The Notorious K.I.M

Egocentrique, bling-bling, envahissante, prêtresse des siens et business woman du rien ? Oui, mais Kim Kardashian, c’est aussi bien plus que ça. Portrait d’une descendante de Simone de Beauvoir en un peu plus sexy.

« C’ est qui, Kim Kardashian, déjà ? La brune bonne au cul énorme qui sort avec le footballeur des Saints, c’est ça ? » Ces propos délicats ont été entendus dans un wagon bondé de la ligne 2 du métro parisien. Mais comment blâmer son auteur ? Mis à part le public de MTV, dont l’âge oscille entre 15 et 25 ans, personne ne sait précisément qui est Kim Kardashian en France malgré les articles que lui consacre la presse française, de Closer à Madame Figaro.

MTV, 20h00. Les Snickers glacés sont prêts, l’Incroyable Famille Kardashian commence. A l’écran, Kim, ses sœurs Khloe et Kourtney, et la reine mère, Kris. Cette team de brunettes aux beaux yeux noirs et aux arrière-trains généreux s’apprête à marier la cadette, Khloe, qui épouse Lamar Odom, basketteur star des Lakers. Ambiance robes moulantes à paillettes, brushings de ouf et petite arche en fleurs comme seuls les Américains savent en installer dans leurs jardins de Beverly Hills. En voyant Khloe dire « oui » à Lamar, on oublie que l’Incroyable Famille Kardashian est un show écrit, filmé et réalisé par MTV, que la scène a été répétée dix fois et vue par 20 millions d’Américains. Alors, on fait comme tous les gens de l’assistance : on chiale sans s’arrêter. La fête qui s’ensuit, entrecoupée de discours larmoyants – « Il n’y a quasiment aucun membre de la famille de Lamar, il a trouvé une seconde famille avec nous » – et les nombreuses dédicaces de Kim à son père défunt finissent d’épuiser notre capital lacrymal. « S’il y a un tel engouement et une telle charge émotionnelle autour de Keeping Up With the Kardashians (le titre en VO NDLR), c’est parce que le public voit qu’il y a du cœur et des sentiments. Ce n’est pas un show de télé-réalité classique, c’est une vraie évolution médiatique », nous explique Kim du haut de son mètre soixante.

 

De Kim Kardashian, l’héritière brune made in US, on a beaucoup lu, beaucoup dit et surtout tout vu de son anatomie la plus intime. Une party girl, une socialite sans cervelle ? Oui, mais pas que. Relativement méconnue en Europe, ni chanteuse ni actrice, elle est en passe de devenir la reine des (fausses) connes qui incarnent le féminisme 2010, celui des starlettes qui, derrière leur seul talent apparent – optimiser leur célébrité éclair et créer un grand buzz du vide –, se posent là où les mecs n’auraient jamais imaginé laisser le bout d’un strapontin il y a quelques années : sens du business, indépendance et turn-over sentimental selon l’humeur.
Kim Kardashian n’était que Kimberley, fille à papa de feu Robert Kardashian, le célèbre avocat d’O.J. Simpson, avant la publication par Vivid Entertainment de sa sulfureuse sex tape avec le très bien monté Ray J (lui-même petit frère de Brandy, vous suivez ?). Elle niera longtemps l’existence de cet épisode, pour ensuite attaquer Vivid en justice avant d’abandonner les poursuites contre la rondelette somme de 5 M$. Aujourd’hui encore, elle botte en touche lorsqu’on l’interroge sur le sujet. Coup de pub volontaire ? Adoubement people ? « Non. Il faut apprendre à partir de tout ce qu’on fait de bien ou de mal dans la vie. Tout le monde fait des bêtises étant jeune. Et moi, je ne suis pas différente de tout le monde. » Traduction : peu importe, après tout, tous les chemins mènent à MTV. Mais là où Kim Kardashian creuse l’écart avec les autres it girls américaines, c’est par sa personnalité.

Derrière ses propos taillés dans du chêne massif, Kim cache un cœur en or. A Paris Hilton les déclarations provoc’ sur les pauvres, les gros, les white trash, à elle les tirades sur l’amour, la fraternité, la famille et Deepak Chopra (le pape indien de la spiritualité et de la « médecine non-conventionnelle »). Il fut d’ailleurs un temps où Paris H. et Kim K. monopolisaient la presse people de Los Angeles et de Malibu Beach jusqu’aux backstages du concert de The Game, toutes en bikinis monogrammés, lunettes de soleil strassées qui font mal aux yeux et photos hot de leurs soirées. On assistera à leur rupture amicale par blogs people interposés, Paris attaquant Kim sur son postérieur, Kim taillant Paris sur son manque de formes en retour : « Je me fous que Paris dise que j’ai un gros cul… Au moins, moi, j’ai un cul. » Et elle sait s’en servir à merveille. Quand bon lui semble.
Après Ray J le R&B lover, vient donc Reggie, la star des New Orleans Saints qu’elle rencontre en 2007. Reggie « Eat the Bush » devient plus célèbre pour sa sulfureuse girlfriend de cinq ans son aînée (27 ans à l’époque) que pour son palmarès sportif. La preuve : il suffit de Googliser son nom pour ne tomber que sur des clichés de Kim en boîte qui frotte son mythique postérieur contre son running back favori. On aura également droit au grand déballage de leur vie en Technicolor sur Twitter, sur le blog de Perez Hilton (un proche de Kim) et dans de nombreuses séances photos, au gré des tromperies et des ruptures qui ont rythmé leur couple. Comment vit-on une telle intrusion, même quand on l’a beaucoup cherché ? « Ça fait partie du jeu, répond Kim bonne joueuse. J’ai appris à mettre une barrière entre moi et tout ça, surtout quand les gens se focalisent sur des choses négatives. Avoir une famille aimante, c’est la clé. »

Kim, c’est la Wag haut de gamme version cainri. Non contente de dévoiler ses amours contingentes aux yeux de tous, elle détaille ses allées et venues aux quatre coins du monde, sa folle fashion week en compagnie du pubère Justin Bieber, pose des questions cruciales à ses trois millions de followers Twitter – « Que pensez-vous du vernis kaki pour l’été ? » –, explique minutieusement son programme d’aérobic de la journée et laisse croire que l’avis de chacun compte. Une futilité décomplexée et un intérêt pour ses fans qui cachent à peine sa seule motivation : faire de son exposition médiatique un vrai fonds de commerce.
« Mon but dans la vie, c’est d’être invitée chez Oprah Winfrey. Je vais comploter avec mes sœurs jusqu’à y arriver, les mecs ! », écrit-elle d’ailleurs sur son site . Et si l’on avait encore un doute, il suffit de lui demander si Twitter et les dix avant-premières auxquelles elle se rend chaque mois sont une simple vitrine commerciale : « Absolument. Mon business est entièrement dédié à mes fans, alors twitter toute la journée ou apparaître publiquement me permet de me connecter avec eux, de savoir ce qu’ils veulent », assume-t-elle. La recette est donc simple : attirer un public voyeur et fidèle et décrocher toutes sortes de plans pub grâce à cette exposition. Lorsqu’elle prend un ton friendly pour questionner : « Hello, les filles, comment comptez-vous perdre vos kilos en trop avant l’été ? », elle en profite pour poster un lien vers Body Beautiful, son DVD de remise en forme à domicile pour fans grassouillettes. Lorsqu’on lui demande de fille à fille comment elle obtient un corps si hot, elle reste pro : « La motivation. Je m’entraîne tous les jours et je prends du QuickTrim (la marque de compléments alimentaires dont elle est l’égérie – NDLR) pour m’aider à brûler les calories. » Et lorsqu’elle inonde son profil de ses photos, elle balance dans la foulée : « Que pensez-vous de mon regard, j’ai utilisé le Lash Lifting Mascara by Anastasia qui fait des cils interminables, je vous le conseille. » Du Twittreportage, en somme, plébiscité par les centaines de commentaires de followers qui achètent tout ce qui porte le sceau sacré KK.

Ca n’a l’air de rien mais quand même. Quand on interroge au hasard quelques fans vingtenaires de l’héroïne de l’Incroyable Famille Kardashian, celles-ci avouent une vraie admiration pour la booty girl : « Kim a cette facilité de se conduire comme un mec sans que ça ne choque plus que ça : quand un homme lui plaît, elle flirte avec lui ouvertement en se foutant de passer pour une salope », témoigne ainsi Bianca, 24 ans. « Ce qui me fascine, c’est qu’elle fait son beurre en se foutant de passer pour une pétasse. Sans le savoir, ceux qui la critiquent servent sa cause : c’est elle qui les exploite et pas l’inverse, c’est un cercle vicieux très bien réglé », confirme pour sa part Alizé, 22 ans.
C’est ça, Kim : une fille qui vit pour elle et se moque de ce qu’exigent les convenances. Aujourd’hui, elle a 30 ans, reste célibataire, avoue qu’elle rêve d’amour mais refuse de se brader. Et, au détour d’une énième déclaration langue de bois, arrive même à glisser : « J’aime bien cuisiner le soir. Tu sais, j’ai déjà fait toutes sortes de folie, alors il ne m’en reste plus beaucoup à découvrir. » Avant de redevenir plus corporate : « J’espère continuer à travailler dans la mode, faire plus de design et de création. Je travaille aussi sur mon second parfum, et je produis mon premier show. Dans l’avenir, j’aimerais produire plus. J’aime être en coulisses. » Simone de Beauvoir a écrit le Deuxième Sexe à 41 ans. Kim n’a pas attendu cet âge pour en appliquer les grands principes.
«L’INCROYABLE FAMILLE KARDASHIAN»: SUR MTV (SAISON 5 SUR E ! ENTERTAINMENT).
A LIRE: «KARDASHIAN KONFIDENTIAL», COÉCRIT AVEC KHLOE ET KOURTNEY (SORTIE US LE 23 NOVEMBRE).
MELANIE MENDELEWITSCH

KIM KARDASHIAN, LA LIFE
21 octobre 1980 : Kimberley Noel Kardashian voit le jour à L.A.
2000 : Epouse le producteur Damon Thomas et divorce en 2004.
2007 : Diffusion par Vivid Entertainement de sa sextape avec le chanteur Ray J, première diffusion du reality show «Keeping up With the Kardashians», début de son histoire avec Reggie Bush.
2010 : Split avec Reggie et grosse embrouille avec la PETA pour avoir twitté une photo où elle tient un chat par le cou.

GIRL BUSINESS, LE SILLON
SANDY DENTON Au tournant des années 80-90, la sulfureuse leadeuse du mythique groupe Salt-N-Pepa sort ses microshorts en concerts, taille ses ex et raconte ses frasques sexuelles dans ses morceaux, ce qui ne l’empêche pas de proclamer haut et fort: «I make my own money, so don’t tell me how to spend it», de virer son mari Treach, rappeur de Naughty By Nature, qui avait levé la main sur elle et de tout déballer dans un livre 100% girl power, «Let’s Talk About Pep».
VICTORIA BECKHAM En épousant en 1999 David Beckham, l’ex-Posh Spice réussit l’exploit d’une reconversion réussie, contrairement à ses ex-collègues du girls band anglais: elle lance sa ligne de fringues, sort son autobio («Learning to Fly»), un album, devient avec son mari l’égérie de Dolce&Gabbana, Pepsi et Adidas, manage son couple comme un fonds de commerce… Et gère leur fortune commune qui s’élèverait à plus de 125 M£.
DESTINY’S CHILDS Au tournant des années 00, trois Texanes font exploser la planète R&B avec les albums «The Writing’s on the Wall» et, surtout, «Survivor». Beyoncé Knowles, Michelle Williams et Kelly Rowland appellent à l’indépendance des femmes, notamment financière, dans «Bills, Bills, Bills» ou «Independent Woman» («Try to control me boy, you get dismissed»). Résultat ? 75 millions d’albums vendus.
PARIS HILTON L’ex-copine de Kim Kardashian, révélée par le reality show «The Simple Life» (où elle roulait des pelles à des white trash pour rigoler) a fait du chemin. Sous ses airs de bimbo décérébrée, elle a bâti son propre empire (livre, «Confessions of a Heiress», parfum, album), tout en affichant sans fausse pudeur son impressionnant tableau de chasse. Au choix: Stavros Niarchos, Benji Madden, Cristiano Ronaldo, etc., etc.
M. M.


 

Technikart #145

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