KOUDLAM – SHAMAN MACHINE

Paru dans le numéro 135 de Technikart – 20/08/2009

Koudlam est un visionnaire: sur les cendres du rock et de la techno, il érige une musique physique et mystique qui donne la foi. Rencontres débridées avec un artiste classe A pour époque grippe A.

Icône Bar, Grenoble. Minuit approche. Nous n’avons pas fini notre bouteille, mais la patronne, sorte de Blondie du cru, nous offre sa tournée. Tout juste 30 ans, duvet de moustache rasé, le beau gadjo Koudlam ne fait pas tache dans ce rade interlope. Il passe dix jours à cent mètres de là, chez ses parents. Le musicien vient de terminer l’enregistrement de son nouvel album, Goodbye, il peut souffler au rosé en terrasse de l’Icône. Un mot religieux largement utilisé dans la pop culture : les icônes rock, par leur charisme visuel, laissent leur empreinte sur la société. Dans ce zinc improbable, juste après avoir éclusé la tournée de Debbie, nous avons cette vision : l’icône Koudlam est déjà culte.

Un de ses titres, See You All, illumine le nouveau film de Jacques Audiard, Un prophète. Frédéric Rossif, en plus d’avoir travaillé avec Vangelis, l’a décodé : « Un prophète est un homme qui se souvient de l’avenir. » Koudlam est de cette espèce. S’il dépeint un monde sombre et chaotique, il chante également l’espoir d’un futur meilleur. Il le voit, cet avenir radieux, et sur des ruines lugubres sa musique nous élève vers la lumière. Koudlam se souvient du rock et de la techno, il transcende son vécu pour inventer une « musique à l’estomac ». Face à nos vies gérées par les addictions (alcool, Internet, drogues, téléphone, sorties, sexe, famille, corporatisme), Koudlam chante la liberté.

A Paris, au blanc, en terrasse d’un bar du XIe (en dessous de chez lui), nous parlions de ce qui le passionne, de civilisation et de décadence, de codes d’honneur et de disjonctage. De l’art comme mode de vie. Il était 1h00 du mat’, Koudlam, revenu d’une performance à la Tate Gallery la semaine précédente, venait de se lever, s’étant couché à 15h00 après une nuit décousue se terminant au petit matin à La Défense.
Enquillant les verres de blanc, il s’interrogeait : pourquoi, en un demi-siècle de pop culture, alors qu’aujourd’hui la meilleure des musiques peut se créer, l’industrie se satisfait-elle de produire des marchandises aussi peu vitales ? « La nouvelle chanson française ? L’horreur. L’électro ? L’horreur. Le R&B et le hip hop ? Au-delà de l’horreur. Le rock, mieux. Mes deux précédents albums auraient dû être énormes : je ne compose que des hymnes ! Ça me rend fou quand je vois que même certains de mes potes n’accrochent pas, alors que je fais le mainstream de l’avenir, une musique facile, puisqu’elle repose sur l’émotion. On a besoin d’émotion, non ? »