Radu Mihaileanu: «On parvient toujours à s’en sortir à Cannes»

Capture du 2015-04-28 14:58:30

L’interview champagne ! par Emmanuel de Brantes

Radu Mihaileanu est à Cannes pour présenter le documentaire «Caricaturistes, fantassins de la démocratie» qui présente la vie de douze caricaturistes défenseurs de la démocratie avec, comme seule arme, leur crayon. Le film, présenté hors compétition au Festival, sortira en salles le 28 mai. Entre-temps, Radu revient avec nous sur quelques moments «waouh» de sa vie.

 

Qu’est-ce qui te rend heureux, Radu ?
Plein de choses !

Quelques souvenirs forts à partager ?
Il n’y a pas d’ordre dans tous les bonheurs que j’ai vécu, mais certainement la naissance de mes enfants fait partie de mes meilleurs souvenirs. J’ai partagé plein de moments sublimes avec eux, ils sont pour moi une source de joie permanente. Un autre moment très fort de ma vie a été ma fuite en 1980 de la dictature de Ceaucescu. Le souvenir de l’émigration est ancré en moi.

Et le cinéma ?
Le cinéma m’a apporté beaucoup de bonheur. Pouvoir faire des films ? Je n’en rêvais même pas en Roumanie ! La joie de les fabriquer, les belles rencontres avec le public, tout cela est inoubliable. Quand j’ai reçu le Prix du public au Festival de Sundance pour Train de vie en 1999, ce sont les spectateurs qui me l’ont attribué ! Cette reconnaissance-là, au festival de films indépendants créé par Robert Redford… C’était vraiment intense. Et puis, le succès de Va, vis et deviens qui a touché tant de personnes et pour lequel la profession m’a donné le César du meilleur scénario original en 2006… Ça non plus, je ne pourrai jamais l’oublier.

Et à Cannes, tu as vécu des moments intenses ?
Ah, ça! La montée des marches du Palais des festivals il y a quatre ans pour La Source des femmes avec les douze femmes du film qui n’étaient jamais sorties de leur village, qui n’avaient jamais pris l’avion… Elles étaient fières, dignes et heureuses, et je l’étais avec elles. À cette époque, on était en pleine révolution arabe, et mes actrices ont monté les marches de Cannes en chantant ! C’était unique comme expérience.

Derrière les paillettes, il y a la machine de Cannes. Qu’en penses-tu ?
Quand on doit tout faire soi-même, de la promotion presse à la vente du film à l’étranger, en passant par la gestion des invités et les petits détails des projections, ça peut devenir lourd. Je me souviens d’une fois où, à la dernière minute, j’ai dû trouver une paire de chaussures noires pour mon acteur principal qui chaussait du 46 sinon il ne montait pas les marches ! Mais on parvient toujours à s’en sortir et à Cannes, on fait vraiment un travail extraordinaire.

Quelle a été la plus grande fierté de ta vie ?
En 2011, le jour où Nicolas Sarkozy m’a remis la Légion d’Honneur dans la promotion du 14 juillet, devant mon père a été l’un des plus beaux jours de ma vie. D’abord, j’avais la confirmation que j’étais bien français ! Ensuite, le fait de partager, à ce moment-là, l’émotion de mon père, restera un des moments les plus forts de ma vie.

Comment était ton premier amour ? Maladroit, forcément ?
J’avais quinze ans. Je suis resté deux ou trois ans avec la même jeune fille. On a dû mettre deux ans avant de faire l’amour, ce qui, pour des jeunes dans la Roumanie des années 1970-1975 était normal. J’en garde un souvenir romantique : c’était léger, suave et savoureux. Il faut se rappeler que sous Ceaucescu, l’amour était l’un des rares plaisirs qui n’étaient pas censurés. Le théâtre était censuré, le cinéma était censuré, il restait l’amour, mais c’était un problème de société, vis-à-vis des parents surtout…

La coupe du monde de football approche. Te souviens-tu de celle de 1998 où la France a gagné ?
Comment oublier ? Nous étions au Touquet avec des amis lors de la finale contre le Brésil. Après la victoire de la France, tout le monde est allé dans la rue pour chanter, danser, s’embrasser. J’avais assisté aux projections des quarts de finale au Bataclan qui diffusait les matches en simultané, et j’avais été frappé par la présence des femmes dans la salle. Elles participaient vraiment ! Et après chaque victoire de la France, aux quarts et en demi-finale, le Bataclan se vidait pour se transformer en liesse populaire. Il y avait du plaisir dans la rue…

Comme dans la chanson de Jean-Louis Aubert, quels sont les petits riens qui font de grands moments pour vous ?
Il y en a plein ! Évidemment, les vacances avec mes enfants arrivent tout de suite à mon esprit. Depuis qu’ils sont tout petits, on voyage en famille à travers le monde. Quand ils avaient entre trois et cinq ans, et qu’on finissait un repas au restaurant en dansant tous ensemble, c’était merveilleux. Aujourd’hui, ils sont plus grands, alors on va en boîte. Je peux vous dire que les trois garcons matés par les filles et la fierté que ça leur donne, voilà un petit rien qui va loin.

Si je te donne douze bouteilles de champagne (Piper-Heidsieck of course), tu en fais quoi ?
Je les offre aux douze caricaturistes de mon film pour les remercier du temps qu’ils m’ont accordé et pour fêter leur courage au quotidien.

Propos recueillis par Emmanuel de Brantes.
Photo: Gilles Petipas.


Capture du 2015-04-28 14:56:24 Technikart SuperCannes #04  18 mai 2014