Quelle mystère se cache dans le slip de Ronaldo ?

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Pour fêter leur victoire contre le FC Barcelone, l’attaquant du Real Madrid s’exhibait une fois de plus en slibard rikiki. La romancière Géraldine Maillet s’est penchée sur l’objet du délit.

Le lendemain de la victoire du Real Madrid à Barcelone, je lisais l’article drôle et surprenant de Pascal Praud sur le slip de Cristiano Ronaldo (le journaliste s’attardait sur le phallus de « l’icône des slips » qui se devinait sous le coton, ndlr). Je ne m’y suis pas arrêtée uniquement parce qu’il parlait chiffon. Malgré mes chromosomes XX, j’aime depuis mon plus jeune âge le football et ses histoires périphériques. Devant les matches de son équipe fétiche, le Wydad Athletic Club de Casablanca, mon grand-père me répétait que le football était le reflet de la société et de ses travers. Je trouvais que c’était beaucoup de responsabilités à donner à ce ballon rond, mais comme mon grand-père était un journaliste clairvoyant et visionnaire, je lui accordais le bénéfice du doute. Dorénavant, je regarderai un match de football et ses à-côtés comme un documentaire de Raymond Depardon.
Revenons au slip, cher Pascal. A priori, vous n’en portez pas. Ou parfois, avec hésitation, question de mode, d’idéologie, de génération, de goût, de gainage.
Je me suis demandée si votre papier était forcément une vision masculine de CR7 et de son entrejambe. Autrement dit, si une femme aurait osé pousser le raisonnement… ou le fantasme plus loin ? Peut-être n’avez-vous pas osé ? Peut-être est-il plus compliqué pour un homme de se pencher sur le slip d’un autre homme ? Peut-être que votre hétérosexualité pied-de-poule raffinée à la James Ivory craignait-elle l’amalgame – d’autant que l’hétérosexualité métro-urbaine de CR7 a déjà fait les frais des rumeurs les plus folles.
Bien sûr, je suis d’accord avec tout ce que vous écrivez. Vous vous en amusez, sans méchanceté aucune. L’exhibition forcenée de l’empereur Ronaldo, sa fascination pour son corps Musclor 0% de MG, son sourire aussi immaculé que le coton d’Egypte sur son cul… et ce petit 7 gravé au-dessus de sa «verge», puisque vous l’écrivez ainsi. Un footeux appelle ça « une bite », cher Pascal. Un footeux ballon d’or à trois reprises, Vous digressez… S’est-il douché avant de se glisser dans pareil slip blanc comme neige et sans aucun poil? Moi je réponds, oui, évidemment, douché, récuré, parfumé avec l’eau de toilette Cristiano Ronaldo Legacy, et même rapidement branlé comme un acteur porno avant sa prise. Vous en pensez quoi, cher Pascal ? Avait-il prémédité la photo ? Oui bien sûr, le slip était préparé, pas plié, juste étalé dans son casier. Il l’a choisi un peu loose pour être digne de son membre, il a placé l’engin un peu boursouflé dans un pli de tissu rebondi, il avait même fait des essais, la veille, se filmant avec son téléphone portable, les jambes écartées, le bras qui bande… et s’était exclamé « trop petit l’écran, j’ai une bite cinéma ».
Prochaine étape, son sexe nu avec un 7 tatoué sur sa couille droite. Il tire si bien du pied droit. Je sens que je vous fais peur, cher Pascal. Vous devriez traîner du côté de Londres, ce mois-ci, il y a une exposition sur le slip*… Cristiano Ronaldo devrait en être le mécène.

ICÔNE FABULEUSE DU NARCISSISME

Dites-moi la vérité. Vous n’aviez vraiment rien vu de plus dans ce slip, à travers ce slip, avec ce slip ? Moi, j’ai tout vu. Un livre ouvert. Ce slip, c’est plus édifiant qu’un CV. Ce slip, c’est plus fort que Cristiano disant « Je suis riche, beau et fort, et les gens sont jaloux. Le public m’envie, je ne vois pas d’autre explication ». Ce slip, c’est plus frappant que la longue liste d’avions de chasse qu’il a eus dans son king size bed, Merche Romero, Nereida Gallardo, Irina Shayk, Rita Pereira, des bus entiers de top-models aussi bien gaulées que lui. Ce slip, c’est plus étourdissant que son palmarès, sa fortune, ses statues, le montant de ses contrats publicitaires avec Nike, virgule horizontale moins excitante sur un slip qu’un 7, droit comme un phallus, ce slip, c’est plus impressionnant que ses 200 millions de followers sur Instatwibook. Ce slip, c’est pour renvoyer David Beckham au Musée Grévin avec ses calebars H&M moule-burnes. Ce slip, c’est Tony Montana qui balance « In this country, you gotta make the money first. Then when you get the money, you get the power. Then when you get the power, then you get the women. »
Ronaldo va plus loin, il a le fric comme personne, les femmes comme personne, les plus belles femmes comme personne, il pourrait aussi faire vriller les plus beaux hommes. Ronaldo peut avoir tout et tout le monde. Le désir mondial doit être à genou devant lui, plus exactement devant ses dollars et ses centimètres. Ce slip, c’est la jeunesse éternelle, la Grèce antique, la performance olympique, l’époque hygiéniste, la sueur sans odeur, le contrôle permanent, le sans gluten, l’immortalité, l’ultra capitalisme, l’acide hyaluronique, l’érotisme noyé dans la pornographie, la frime, la couverture de Têtu, de Vogue Homme, Sports Illustrated
Je parie. Ce slip deviendra un best-seller quand le footballeur génial businessman le vendra en ligne. Ce slip donnera des ailes à des petits gros complexés et acnéiques. Je ne dis pas ça pour vous, cher Pascal.
Ce slip, c’est une revanche sociale. Ce slip, c’est le Chanel numéro de 5 de Marilyn Monroe. Comme Kim Kardashian pour les femmes, CR7 est l’icône fabuleuse du narcissisme. Hideux narcissisme « qui gouverne ce monde par les réseaux sociaux et qui donne à tous la possibilité d’être exhibitionniste et voyeur en même temps ».
Si Ronaldo connaissait les poètes, il citerait Prévert. « Dieu a fait l’homme à son image, l’exhibitionniste lui rend hommage. » Moins de 140 caractères, bingo, il le twitterait. Pas sûr qu’il aime la poésie, il me semble trop scarfacien pour ça. Je miserais davantage sur « Un ordre ? Tu me donnes un ordre à moi ? La seule chose dans ce monde qui me donne des ordres, c’est le manche ».

GÉRALDINE MAILLET

*Undressed: a Brief history of underwear au Victoria & Albert Museum, Londres, du 16 avril 2016 au 12 mars 2017


Paru dans Technikart #200, avril 2016