L’histoire secrète des marques

KronenbourgKronenbourg, pour tous les jours

Bière culte de fins de banquets, bête noire de Christine Boutin et boisson moderne depuis 346 ans, la Kronenbourg fait toujours un carton…

«C’est la danse des canettes, plus on est torché et plus on s’marre…» 1991, Les Inconnus enchaînent leur dixième tube avec «Kro, Kro, Kronenbourg», une parodie du groupe Licence IV. A la même époque, les Kro-Men (croquis ci-contre), un groupe de punk-rock de Colmar, sortent leur album («On peut rester actif après une petite bière»), suivi d’un premier tube local intitulé «Boire ou conduire, pourquoi choisir ?»
Quinze ans plus tard, c’est au tour de la formation punk-oï de Villeurbanne, Les Porcs, de chanter la Kronenbourg sur scène, des paroles inaudibles tirées de leur troisième album «Vent d’haleine». 2010: quelle est la chanson à boire toujours la plus populaire en fin de banquet ? «J’ai deux amours, la Kanterbrau, la Kronenbourg, la Kanterbrau pour le boulot, la Kronenbourg pour tous les jours…»

Une bière sur trois
Jamais une marque de bière n’aura été à ce point raillée, vénérée, parodiée, accusée et mise en musique comme celle des brasseries Kronenbourg. Même Christine Boutin (la présidente du parti Chrétien Démocrate), lorsqu’elle s’attaque au festival Hellfest, le rendez-vous des gothiques hardcore de Clisson, pointe désormais du doigt son partenaire officiel: la Fondation Kronenbourg. Rançon du succès ? Aujourd’hui, une bière sur trois consommée en France sort des usines Kronenbourg d’Obernai près de Strasbourg (qui produit également la Carlsberg, la Guiness, San Miguel, etc.). C’est la marque la plus connue des Français, avec un taux de notoriété spontanée (73%) à faire pâlir les équipes marketing de Procter et Gamble. Et 45 000 cafés et hôtels la servent tous les jours, pour près d’1,4 milliard de demis bus par an !
Dans un pays qui a divisé par deux sa consommation de bière en vingt ans, et reste la nation d’Europe la moins portée sur la chopine (étonnant pour d’anciens amateurs de cervoise, non ?), les Brasseries Kronenbourg occupent toujours 32% de parts de marché (quand Coca fait 50% sur les boissons sans alcool) avec, pour plus de la moitié, des ventes de bières dont les innovations tiennent plus de la Nasa (canettes à pression intégrée, colonnes perles d’eau, etc.), que des virées mousse de l’adjudant Kronenbourg (le personnage de Cabu).

La série des packs
En 1664, quand son fondateur Jérome IV Hatt tire son premier fût à Strasbourg puis, presque deux siècles plus tard, lorsque ses héritiers occupent le quartier de Cronenbourg (le bourg de la Couronne, en alsacien) à proximité de la gare, débute une incroyable saga industrielle dont Kronenbourg tire toujours les fruits aujourd’hui.
Pionnier de la distribution avec un «train de la bière» qui livre chaque jour (dès 1857) la brasserie Lipp à Paris, pionnier du marketing avec les premières pubs télé pour alcool avec George Lazenby (James Bond dans «Au service secret de Sa Majesté»), pionnier du packaging avec les premières bouteilles à capsules consignées (la Steinie), puis la série des packs de 10, de 24, de 26 canettes, etc., Kronenbourg a toujours eu vingt ans d’avance. Sa nouvelle Sélection des Brasseurs, présentée autour d’une grillade de pigeon laqué et de l’animatrice Ariane Massenet a récemment fait un carton chez… Ledoyen. On était loin de l’ambiance bière à bidasses.
olivier malnuit (avec Serge Adam)