Marisha Pessl file-t-elle les chocottes ?

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Avec Intérieur nuit, la New-Yorkaise Marisha Pessl signe un thriller horrifique autour d’un maître du cinéma de terreur vivant reclus.

 

Ceux qui se souviennent de Body Snatchers savent bien qu’il faut toujours se méfier de l’apparence corporelle. Ainsi, au vu de ses photos glam et de son look Vogue, on peut légitimement que la romancière-star Marisha Pessl donne dans la chick-lit – et il n’y aurait rien de mal à ça. Seulement, derrière la garde robe so girly, se cache une âme des plus sombres et une jeune femme sévèrement barrée. Après le best-seller déjanté La Physique des catastrophes, la fashionista revient avec un terrifiant page turner lynchien, bourré d’audaces formelles et narratives : Intérieur nuit. La fille d’un cinéaste culte, Stanislas Cordova, vient de décéder dans de mystérieuses circonstances et un journaliste sans le sou, Scott McGrath, décide d’en savoir plus. Précision : sorte de Stanley Kubrick mâtiné de Dario Argento et de Gaspar Noé – dont les films, insoutenables, sont projetés lors de séances clandestines -, ce génie subversif vit reclus depuis plus de trente ans dans son domaine-forteresse. Mais qu’est-ce qui se cache derrière le si curieux Cordova ? Ne comptez pas sur Marisha Pessl pour vous le dire – enfin, pour le moment…

 

Êtes-vous une admiratrice des films d’horreur ? Il est difficile de ne pas y songer, en lisant Intérieur nuit
Je dirais que je ne suis pas si intéressée que ça par tous les films qui vous promettent un bain de sang, comme La Nuit des morts-vivants ou Massacre à la tronçonneuse – lequel n’est d’ailleurs pas si sanglant… En revanche, je dois confesser une passion pour tout ce qui relève de la pure terreur psychologique et la peur issue de ce que l’on ne voit pas. J’aime tout ce qui explore les recoins de l’âme humaine avec noirceur. Qu’il s’agisse de la conscience, de l’imagination, de la fantaisie, j’en passe.

 

Vous avez bien des œuvres fétiches ? Des cinéastes à qui vous devez des frissons inoubliables ?
Oh, bien sûr. Spontanément, je dirais Répulsion de Roman Polanski. Ou, plutôt, Rosemary’s baby – d’autant que je viens d’être maman… Et, bien sûr, il y a Psychose d’Alfred Hitchcock.

 

En quoi le cinéaste des Oiseaux a-t-il compté pour vous ?
Il me poursuit depuis mon enfance. C’est quelqu’un dont le travail a eu une grande influence sur moi, alors que j’étais petite. Ma mère était une grande fan de tous ses films, et me les a tous faits découvrir. Dans sa filmo, mon préféré reste certainement Vertigo – qui, en un sens, peut être vu comme un film d’horreur…

 

Si Intérieur nuit nous glace et nous excite tant, c’est notamment en raison de son étrange structure narrative, qui change sans cesse de nature. Comment l’avez-vous imaginée ?
J’ai débuté en imaginant l’histoire de Cordova, de ses œuvres et de sa famille. Une fois que j’avais compris les secrets et les mensonges de Stanislas, je me suis mise dans la peau de Scott, le journaliste d’investigation, et me suis penchée sur sa trajectoire. Il convient dès lors de révéler au fur et à mesure les différentes couches de vérité au lecteur, à travers le trajet le plus haletant possible, jusqu’au final, où il sera face au cœur du problème.

 

Le roman de genre permet-il des choses que la littérature traditionnelle, ou étiquetée comme telle, ne peut pas produire ?
J’ai toujours adoré, sans m’en cacher, le vrai grand thriller classique, d’Agatha Christie à Raymond Chandler en passant par Patricia Highsmith.

 

Pas très gore, tout ça, a priori…
Pour nous, en tous les cas, aujourd’hui. Tous ces puzzles, ces labyrinthes, ces histoires mystérieuses constituent pour moi, en tant qu’auteure, une sorte de Cheval de Troie. Mais pour le lecteur, ils sont un moyen de leur faire explorer la réalité de notre monde et la nature de l’être humain.

 

Au fond, ressemblez-vous à Cordova ? Jusqu’à quel point est-il votre alter ego ?
Par certains aspects, oui, il y a quelque chose de moi. Comme lui, je passionnée par ce que je fais, à savoir raconter des histoires. Je considère même que c’est un cadeau que de pouvoir en vivre. C’est une véritable passion, qui me prend à la gorge, et qui pourrait peut-être me faire tout abandonner tout le reste. Mais, bon, je ne suis pas aussi extrême que Cordova, rassurez-vous… D’ailleurs, je veux pouvoir être visible pour les autres, et ne pas avoir besoin de me cacher comme lui.

 

Enfin, n’avez-vous pas l’impression d’être, d’une façon ou d’une autre, une sorte de monstre ?
Mais, voyons, tous les écrivains sont des monstres…

 

ENTRETIEN BAPTISTE LIGER

Intérieur nuit (Gallimard)

 


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Paru dan Technikart #195