3 la peur de la damnation An mil contre an 2000

Paru dans Technikart n° 19
Vers l’an mil, les seigneurs donnaient massivement leur bien à l’église pour racheter leur âme. « Guillaume offrit à saint Cybard, pour le prix de sa sépulture, des présents variés et considérables aussi bien en terres qu’en fils d’or et d’argent, et d’autres choses encore. » (Chronique d’Adémar de Chabannes)(1).
Aujourd’hui, l’église ne fait plus recette auprès des puissants de ce monde et c’est sur terre qu’est le salut. La preuve : Ted Turner, milliardaire fondateur de CNN, a décidé de donner un milliard de dollars aux organisations de l’ONU. Bill Gates, Big Brother de Microsoft, a offert 200 M$ de matériel informatique aux écoles publiques et bibliothèques américaines. Tout ça pour couper l’herbe sous le pied de son concurrent Oracle qui offrait, lui, 100 M$ et pour faire front au même Ted Turner qui l’accusait lui, l’homme le plus riche du monde, d’avarice.
La charité est donc devenue un must pour les nantis du village médiatique. Pas un chanteur populaire hexagonal qui puisse bouder Sol en Si, pas un présentateur de France 2 qui coupe au Téléthon. Pas une princesse, une actrice qui ne combatte les mines antipersonnelles ou défende l’enfance maltraitée. Loin de nous l’intention de critiquer cet assaut de bonnes intentions à l’approche du millenium. Simplement, notons que ce rachat séculier quasi obligatoire ressemble fort à une religion.

(1) « L’An mil », de Georges Duby (Folio Histoire), s’il minimise la portée des grandes peurs de l’an mil, en démontrait parfaitement les mécanismes mentaux.