Avec son site Spicee et ses «vidéos qui piquent», Antoine Robin peut-il réussir son pari: devenir le Vice français?
« J’ai vendu les Kaïras, un film avec un nain qui fait un cunnilingus à une femme fontaine. Je peux tout vendre », claironne Antoine Robin dès qu’on le questionne sur les chances de réussite de son nouveau pure-player, Spicee. com, actuellement en « phase béta ». Cet ancien de Radio France (il y était reporter dans les années quatre-vingt-dix), de Canal + (journaliste sportif) et de Havas (DG du pôle production audiovisuelle du groupe), semble sûr de son coup. En chemisette hawaïenne (sic), le short en jean (re-sic), et la coiffure gélifiée (sic sic sic), il m’accueille à grands bras dans ce café du II e arrondissement où il a ses habitudes. Avec ses 60 journalistes dans le monde, son association avec la boîte de prod Babel Press, ses sujets « intelligents et uniques », son modèle payant et ses différents modes de visionnage, son créateur prédit « un carton ». Mais quid des mauvaises langues qui affirment, au sujet des pure-players à abonnement, « hors Mediapart, point de salut »? « On leur rit au nez ».
Lancé en ce début d’été par Robin et son associé Jean-Bernard Schmidt (exdirecteur de la rédaction chez M6), leur site serait né d’une évolution négative de la télévision française. « Nous arrivons à un point de rupture. Les Français en sont lassés. La dernière fois que j’ai allumé la télé, j’avais le choix entre Les Anges de la téléréalité, Hanouna et un sujet sur “Le Portugal le nouvel eldorado des retraités” ». Leur botte secrète? « Traiter par le prisme de l’anecdotique pour élargir le sujet ensuite ». La guerre en Syrie? Abordée à travers vendeurs de lingeries sexy à quelques kilomètres du front. L’islam radical en Indonésie? Vu par Yacko, « l’antiDiam’s de Jakarta », la rappeuse musulmane. Quant à la comparaison avec la référence Vice, le fondateur s’en défend. « Nous serons moins dans la facilité qu’eux. On nous a habitués à la dictature de la ménagère et du clic. Dès que VICE, L’Obs, et j’en passe, ont des baisses de visites, direct ils nous foutent les 12 conseils pour faire un bon cunnilingus, des seins, et des drogues en veux-tu en voilà », fait mine de se désoler le boss. Lui voit les journalistes de son site comme les vrais « punks » de notre ère: « ils vont a contrario du temps, ils font le pari de l’intelligence et des sujets exigeants plutôt que du buzz facile ». Spicee miserait sur un contenu de « qualité pour des gens de goût qui flattera l’intelligence et piquerait la curiosité » selon Tonio. Rien que ça. Toujours là sur les bons coups, Marc Simoncini et Xavier Niel ont déjà débloqué des fonds. Une manne pour un site qui compte gagner de l’argent avec un concept « zéro publicité ». Évidemment ce choix a un prix, celui de l’abonnement: 9,90 € par mois. « On a ri au nez de Canal en 1984 lorsqu’ils ont voulu faire une chaîne payante. Regarde maintenant. On a ri au nez de Mediapart et de son Trotskyste à la gouverne. Aujourd’hui plus de 100 000 abonnés! Le public est prêt à payer pour un contenu de valeur et bien foutu. Il répondra présent » affirme le patron avant de conclure: « Et puis 9 €, ce n’est pas si cher. Si tu prends une boîte de préservatifs, elle est au même prix… Et tu prends moins de plaisir que chez nous ! »
William Thorp