de Hollywood. On ne peut rien contre l’économie de marché.

Au Comic Con, les fans sont tenus en laisse par Hollywood, comme si le simple fait de venir ici leur otaît tout pouvoir. Le Con, c’est un peu leur kryptonite ? 
C’est une fête. Et même tenu en laisse, comme tu dis, un fan reste un fan: il ne s’empêchera pas de penser ce qu’il veut. A ma séance de dédicaces, un type a feuilleté un exemplaire de « OCT » et a dit à voix haute: « Tiens, c’est pas mal, je pensais que ce serait de la merde. » Le pire, c’est qu’à sa place, j’aurais fait pareil.

Bon, Rosario, veux-tu m’épouser ? 
Ah ah ah ! Ça dépend, t’aimes quoi ?

«CLERKS 2»: SORTIE FRANÇAISE EN JANVIER 2007.
«OCT»: DISPONIBLE EN LIBRAIRIES SPÉCIALISÉES.

ENTRETIEN Benjamin Rozovas


Paru dans Technikart #106, octobre 2006

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