L’alcool tue… beaucoup de journalistes

Au pays du Côte du Rhône, l’alcool tue près de 50 000 personnes par an, nous apprend une nouvelle étude sur le sujet. Parmi les victimes de ce fléau, combien de journalistes ? Le tabou est coriace, mais chacun sait qu’avec les flics, notre profession est l’une des plus portées sur la picole.

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A l’exception du témoignage poignant d’Hervé Chabalier, patron de l’agence Capa, mis en scène dans le film « Le dernier pour la route », rares sont les exemples de journalistes « outés ». Pourtant, dans le métier, chacun sait bien que la bibine est omniprésente. Comme les bureaux de la série « Mad Men’, les rédactions sont truffées de boutanches, plus ou moins planquées. Et le troquet du coin doit en général la moitié de son chiffre d’affaire à la proximité du journal, qu’il s’agisse d’un news mag top crédibilité ou d’un vulgaire torchon people.

Apportons donc quelques éléments d’explication à ce que nos lecteurs ne savent peut-être pas toujours, sous la forme d’une petite liste :

1- Les journalistes sont sans cesse invités à des « événements », organisés dans le but de leur communiquer de l’information ou plus simplement de leur présenter un nouveau produit / service / joueur du PSG… Et bien entendu, il n’est pas question qu’un seul plumitif se déplace si rien ne lui est offert pour se rincer le gosier. Des hectolitres de champagne et autres spiritueux sont ainsi déversés chaque soir dans les « open bars » de la capitale et d’ailleurs, grâce aux budgets communication de toutes sortes de marques.

2- Les journalistes sont précaires, du moins l’extrême majorité d’entre eux. Rares sont ceux qui ont les moyens de se payer une hygiène de vie digne de ce nom, incluant notamment : sport, détente, alimentation variée et check up dentaire complet tous les six mois… Un certain nombre n’ont même pas de mutuelle, ou ne savent pas qu’ils en ont une. Et bien que leur métier ne soit pas forcément aussi éreintant que celui d’un tourneur-fraiseur, le stress des deadlines, bouclages, rendus et autres rendez-vous est quasi constant.

3- Les journalistes sont nombreux à souffrir de dépression, chronique ou de longue durée. Est-ce le fait d’avoir toujours les yeux rivés sur le déplorable spectacle de l’actualité ? Ou une conséquence du point précédent de cette liste ? Toujours est-il qu’on dénombre sans doute autant de dépressifs parmi les gratteux que chez les profs du secondaire. Or la bibine, inutile de faire un dessin, est l’un des meilleurs anxyolitiques qui soit… en attendant que mort s’ensuive. 

4- Les journalistes écrivent, et l’alcool est un excellent déshinibiteur. Même si rares sont ceux qui atteignent le niveau littéraire de Baudelaire, la bouteille demeure une muse universelle pour tous ceux dont le job consiste à faire des phrases, et ce depuis la nuit des temps. D’autres produits peuvent éventuellement apporter un surplus d’inspiration, mais fumer un joint ne produit pas le même effet, et la cocaïne reste un peu chère pour le pigiste moyen. D’où une préférence pour la bière et le vin.

5- Les journalistes prétendent à une certaine impunité. C’est même en général une de leurs motivations caractéristiques. Tout comme ils sont encore aujourd’hui des centaines à s’autoriser de fumer au bureau, la consommation d’alcool pendant leurs horaires de travail (par ailleurs très difficiles à délimiter) constitue pour eux une sorte de liberté inaliénable. Rebelle par nature, le journaliste désobéit en buvant fièrement, à des heures et en des lieux où l’employé lambda passerait pour un malade.

Voilà, chers lecteurs, pourquoi l’acool tue chaque année plus de journalistes que tous les snipers de tous les pays en guerre où tombe exceptionnellement un de nos grands reporters.