« J’aurais rêvé d’être une hétéro-gouine ! »

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Ex-hétéro folle des 80’s, notre collaborateur le plus viril, Olivier Malnuit, aime tellement les filles-hétéros -qui-aiment-les-filles qu’il adorerait être l’une d’entre elles pour redevenir enfin un homme libre.

Quand j’étais petit, j’étais tellement gay que je plaisais beaucoup aux filles. Les joues creusées à la Viggo Mortensen, les yeux fardés à la Boy George, des mèches blondes dans les cheveux comme si Billy Idol avait raté sa décoloration, j’emballais plus qu’Édouard Baer au mariage d’un ami, tout en fuyant les casseurs de pédés en bretelles et Bomber qui n’avaient pas compris que, s’ils avaient une bonne raison de me refaire le rimmel, c’est surtout parce que je me tapais leurs copines. C’était l’époque bénie des « nouveaux romantiques » et de Dead or Alive, de Kajagoogoo et d’Alphaville, de Visage et Bryan Ferry. Un temps où les garçons ne devenaient jamais aussi virils et séduisants qu’avec une plume dans le cul, des mocassins sans chaussettes, une chemise anglaise à jabot et une robe sarouel de chez Bill Tornade en guise de pantalon. Mais si, en plus, vous aviez la mine de Lord Byron sous Zoloft un soir de pluie, alors là c’était l’émeute ! Je me souviens que, pour séduire (ou provoquer), certaines filles inaccessibles en soirées, nous faisons semblant de nous tripoter entre poilus. Le souffle court entre deux accolades, la main négligemment oubliée sur une épaule, plus nous avions l’air de nous sucer à la cantonade, plus elles semblaient vouloir participer. À l’exception des rugbymen du Stade français sous le règne de Max Guazzini, les hétéros gays ont rarement été aussi heureux que ce jour de décembre 1985 où Simon Le Bon, le chanteur du groupe Duran Duran, épousa l’une des plus belles femmes du monde (Yasmin Parvaneh) avec le look de Plastic Bertrand qui aurait trop mangé de pudding.

Trente ans plus tard, tout a changé. Impossible aujourd’hui de s’embrasser entre mecs (même de loin) sans finir catalogués dans la rubrique chars d’assaut de la Gay Pride. La liberté amoureuse, ce n’est plus d’imiter Hugh Heffner dé- guisés en pages du Moyen-âge, c’est de se galocher entre copines en leur préférant (aussi) les garçons. Car les hétéros gouines d’aujourd’hui ont – visiblement ! – un énorme avantage sur les faux homos des 80’s que nous étions alors, elles n’ont pas besoin de jouer les androgynes pour aimer les hommes. Elles sont tout à la fois, sans appartenir à aucun camp. Ni gays, ni vraiment bi, ni totalement hétéros. Elles aiment les bites et les seins, les féministes et les machos, les bombasses et les barbichus, les chattes et les biscottos. Elle sont des femmes qui désirent des femmes et donc les mecs sont 100 % d’accord. Un tel plébiscite sans étiquette, franchement ça force le respect. Quand je pense que mon ancienne compagne m’a suspecté d’être gay dès que j’ai emménagé avec un mec pour partager les frais de loyer…

Clairement, l’hétéro gouine est l’avenir de l’homme ! Et si cette féminité hybride, sans identité ni frontières, ne sonnait pas au passage le glas de l’homosexualité dans ce qu’elle a de plus revendicative et bruyante, je trouverais ça (presque) sympathique. Car – et c’est un ex-hétéro gay qui vous le dit ! – la fin du genre entre filles cache peut-être aussi le triomphe d’un seul et même genre. Celui de l’hétérosexualité triomphante qui joue à se faire peur et sans danger. Quand les mecs applaudissent à deux mains leurs copines qui les trompent avec la fille qu’ils aimeraient baiser, ce n’est pas toujours la liberté et l’amour qui gagnent à la fin. La preuve ? Depuis que je fréquente des filles qui n’arrêtent pas de se toucher entre elles, je n’ai qu’une seule trouille. Qu’elles finissent par découvrir qu’au fond de moi-même, je suis peut-être un peu pédé.

                                                                                                                            O.M