Va-t-on définitivement se brancher sur Computer Magic ?

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Était-ce un canular ? Début septembre, des réseaux sociaux aux terrasses des troquets, tout le monde s’est mis à déconner à plein tube. Objet du délire : la nouvelle livraison de Miley Cyrus, Miley Cyrus & Her Dead Petz, devant laquelle il était de bon ton de se pâmer. Les médias, eux non plus, n’y sont pas allés de main morte. Les Inrocks, toujours prompts à tomber dans le panneau, ont décrit le disque comme «bouleversant» pendant qu’une pigiste de L’Express, visiblement connaisseuse, le comparait à Ziggy Stardust et Sgt. Pepper’s. Laissant le soin aux psychiatres d’interner tous ces malades, nous avons jeté une oreille attentive à l’album de Miley, gamine vendue comme provocatrice qui ne nous a jamais semblé plus subversive que Jean-Marie Rouart. Verdict ? Difficile d’écouter ça sérieusement. On dirait une parodie de Lana Del Rey. C’est un sketch. Et puis la posture postmoderne commence à avoir du plomb dans l’aile – la collaboration entre Britney Spears et les Neptunes date quand même de 2001. Comme tata Britney à l’époque, Miley a voulu s’offrir un début de crédibilité artistique. Mauvaise pioche, elle a embauché à la production les vieux briscards de Flaming Lips, des mecs à la ramasse depuis une douzaine d’années. Cerise sur le gâteau, la cruche nous bassine avec son prétendu féminisme. Calmons-nous : tu es gentille, Miley, mais si tu es féministe, alors Manu Chao est la reine d’Angleterre.

Heureusement, Grace Jones est passée remettre un peu d’ordre dans cette effroyable pagaille. Dans ses Mémoires qui viennent de paraître (I’ll Never Write My Memoirs, ed. Gallery Books), elle dégomme joyeusement les Beyoncé, Nicki Minaj, Rihanna et Cyrus, toutes qualifiées de «médiocres». Il ne faut pourtant pas mélanger torchons et serviettes. Dans son coin, une chanteuse résiste, avec talent, classe et singularité. Son nom ? Computer Magic. Cette fille new-yorkaise, on l’avait découverte fin 2010 : à l’époque, elle offrait régulièrement sur le Net des morceaux electro-pop du tonnerre qu’elle bidouillait seule dans sa chambre. On n’a jamais arrêté de la suivre. Si elle reste sous-estimée aux États-Unis et inconnue en France, elle est depuis devenue une star au Japon. Son premier album, Davos, sort enfin aujourd’hui. Musique et chant, elle peut rappeler Annie. En mieux. Les synthés renvoient à Gary Numan, le côté spatial à Time, le chef-d’œuvre d’ELO. Il y a surtout cette mélancolie fière, ce mélange entre une voix blessée et des mélodies sautillantes – voilà quelqu’un qui vise le cœur, contrairement à ses lourdes consœurs qui ne sont bonnes qu’à secouer leur culotte de cheval. Il est vrai que par rapport à ces grosses légumes, Computer Magic a un avantage : une vision artistique qu’elle peaufine depuis des années. Détail qui n’en est pas un, elle n’a pas besoin de montrer son derrière pour attirer l’attention des badauds : sur ses visuels et dans ses clips, élégante, elle est le plus souvent vêtue en cosmonaute. Computer Magic : la fille qui décrochait la Lune quand les autres nous infligeaient la leur.

Davos  (Channel 9/Manimal Vinyl)

LOUIS-HENRI DE LA ROCHEFOUCAULD


 

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Paru dans le Technikart #195