REVIVAL HIER EN SERIES

Paru dans le Hors Série TV de Technikart – 19/07/2008

JE SENS QUE ÇA REVIENT
En quête de sens après la grève, l’industrie des séries US ne sait plus où elle habite. Back en 1989 donc: «K2000», «Beverly Hills» et la meuf de «China Beach» reprennent l’antenne comme au bon vieux temps de La 5. C’est grave, docteur ?

Pourquoi cuisiner quelque chose de frais et d’original quand on peut réchauffer les restes ? Rien que ces trois derniers mois, NTM a refait une scène dix ans après avoir cassé, les Rage Against The Machine et les New Kids on The Block se sont reformés (mais pas ensemble) et Dimension Films a annoncé la mise en chantier d’un remake de « Short Circuit ». La pop culture a toujours fouillé les poubelles d’hier pour dresser la table d’aujourd’hui, obéissant aux lois élémentaires de l’offre, de la demande et de la même offre vingt ans plus tard. Mais ce qui se passe actuellement à la télé américaine dépasse de loin la manœuvre lambda du retour « payant ». La coïncidence de l’affaissement général du métier et de la profusion de remakes en production est beaucoup trop éloquente pour n’être que ça ; une coïncidence. La grève des scénaristes a mis à nu le retard accumulé par l’audiovisuel US face aux nouveaux satellites de diffusion (TiVo, Download etc), et sa relative incapacité à réformer son système poids lourd (étrange écho à notre propre crise de la fiction en France). Et voilà-t-y pas qu’on nous annonce, au milieu d’une minuscule poignée de nouveautés , les grands « débuts » de « K2000 » sur NBC et de « Beverly Hills » sur The CW. Chrisitian Slater, celui de « Pump Up The Volume », tentera de faire oublier qu’il a 40 ans dans « My Own Worst Ennemy », un drame de déboublement de la personnalité. Et Dana Delany, de feu « China Beach », nous éblouira de sa rousseur en sixième garce de Wisteria Lane (elle intégrait en récurrente le cast de « Desperate Housewives » à la fin de la saison 4). Il y aura la version ricaine de « Life on Mars », exploration fétichiste des seventies, un possible retour de « V », et même « L’amour du risque » (Wow-oh-oh) sera de la partie. De quoi devenir ivres de nostalgie. Et finir Jean-Claude Bourrés.

SLOW BUSINESS
Plus qu’un défilé de vieilles canes sympathiques, on y lit noir sur blanc le désarroi d’une industrie prostrée dans des valeurs refuges, paralysée par un système en place depuis l’origine des temps, du moins de la télévision (c’est à dire il y a plus de cinquante ans), mais qui ne fonctionne plus. Le malaise d’un business sans perspective, sans solution, où tout le monde agite les bras en l’air et flippe de perdre son job. Comme l’explique Mark Verheiden, producteur exécutif sur « Battlestar Galactica », cas rarissime de revival séries réussi : « La question du moment est : où en sera l’industrie télé mainstream dans cinq ans ? Et aussi, existera-t-il un business model permettant à une compagnie de production d’investir 40 millions $ dans 22 épisodes et de rentrer dans ses frais ? Je n’ai pas de réponses. Selon moi, ces séries remakées en cascade donnent l’illusion aux chaînes qu’elles sont prévendues au public. Pas besoin d’investir dans une campagne de promotion coûteuse ou de trouver des idées pour fidéliser l’audience : la “marque” , seule, fait le travail ».

ILS NE SAVENT PLUS QUOI RÉINVENTER
« Battlestar Galactica » reste un cas à part parce qu’elle n’a pas été conçue pour réveiller le fantôme de l’original, mais comme un « reboot » original (quel mot magnifique). Les remakes en cinéma, c’est pas souvent ça. En télé, pour le moment,c’est pire. L’année dernière, une partie des auteurs de « Battlestar » est partie monter de son côté une nouvelle version de « Bionic Woman »,alias « Super Jaimie ». Ils auraient mieux fait, comme leur héroïne, de se casser une jambe. Tiens, le créateur historique de « Super Jaimie », Kenneth Johnson, a deux mots à leur dire : « Ils sont passés à côté de l’humour et de l’humanité du personnage. Ma Jamie Summers n’a jamais frappé quelqu’un au poing. C’est trop facile. Et pourquoi, lorsqu’on greffe des éléments bioniques à un être humain, doit-il forcément devenir expert en arts martiaux ? ». Avec son ambiance matrixienne et son pessimisme radical, « Bionic Woman » visait l’air du temps mais frappait très loin de sa cible.

LAISSER LE TEMPS AU TEMPS
Le temps, nous y voilà. N’est-ce pas là que tout se joue ? Le temps d’imprimer son époque. Le temps de disparaître. Le temps de créer l’absence et le manque. Le temps de revenir surtout, avant qu’il ne soit trop tard. Mais comment mesurer concrètement ses effets ? D’autant qu’il ne s’écoule pas de la même façon à la télé que dans la vie, le temps. Votre télé vieillit plus vite que vous, à toute blinde, continuellement nourrie de programmes qui en chassent d’autres. Et ainsi de suite. Pour Kenneth Johnson, aussi créateur de « V », le temps est élastique. Rien ne se termine jamais. « V continue d’être présent dans l’inconsient collectif. La diffusion originale date de 1983 mais la série a été continuellement revisitée, que ce soit via les rediffs ou les DVD ». C’est vrai que « V » mérite un comeback. Merde, on commence à voir du revival partout. « Fringe » ne s’oriente-t-elle pas d’une certaine manière vers un revival « X-Files » ? Lequel « X-Files » pointe le bout de sa lampe torche comme si c’était hier. Mais ce n’était pas plutôt avant-hier ? Une chose est sûre : si « X-Files », en six ans, a pu créer un gouffre qui en paraît quinze, « 24 », de retour aux US en janvier après deux ans d’absence, laisse un vide d’au moins quatre. Et ça, ça ne va pas du tout. S’il y en a un qui est toujours à l’heure, c’est Jack Bauer.
BENJAMIN ROZOVAS

VIVRE ET LAISSER REVIVRE
Trois créateurs de séries méditent sur la question du Revival.
MARK VERHEIDEN, PRODUCTEUR EXÉCUTIF DE «BATTLESTAR GALACTICA»
«De la même façon, ça pose la question: pourquoi voit-on tous ces films comicbook aujourd’hui ? Pour moi, la réponse est la même que pour la série “K2000” et même notre “Battlestar”: les gens qui ont grandi avec ces franchises sont aujourd’hui producteurs ou executives de studio. Appelez-ça la génération X ou ce que vous voulez. Ils ont un respect, un amour pour ces vieilles franchises, et surtout les moyens de les remettre au goût du jour. L’intérêt que l’on porte à la pop culture se forme essentiellement à l’adolescence. Je vous dis ça, mais personnellement, je n’ai jamais été un grand fan du “Battlestar” original. Déjà à l’époque, je trouvais ça kitsch.»

CHRIS CARTER, PRODUCTEUR-SCÉNARISTE-RÉALISATEUR DE «X FILES – RÉGÉNÉRATION»
«J’ai l’impression que “X-Files”, c’était dans une autre vie. Le temps semble s’élargir dans le monde de l’entertainement parce qu’il y en a tellement ! Il n’y a jamais de moment creux dans ce business. Il y aura toujours une série pour en remplacer une autre. Dans le film, on est à “l’heure du calendrier”. Nos personnages ont vieilli en temps réel. En six ans, les choses peuvent radicalement changer entre les gens. Ou rester les mêmes. J’espère que le temps a été clément avec eux, et avec le film. Notre absence a construit un appêtit je crois… Ce qui est intéressant, c’est que pour la Fox, c’était maintenant ou jamais. Six ans, c’était encore frais dans l’esprit du public. Si on attendait, d’après eux, c’était foutu.»

KENNETH JOHNSON, CRÉATEUR DE «SUPER JAIMIE», «V» ET «L’INCROYABLE HULK»
«Je pense que ça a à voir avec la nervosité des executives de studio, plus par leur job et la nécessité de le garder. Ils se disent: “Si ça a eu du succès par le passé, ça en aura aujourd’hui”. Ils y voient une sécurité alors que c’est aussi risqué, sinon plus, que de partir d’une idée originale. C’est toujours la nouveauté et l’originalité qui capturent l’imagination du public…»
B.R

L’EXCLU MONDIALE SAISON 7 «24» REMET LES PENDULES À L’HEURE
Le frère de Jack. Sa belle-sœur qui lui fait du gringue. Son neveu qui lui ressemble trop pour ne pas être son fils illégitime. Son père (son père !) qui se révèle être le bad guy de service. Dix épisodes de suite où il ne se passe absolument rien…
Avec un peu de mauvaise volonté, on aurait presque pu confondre la saison 6 de 24 avec un mauvais soap assaisonné aux champignons nucléaires. Jack ? « Tout ce qui se passait au CTU a commencé à devenir un peu ridicule, concède Kiefer Sutherland. Le côté romantique, notamment. J’adore le personnage de Chloé, mais elle exige un vrai travail d’équilibriste. Elle avance sur un fil, et peut très vite pencher du mauvais côté. J’aimais beaucoup l’idée d’introduire le père de Jack, mais je crois qu’on ne l’a pas gérée correctement. Il aurait dû arriver dans l’histoire vers l’épisode 9, plutôt que d’être révélé tout de suite avant de disparaître trop longtemps dans la nature. »
S’il avoue avoir apprécié les quatre derniers épisodes de la saison (c’était moins une), Sutherland ne joue pas à cacher la misère : la série n’a jamais autant ressemblé à un triste ersatz d’elle-même. « J’ai commencé à sentir le vent tourner au festival de Monaco, se souvient Jon Cassar, producteur-réalisateur du show. D’une année sur l’autre, le discours des journalistes que je rencontrais est passé de “Quelle saison 5 brillante !” à “Mais qu’est-ce qui vous est arrivé sur la 6 ?”. Je reste persuadé qu’elle n’est pas aussi mauvaise qu’on a voulu le dire. Les réactions extrêmes qu’elle a suscitées m’ont franchement surpris, même si je lui reconnais des défauts. »
Difficile de croire qu’un an plus tôt, 24 trustait les Emmy (12 nominations pour 5 victoires) et affolait la critique (best… season… ever !). Cassar, visiblement, aimerait porter plainte contre lui-même : « Le syndrome est récurent à la télé, et frappe tout le monde un jour ou l’autre : quand vous sortez d’une grande année et remportez toutes les récompenses, l’attente du public double, triple, quadruple… La saison 5 était unique. Gregory Itzin, qui jouait Charles Logan, et Jean Smart, qui incarnait sa femme, ont livré des performances exceptionnelles. Toute la partie qui se déroulait à Washington était si forte qu’il était pratiquement impossible de s’approcher de ce niveau avec la saison 6, qui a pâli en comparaison ». 24, victime de son succès ? Facile.

ON REPART À ZÉRO
Non, 24 était surtout devenue victime de 24. Notamment de son intrigue qui s’était mise à radoter, testant notre tolérance pour d’énièmes ter-roristes russes, arabes ou chinois, étouffant dans son esthétique d’entrepôt désaffectés et de CTU. L’hostilité soudaine des fans, et même de la chaîne (« Personne n’est satisfait par ce qui s’est passé cette année », lâchait le président de Fox Home Entertainment) a créé son petit effet au sein de l’équipe. « Ça nous a poussés à réagir, à nous dire : “Vous savez quoi ? Mettons un bon coup de pied au cul de la série. Changeons les choses, trouvons une nouvelle voie.” », reconnaît Cassar.
Dès l’été 2007, les premières infos commencent à tomber sur le jour 7 de Jack Bauer, dont la diffusion est prévue en janvier 2008. Il y aura une femme (Cherry Jones) dans le bureau ovale, tandis que l’action quitte Los Angeles pour Washington DC. Manny Coto, producteur, parle ouvertement d’un reboot de la série. « Dans un sens, on repart effectivement à zéro, confirme Jon Cassar. C’est la première fois que nous n’avons pas de CTU, qui a toujours été le point de repère de 24, son centre névralgique. Jack Bauer, de son côté, est devenu un homme sans attaches, qui n’a plus de vie personnelle, ni de vie professionnelle. La saison s’ouvre sur la question suivante : qui est Jack Bauer aujourd’hui, et peut-il trouver sa place dans le monde ? » « Le choix de Washington est extrêmement stratégique, ajoute Sutherland. Je peux alors me retrouver à New York en une heure. Ou à Boston en 30 minutes, voire à Baltimore. C’était l’intention : se libérer des contraintes géographiques, être capable de se déplacer et d’ouvrir la série. »
Consciente qu’il va falloir agiter quelques carottes sous le nez des téléspectateurs, l’équipe a même convoqué un revenant pour cette saison 7 : Tony Almeida, laissé pour mort dans la saison 5 après une injection pas si mortelle que ça. Un come-back à l’intérieur du come-back, si vous voulez. « Une fois que nous avions pris la décision de faire revenir Tony, on a essayé de rendre son retour le plus crédible possible, justifie Cassar. Après, les gens y croiront ou pas… Mais nous n’avons jamais eu la prétention de réaliser un documentaire. 24, c’est de la fantaisie d’espionnage. Nous faisons appel à la crédulité des spectateurs. À mon avis, la justification du retour de Tony est suffisamment forte pour ne choquer personne. Les téléspectateurs vont apprécier l’explication, que nous distillerons au fur et à mesure que la saison avance. »

NOS SCÉNARISTES NE SONT PAS DÉBILES
Mi-octobre, la Fox diffuse un premier trailer de la nouvelle saison, dont huit épisodes sont déjà en boîte. On y découvre un Tony Almeida balafré et clairement passé du côté obscur, alors que Jack Bauer apparaît devant le Congrès sur le banc des accusés. « L’année dernière, nous avons régulièrement fait la une à cause des scènes de torture contenues dans la série, qui sont devenues un sujet brûlant, politique, explique Jon Cassar. Nous abordons le problème de front dès le début de la saison, qui montre Jack dans l’obligation de répondre des actes qu’il a commis au cours des années précédentes. »
Pas besoin de chercher très loin pour imaginer que c’est le procès de la série elle-même qui se joue devant la caméra. « Dans un sens, oui. On peut voir ça comme une réponse, mais du point de vue de nos personnages. Ce sont eux qui se justifient, pas nous ou la chaîne. »
Comme une tuile n’arrive jamais seule, au moment où la saison 6 piétinait, les médias ont commencé à montrer 24 du doigt, accusant la série d’encourager les dérives barbares des soldats américains en Irak. « Ce procès d’intention apporte surtout la preuve que la série a titillé la réalité d’un peu trop près. Nous faisons la même chose depuis la saison 1 : le nombre de scènes de torture n’a ni augmenté ni diminué. Mais dès que l’actualité vous rattrape, on vous montre immédiatement du doigt en vous accusant d’encourager la torture. Nous ne sommes pas la seule série à avoir recours à ce genre de scènes : regardez Lost, Heroes ou Les Soprano. Dans 24, les scènes de torture sont un outil narratif. Les personnages n’ont que quelques minutes pour obtenir des informations, et il s’agit de la seule solution à leur portée. Nos scénaristes ne sont pas débiles, ils n’écrivent pas ces scènes par pur sadisme, mais pour soulever cette éternelle question éthique : faut-il blesser une personne pour en sauver des millions ? Que feriez-vous ? Nous sommes tous d’accord sur le fait que ce qui se passe à Guantanamo est absolument horrible. Je préfèrerais vivre dans un monde où tout cela n’existe pas, mais ce n’est malheureusement pas le cas. »
MARCHE OU GRÈVE
Trois semaines après l’arrivée de la bande-annonce éclate la grève des scénaristes, qui laisse la production complètement désemparée. Faut-il passer les huit épisodes déjà tournés en janvier, comme prévu, ou décaler entièrement la diffusion de la saison ? La Fox ne tardera pas à trancher : Jack Bauer reviendra bien en janvier… 2009. « Je suis évidemment en accord total avec les raisons de cette grève, c’est regrettable qu’ils n’aient pas pu trouver un accord avant d’en arriver là. Mais bon… » Kiefer Sutherland a du mal à contenir son amertume. Pourtant, 24 ne pouvait rêver mieux que cette grève. Un an sans Jack Bauer, c’est pile ce qu’il nous fallait pour remettre la pendule de la déception à l’heure et être à nouveau excités par la série. 24, le show le plus addictif au monde, n’avait qu’à créer le manque, nous faire le coup de la privation. Logique.
« L’attente a été pénible, mais le délai supplémentaire qui nous a été imposé s’est avéré être une bénédiction, avoue Sutherland. Nous avons un luxe énorme cette saison : le temps ». Pour la première fois, l’intégralité des épisodes sera tournée avant la diffusion, du jamais vu dans l’histoire de la série. « D’habitude, l’épisode 21 passe alors que nous n’avons même pas encore achevé le 23. Cela ne nous laisse aucune marge d’erreur.Au moindre problème,nous sommes foutus. Il n’y a pas de retour en arrière possible. Je sais que ce n’est pas une excuse, mais c’est la réalité. » « Sur un show comme 24, on bosse 11 mois sur 12, poursuit Jon Cassar. Quand je réalise le season finale, les scénaristes finissent déjà les premiers scripts de la saison suivante. La machine tourne à plein rendement depuis six ans. Cette respiration nous a fait un bien fou. »

H-2
Conscients qu’un an d’absence est une éternité à la télé, la Fox diffusera en novembre 24 : Exile, un téléfilm de deux heures en guise de préliminaires à la saison 7. Un prequel sur lequel on a entendu tout et n’importe quoi : qu’il s’agirait en fait des deux premiers épisodes de la saison mis bout à bout, que le temps réel passerait à la trappe…
Des rumeurs auxquelles Jon Cassar s’empresse de tordre le cou : « La saison compte bien 24 épisodes. En incluant ce prequel, qui sera bien en temps réel comme la série, on se retrouve en réalité devant une saison de 26 épisodes. Nous en avions déjà tournés une dizaine quand nous avons écrit le téléfilm, ce qui nous a permis de vraiment le concevoir comme un pont entre les deux saisons. Nous savions exactement où allait l’intrigue, et ce qu’il fallait mettre en place dans ce prequel. Au début de chaque saison, nous devons répondre à une tonne de questions laissées en suspend l’année précédente. Dans le cas de la saison 7, ça ralentissait dangereusement l’intrigue. Nous voulions démarrer sur les chapeaux de roues, griller tous les feux sans perdre de temps à expliquer ce qu’a fait chaque personnage dans l’intervalle. Le prequel nous a permis de combler les blancs. »
Les blancs en question concernent principalement Jack Bauer qui, à l’issue de la saison 6, a décidé de disparaître. « Il ne sait plus quoi faire de sa vie, et se met à parcourir le monde, révèle Kiefer Sutherland. Il est paumé. Une chose est sûre : il a tiré un trait sur son passé, qu’il fuit jusqu’en Afrique où éclate une guerre civile. Il se retrouve alors confronté à un dilemme : sauver un vieil ami (incarné par Robert Carlyle), et donc replonger, ou rester en dehors de tout ça. » Quelque chose nous dit qu’il va opter pour la première solution… Cassar, galvanisé par trois semaines de tournage en Afrique, promet en toute modestie que l’on n’a « jamais vu ça. C’est presque un mini “24 – The Movie”. » Sans vouloir te mettre la pression, Jon, c’est exactement ce qu’on attend. Tic toc.
«24» SAISON 6, COFFRET DVD LE 28 NOVEMBRE CHEZ FPE.
MATHIEU CARRATIER

ET 8 QUI FONT
«24» Reboot ou pas reboot, on a vérifié avec le producteur-réalisateur Jon Cassar que les incontournables de la série figureraient bien dans la saison 7.
1/ LE THÈME MUSICAL «C’est la musique de Jack, après tout, son thème héroïque. Vous l’entendrez dans cette nouvelle saison, avec une coloration un peu plus africaine, compte tenu de la situation.»

2/ LE COMPTE À REBOURS «Définitivement présent.»

3/ «DAMN IT !» «Jusqu’à ce que la censure nous autorise à dire autre chose, “Damn it“ restera notre phrase de choix pour remplacer tout ce que nous n’avons pas le droit de prononcer à la télévision. Combien cette année ? Moins que d’habitude, étrangement !»

4/ LE MASOCHISME DE JACK «L’histoire traite directement de ça. Jack fait équipe avec une agent du FBI (Annie Wersching), dont les méthodes n’ont rien à voir avec les siennes. Elle représente le point de vue du public, l’innocence face à la désillusion de Jack. Lequel, vous verrez, est moins prêt à se sacrifier pour la nation que les années précédentes.»

5/ JACK ET CHLOÉ CONTRE LE RESTE DU MONDE «Jack n’accorde sa confiance qu’à un cercle restreint, et Chloé est toujours une des rares à en faire partie.»

6/ LA SONNERIE DE TÉLÉPHONE DU CTU «On est mal sur ce coup-là. On ne s’en est pas soucié sur le tournage, car, comme vous le savez, ce genre de bruitage est ajouté en postproduction. Mais vu qu’il n’y a pas de CTU cette année, on a réalisé sur le tard qu’il n’y aurait pas de sonnerie CTU… On aura par contre la sonnerie FBI. Pensez à changer celle de vos portables !»

7/ LE SPLIT SCREEN «Une des marques de fabrique de la série. Ça reste.»

8/ L’ESTHÉTIQUE «ENTREPÔT» «La saison se déroule à Washington DC, au lieu de Los Angeles, donc le décor et l’aspect visuel du show vont être complètement bouleversés. Nous sommes en hiver, aussi: tout le monde porte des manteaux. Il y aura même de la neige. Une révolution !»
M.C.

SAISON 7 : L’AGENDA DE LA POISSE
Démission, taule et incendies : un an dans la vie de «24», jour après jour, tuile après tuile.
09/07/07. Traditionnellement fixé à la mi-juillet, le tournage de la nouvelle saison vient d’être abruptement décalé à fin août pour cause de script à la poubelle: la Fox n’a pas validé l’idée de situer une partie de la saison en Afrique. «Je ne sais pas ce qui se passe là-dedans, mais ils sont en train de devenir dingues», déclarait Mary Lynn Rajskub (Chloé) à propos des scénaristes.

16/08/07. Alors qu’il devait enfin débuter le 27 août, le tournage est une nouvelle fois décalé au 10 septembre. Il paraît que les scénaristes ne vont toujours pas mieux.

24/10/07. Les incendies qui ravagent la Californie coûtent deux jours de tournage à la production. La fumée omniprésente les empêche de filmer comme prévu sur une base militaire d’Orange County.

05/11/07. La grève des scénaristes éclate, paralysant Hollywood. Trois jours plus tard, la production de «24» est contrainte de fermer boutique, n’ayant tourné que huit épisodes et demi de sa nouvelle saison. La diffusion, programmée pour janvier 2008, est décalée d’un an.

05/12/07. Kiefer Sutherland se présente à la prison de Glendale, Californie, pour purger une peine de 48 jours. Il avait été arrêté deux mois plus tôt pour conduite en état d’ivresse alors qu’il était toujours en période de mise à l’épreuve. Il passera Noël, le jour de l’an, et son anniversaire derrière les barreaux.

12/02/08. Alors que son contrat avec la Fox expirait le 30 avril, Joel Surnow, showrunner et créateur de la série, est libéré en avance de ses fonctions, «à sa demande». Républicain hardcore, il a été au centre des accusations visant le contenu parfois limite de «24». Départ volontaire ?

04/06/08. Barack Obama remporte l’investiture démocrate face à Hillary Clinton. La saison 7 de «24» et sa première femme président des États-unis viennent-elles de prendre un vilain coup de vieux avant même d’être à l’antenne ?
M.C.

LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS
«24» s’est spécialisé dans le déterrement de vieilles gloires du cinéma US. Cette année: Jon Voight.
Autant que le fantasme du temps réel ou l’hypothèse politique d’un président noir, c’est l’un des grands coups de force de «24»: la revitalisation, dans des rôles de figures tutélaires ou d’atroces barbouzes, des plus effrayantes gueules cassées du cinoche US. Avec une prédilection perverse pour les légendes cramées du Nouvel Hollywood. Quand apparaît enfin Victor Drazen, quelque part vers le 20 e épisode de la saison 1, qu’est-ce qui nous effraie le plus ? Son plan pour enterrer Bauer ou la tronche démoniaque de Dennis Hopper ? L’idée de casting est géniale: Hopper n’a même pas à lever le petit doigt, sa légende assure à elle seule le spectacle. «24», ou la métafiction à son sommet. La série remettra ça dans la 4e saison, où William Devane, en ministre de la Justice faux-derche, n’évoque pas tant son lourd passif «Côte Ouest» que ses rôles hystériques dans les brûlots 70’s flippés «Marathon Man» et «Rolling Thunder». Idem pour l’apparition décisive de Peter Weller dans la saison 5: s’étonne-t-on que le père spirituel de Jack Bauer ait le visage monolithique de l’interprète de Robocop ?
Ce revival orchestré par «24» s’inscrit dans un mouvement plus vaste de recasage systématique des vieux briscards ciné dans l’univers des séries télé. Elliott Gould le premier avait lancé le mouvement en soignant sa gueule de bois postAltman grâce au rôle de Jack Geller dans «Friends». Depuis, c’est l’invasion des pépés du Nouvel Hollywood: James Caan a cachetonné dans «Las Vegas», et Malcom McDowell dans «Heroes» ; le père Sutherland, Donald, promène sa moustache de patriarche un peu partout («Commander in Chief», «Dirty Sexy Money»). Au même moment, James Woods apprend que les salauds sont à la mode et signe sans réfléchir pour «Shark». Quant à Martin Sheen, malgré «Apocalypse Now», malgré «Badlands», il aurait peut-être loupé le coche de la postérité sans «À la Maison Blanche». Du coup, tout le monde veut sa part du butin: «24» fait ainsi monter la sauce du «prequel» de la saison 7 en rameutant au casting l’homme de «Délivrance», l’ex-Macadam Cowboy himself, Jon Voight. Comme ses compagnons de route, il aura pour tâche de rendre la préretraite sexy.
FRÉDÉRIC FOUBERT