SKORECKI UNE LIBÉRATION

Paru dans le numéro 144 de Technikart – 27/06/2010

Le film «Skorecki déménage» chronique le départ du grand Louis de «Libé», il y a deux ans. Pour «Technikart», Louis Skorecki revient sur la violence d’entreprise, «Libé», le ciné, la critique, son statut d’«historique» rescapé de l’époque libertaire.

l a inventé un truc qui n’aura appartenu qu’à lui : la critique vue de loin, le film envisagé comme un vague souvenir, ce qui permettrait d’entretenir la juste distance avec lui. Pendant des années, il a eu sa « colonne » à Libé, où il disait le contraire des critiques ciné professionnels du même journal et parlait des « films à la télé », selon un principe : au fond, la télé, c’était la place naturelle du cinéma, l’endroit où on le regardait le plus et où il finirait nécessairement par prendre racine. Cultivé, forcément, parce que cinéphile première génération, il a dit comme beaucoup qu’aujourd’hui, tout était fini, foutu, terminé. Que ce soit la critique ou la cinéphilie. Ce n’est pas ce qu’il a dit de mieux. Et il a fait des films sur le sujet (Cinéphiles 1, 2 et 3), qui ne sont pas ce qu’il a fait de mieux non plus. Mais en 2007, dans la foulée de l’intronisation de Laurent Joffrin à la direction de Libé, il réussit l’exploit de se faire virer du quotidien alors qu’il part de son plein gré. Cette histoire-là, triste, qui est aussi celle de la mort lente de la presse, est le centre de Skorecki déménage, son dernier film, coréalisé avec Raphaël Girault et diffusé sur Ciné Cinéma Club, avec les pieds nus, un gamin Doppelganger (le « p’tit Louis ») et un sourire en coin.

Depuis qu’il n’est plus là pour parler de Bob Dylan à propos d’un film de Christian Jacques – on doute qu’il l’ait fait, mais il aurait pu –, eh bien, c’est comme s’il n’y avait plus de cinéma, ni à la télé, ni dans Libération. Mais dans sa tête, et dans l’interview qui suit, il en reste plein.

LOUIS SKORECKI, DÉSOLÉ DE VOUS AVOIR FAIT ATTENDRE. TIENS, VOUS LISEZ «LIBÉ»…
Ah, oui, ça m’arrive encore.

IL REPRÉSENTE QUOI, POUR VOUS, CE JOURNAL ?
L’endroit où je travaillais. Un bon journal, puis un moins bon. Comme j’adore les journaux, je le lis de temps en temps. J’ai toujours aimé ça. Les premiers que j’ai trouvé intéressants étaient les hebdos musicaux anglais, le NME, le Melody Maker, j’avais 17-18 ans. Et ça me manque qu’en France, on n’ait pas une culture musicale comme ça. Aucune tradition. Si les journaux de musique ou de cinéma anglais ou américains sont bons, c’est parce qu’il y a une industrie derrière. Nous, on n’a pas d’usines. Ce n’est pas que les journalistes soient mauvais au départ. Mais il n’y a pas d’argent, pas assez de moyens, et ça donne des feuilles de choux.

C’EST QUOI QUI COMPTE LE PLUS ? LA CRITIQUE MUSIQUE OU LA CRITIQUE CINÉ ?
Musique, je pense, parce que j’achète encore quelques disques, même si c’est surtout des morts. Alors que les films, je n’y vais pas. Mais d’une façon générale, la critique devient maniériste, elle tourne autour du pot. C’est tellement dur de savoir ce qui est bien… Alors que ça reste la qualité première d’un critique, plus que le style, les idées, les thèses : ce qu’il aime. Dans l’année, dans le mois, dans la semaine. C’est le seul critère d’intelligence du cinéma : ne pas laisser passer un film, ne pas se tromper sur un autre. J’étais vachement fier dans mon journal Visages du cinéma d’avoir mis Lolita dans ma liste de fin d’année. Pas un seul critique ne le mettait. Ce n’était pas facile, c’est devenu de plus en plus difficile.

OUI. JE N’AI PAS MIS «HAPPY FEET» DE GEORGE MILLER DANS LE TOP 10 DE «TECHNIKART» EN 2006, ÇA ME RÉVEILLE ENCORE LA NUIT.
Maintenant, tout le monde aime les mêmes films. Moi, à Libé, je disais du mal de cinéastes que je n’ai jamais aimés, comme John Huston, et je recevais des lettres d’insultes, parce qu’on n’avait « pas le droit ». Mais à mes débuts, on ne connaissait pas les noms des cinéastes. On n’avait donc aucun scrupule à aimer ou non.

ALORS, «C’ÉTAIT MIEUX AVANT» ?
Oh, non, je suis content quand un numéro de Libé est bien, qu’un film est bon et que les gens sont vivants. Je n’ai pas besoin que les choses coïncident avec mes idées pessimistes pour être satisfait. Le dernier Bonnie Prince Billy est super, tant mieux, même si c’est un disque étrange. Quand les films sont bons, les critiques sont bonnes, ce n’est pas sorcier. C’est quand les films sont mauvais que les choses se compliquent. La critique n’a pas dégénéré comme ça, sans raison. C’est la plus belle chose que Godard ait dite récemment : « Comment vou-lez-vous que je fasse un bon film quand les autres sont mauvais ? » Il y a là une justesse imparable.

CE DÉPART DE «LIBÉ», IL VIENT D’OÙ ?
Cela faisait déjà plusieurs années que je me sentais mal à l’aise, que je ne m’y reconnaissais plus.

QUELLE IMPORTANCE, AU FOND ? VOUS AVIEZ VOTRE PETIT COIN À VOUS, CETTE CHRONIQUE DES FILMS À LA TÉLÉ QUE TOUT LE MONDE ADORAIT. VOUS AURIEZ PU RESTER DANS VOTRE PLACARD TRANQUILOU.
Non, justement, c’est ça qui est compliqué : c’était très difficile à vivre que cette chronique soit très lue, que je reçoive pleins de mails, mais qu’à l’intérieur, il n’y ait aucune reconnaissance de la part de la hiérarchie du journal. J’en ai eu marre : il y avait tellement de lâcheté, les gens que j’aimais partaient les uns après les autres… Il y a eu plusieurs guichets de départ, il fallait que je prenne celui-là. Et puis, j’avais décidé de monter ma boîte de prod’. Ce n’était pas forcément une bonne idée – plutôt un mirage, une utopie – mais ça m’a poussé dehors.

DANS LE FILM, VOUS DÉMÉNAGEZ À L’INTÉRIEUR DE «LIBÉ» EN ATTENDANT DE DÉMÉNAGER AILLEURS. ET PENDANT CE TEMPS-LÀ, ON SENT BIEN QUE VOUS TAPEZ SUR LES NERFS DE TOUT LE MONDE.
Ça faisait un moment que j’étais un peu le bouc émissaire et ça ne me gênait pas. Mais dans le film, c’est ramassé dans le temps. On l’a tourné en deux jours et demi. Une demi journée le vendredi, un jour plein le samedi – où on a utilisé le journal comme un décor vide –, et une journée le dimanche, où il y a peu de monde et où s’est passée la scène du comité de rédaction, la plus violente du film. Le lundi, j’avais deux lettres recommandées. Une copine m’a poussé à les lire.

ET ?
Il y en avait une pour me dire que j’étais dispensé de mon mois de préavis. Et une pour me dire que j’avais interdiction de montrer les images qu’on avait tournées, sauf si j’obtenais l’accord de chaque personne une par une. Je n’avais jamais eu un rapport de peur à Libé. Mais là, ça m’a coupé les jambes. Il me restait deux jours, je n’ai pas pu les faire. Je suis parti la queue entre les jambes, sans fête, sans rien. Ça a été d’une tristesse… Et le film n’était même pas fini.

COMMENT AVEZ-VOUS FAIT ?
On a monté ce qu’on avait, et c’était horrible : ma femme ne supportait pas, moi non plus, mes amis non plus… Il m’a fallu deux ans pour y revenir et le finir. Le film est né au cours de ces deux ans au cours desquels je n’y ai plus pensé. Et il est devenu très différent. J’avais plus de distance avec moi, on pouvait me trouver ridicule ou pas, l’endroit s’est vraiment mis à ressembler à Libération. Du coup, ce qui est intéressant dans le film a été créé par le manque, le fait d’avoir des trous. Par exemple, le samedi, j’avais fait visiter les lieux au Petit Louis, le garçon qui m’accompagne dans le film, mais ça ne marchait pas. Et à un moment, avec Raphaël (Girault, coréalisateur NDLR), on a eu l’idée que ce soit LUI qui me montre Libé, comme si j’avais un peu oublié les lieux. Et pour le deuxième montage, on a mis un carton qui dit : « Quelques années plus tard… » Même l’idée la plus radicale, je ne m’en suis rendu compte qu’au bout de deux ans, à savoir que je n’étais pas le metteur en scène du film. J’étais content, parce que ça correspond à mon idée que le cinéma n’est plus que formaliste. Je pouvais faire un film très personnel sans me mettre en scène.

CETTE SCÈNE DU COMITÉ DE RÉDACTION OÙ JOFFRIN VOUS INTIME L’ORDRE DE PARTIR ET OÙ TOUT LE MONDE VOUS REJETTE TRÈS VIOLEMMENT RESTE LE POINT D’ORGUE DU FILM. ON DIRAIT QUE C’EST CE QUE VOUS CHERCHIEZ: VOUS ÊTES LÀ, DANS L’EMBRASURE DE LA PORTE, NONCHALANT, PIEDS NUS… ET PUIS ÇA PART EN VRILLE.
Ce n’était pas prémédité du tout. Je voulais juste un plan du comité de rédaction, et moi en amorce. Mais quand Marc Semo (responsable du service « monde » à Libé – NDLR) s’est mis à faire tout un truc sur la petite condamnation du petit Dieudonné, ça m’a semblé tellement dérisoire. Ce jour-là, se préparait le journal sur Papon. Le journal sur Papon. Et là, Semo dit : « Dieudonné, Papon, c’est la même chose »…

ET VOUS NE LAISSEZ PAS PASSER…
Non. Et ils ont tous été dans le sens de ce que Semo disait, le sens de la bêtise terrifiante. Après, on peut dire que c’est dimanche, qu’ils ne sont pas bien réveillés, qu’ils n’ont pas envie qu’on les emmerde… Ça, c’est vraiment l’une des choses qui a changé dans un journal comme Libé : les gens n’ont pas envie qu’on les emmerde.

CETTE POSITION DU POIL À GRATTER, DE LA CONSCIENCE HISTORIQUE DU JOURNAL, C’ÉTAIT VOLONTAIRE ?
Les dernières années, j’ai presque toujours été comme ça. J’étais le seul à critiquer les chefs, à placarder des trucs sur les murs, à foutre un peu la merde. Serge Daney a été le dernier à pouvoir parler et à faire que les gens se taisent. July se taisait. Quand il est mort, Hélène Hazéra a pris le relais : elle aussi faisait taire tout le monde. Et ensuite, ça a été moi. Mais à chaque fois, il y a peut-être eu une déperdition. Je ne suis pas un très bon causeur, je n’allais même pas si souvent aux comités de rédaction.

QUAND VOUS REGARDEZ CETTE SCÈNE DU COMITÉ DE RÉDACTION AUJOURD’HUI, VOUS VOYEZ QUOI ? L’EXASPÉRATION À VOTRE ÉGARD ? L’EXASPÉRATION À L’ÉGARD DU FAIT QU’EN TANT QUE JUIF NÉ EN DÉPORTATION, VOUS REVENDIQUEZ VOTRE DROIT À LES TANCER SUR CE SUJET ? OU L’EXASPÉRATION DUE AU FAIT QUE VOUS DONNEZ VOTRE AVIS ALORS QUE POUR EUX, UNE PAGE EST TOURNÉE, VOUS N’ÊTES DÉJÀ PLUS LÀ ?
Je vois les trois. Tout ça à la fois. C’est pour ça que c’est une bonne scène. Parce qu’elle est dure, encore aujourd’hui. Je suis content de ne pas avoir triché, pas cherché à faire de moi un personnage positif. Avec le temps, elle s’est rééquilibrée, et c’était nécessaire. Au début, elle était trop violente contre moi. Ils disent des conneries, mais on voit bien qu’ils en ont marre que je sois là. Ce n’est pas facile à analyser pour moi : je suis dedans. Avant cela, j’ai essayé d’être un personnage dans le film. Mais là, il n’y a plus de personnage. Et puis, c’est compliqué, la ques-tion juive à Libé. Le journal a beaucoup vendu là-dessus, la peur de Le Pen, etc., et en même temps, il y a au sein de la rédaction une dose d’antisémitisme bien vissée au corps. Donc vous avez raison, beaucoup de choses se mélangent dans cette scène. Une collègue m’a dit en regardant le film : « Je ne me rendais pas compte de combien ça pouvait être difficile pour toi. » Comme quoi…

JE ME SOUVIENS DES PREMIÈRES FOIS OÙ J’AI LU VOTRE CHRONIQUE. AVEC DES AMIS, ON SE MOQUAIT DE VOUS PARCE QUE VOUS NE FAISIEZ QUE RACONTER LES FILMS DE A À Z.
Ah oui, c’était très mauvais, cette période. C’est bien simple : j’écrivais sur des films que j’avais déjà vus. Je les revoyais, je prenais des notes et ensuite, j’arrivais pas à décoller du film. Je restais trop près, près au point de vouloir être encore plus près. Puis j’ai fait un virage à 360°.

180°, PLUTÔT.
Ah ah, oui. Bref, j’ai changé de méthode. Si j’avais déjà vu un film, je ne le revoyais pas. Je m’inspirais du Lourcelles (fameux dictionnaire du cinéma édité en 1992 – NDLR) pour les résumés. L’idée était de ne partir d’aucun souvenir, mais de l’amour d’un film. J’ai interviewé Godard à l’époque et il s’était montré très intéressé par ça.

C’ÉTAIT PLUS IMPORTANT DE PARLER DU FILM LUI-MÊME OU DU CINÉMA EN GÉNÉRAL ?
Non, du film. Même si on a l’impression qu’il n’y a que des généralités, le film reste le plus important. Trouver deux ou trois mots pour le coincer, quoi. Mais je suis très fier d’avoir trouvé ça. Sur le moment, déjà, j’étais très content, et ça me suffisait pour que je n’aie pas envie d’en réaliser moi-même. Je pensais que c’était aussi important que de faire des films.

QUITTER «LIBÉ», C’ÉTAIT AUSSI QUITTER LE FANTÔME DE SERGE DANEY, VOTRE AMI D’ENFANCE ?
Non, parce que justement, mes rapports avec Daney datent de bien avant. Daney, ce n’est pas Libé, je l’ai connu au lycée Voltaire, il a écrit dans mon journal, puis aux Cahiers, où il est devenu rédacteur en chef. On était très amis. A Libé, on a plutôt eu tendance à s’éloigner l’un de l’autre. Mais c’est le seul endroit où j’ai travaillé. Aux Cahiers, c’était même pas payé, je faisais un article une fois par mois, ou une fois tous les deux mois. Libé, c’est mon premier vrai travail, à 40 ans.

AU FIL DE VOTRE CHRONIQUE, VOUS REVENIEZ SOUVENT VERS CES VOYAGES À HOLLYWOOD AU DÉBUT DES ANNÉES 60, COMME SI Y AVOIR ÉTÉ VOUS CONFÉRAIT UNE…
Légitimité ? OUI. Non, ce n’est pas ça qui est important. Je suis allé trois fois à Hollywood, entre 1963 et 1965, et j’ai mis presque quarante ans à comprendre ce que j’y avais vu. J’ai vu tourner Raoul Walsh et Howard Hawks. Et ça ne correspondait pas à ce que les journalistes disaient. Moi, ce que j’ai vu, c’est des régisseurs, des chefs de chantier. Des mecs qui ne parlaient pas à leurs acteurs, et d’ailleurs à personne. Ils étaient perchés sur des grues, ils disaient à peine : « Action ! » et les films étaient formidables. Mais j’ai mis quarante ans à comprendre que le mystère du cinéma US et de ce qu’on a appelé les « auteurs » réside précisément là-dedans. Et j’ai pu rattacher cette idée à Young Cassidy, qui est un de mes films favoris de John Ford, alors qu’il n’a passé que deux jours sur le plateau.

AVANT DE TOMBER MALADE ET D’ÊTRE REMPLACÉ PAR SON CHEF-OP’, JACK CARDIFF !
Exact. Et puis des gens comme Peter Bogdanovich ou Pierre Rissient ont vu ces mêmes metteurs en scène cinq, six ans après moi. Et entre temps, ils avaient appris à dire ce qu’il fallait dire. « Filmer à hauteur d’homme », Hawks ne savait même pas ce que ça signifiait mais il s’est mis à le dire en interview. Je ne suis même pas sûr qu’il trouvait Rio Bravo si bien que ça.

IL L’AIMAIT ASSEZ POUR LE REFAIRE PLUSIEURS FOIS.
Parce que ça rapportait de l’argent, faut pas confondre. Rio Bravo, c’est déjà presque parodique, on ne sait pas s’il se moque de lui-même ou non. Il n’avait jamais fait des trucs comme ça avant. Lui, c’est un vieux travelo, elle, c’est un mec, c’est de la BD. Je l’adore mais, pour moi, on est déjà ailleurs. Pour moi, la date de fin du cinéma classique, c’est 1955-59, j’avais 16 ans. Le moment où on a commencé à s’intéresser à tout ça, c’était déjà en train de se terminer. On est arrivé juste avant que ce ne soit trop tard. C’est une chance d’avoir eu 16 ans en 1959.

POURQUOI ?
Daney avait un an de moins. On découvrait un truc qui se terminait, c’est pour ça que je peux être plus sévère avec Cassavetes ou Pialat, qui sont importants mais ont réduit le « scope », la dimension du cinéma : c’est un cinéma caricatural, déjà réduit à la performance de l’acteur. Alors que ce qui compte, c’est tout sauf l’acteur, c’est ce qui est au centre de la scène. Le seul cinéaste arrivé après l’ère classique et qui ne bouge pas, c’est Fassbinder. Et lui non plus n’était pas sur ses plateaux à la fin, ce qui coïncide avec mon idée sur le mystère du cinéma. Ça tient à ces petits trucs-là : Dwan qui tire des câbles et lève la main pour se porter volontaire le jour où le metteur en scène est malade ; Welles qui dit : « I directed this film and my name is Orson Welles. »Trop de savoir sur le cinéma a éloigné de ce genre d’évidence. De ce qu’est un art d’usine. A Hollywood, j’avais rencontré Edward Ludwig, qui a fait Gun Hawk, un western génial sur le cancer. Eh bien, il avait dû demander une autorisation pour me rencontrer.

NOUS, ON A DÉCOUVERT TOUS CES FILMS GAMINS, À LA TÉLÉ. JE ME DIS QUE VOUS, VOUS AVEZ RATÉ CETTE ÉVIDENCE-LÀ: ÇA N’A JAMAIS ÉTÉ QUE DES FILMS POUR ENFANTS !
Oh, mais on le savait ! A l’époque où on voyait tous ces films, c’était une activité honteuse. Les deux seuls cinéastes dont il était permis de parler avec respect étaient Fellini et Bergman. Il n’y avait que les prolos qui allaient au cinéma. Pas d’intellos, c’était pire que d’écouter du rap, ou un autre équivalent aujourd’hui. Ecrire des choses sérieuses sur des trucs de gamins, tous les intellectuels se foutaient de nous ! Quand on a vu George Cukor avec Daney, il lui a dit : « Dans vos films, le thème, c’est Pygmalion. » Et l’autre se foutait de sa gueule : « Mais mon pauvre garçon, je n’écris même pas mes scénarios, c’est n’importe quoi. Serge avait raison quand même, mais tout le monde rigolait.» On écrivait avec trop de sérieux sur des gens à propos desquels rien n’avait jamais été écrit. Ce n’est arrivé qu’une fois : que des inconnus deviennent d’un seul coup des artistes par le simple fait que des débiles écrivaient sur eux.

VOUS NE ME FEREZ PAS CROIRE QUE JOHN FORD NE SE VIVAIT PAS COMME UN ARTISTE.
Il se vivait plus comme un militaire, un amiral, que comme un artiste. Non, « artiste », le mot ne va pas.

ON N’A PAS DU TOUT PARLÉ DE LAURENT JOFFRIN.
Parce qu’il n’y a pas grand chose à dire sur lui. Ce sont les journalistes de base qui font de Libé ce qu’il est. Lui, il a été nommé, un autre aurait pu être nommé à sa place. Ce n’est juste pas quelqu’un de très sympathique…

«SKORECKI DÉMÉNAGE»: LE SAMEDI 10 JUILLET À 19H45. CINÉ CINÉMA CLUB (REDIFFUSION EN SEPTEMBRE). HTTP://SKORECKI.BLOGSPOT.COM
ENTRETIEN LÉO HADDAD (MERCI À KARINE DURANCE ET NICOLAS SANTOLARIA)

LOUIS SKORECKI, LA LIFE
1943 : Naissance.
1964 : Rédacteur aux «Cahiers du cinéma». Y collabore épisodiquement pendant vingt ans.
1983 : Entre à «Libé», son premier job à 40 ans.
1984 : Publie son célèbre article «Contre la nouvelle cinéphilie» dans «les Cahiers».
2007 : Quitte «Libé».
2010 : Coréalise «Skorecki déménage», fragments de son douloureux départ de «Libé».