6 la peur de la manipulation La vérité, maintenant !

C’est une de ces névroses qui secouent régulièrement l’Amérique, comme un boy’s band sous les drapeaux : on nous ment !
Non seulement le gouvernement nous ment(1), mais aussi tout dans l’existence, des tigres virtuels en 3D du zoo du conté aux fausses jantes en alu du dernier 4×4 de Chrysler. A deux ans de l’an 2000, l’Amérique profonde estime qu’on l’a spoliée, bernée, détournée de tout ce qui fait que la vraie vie est un moment de bonheur partagé autour d’un bon steak et d’un film à la télé. D’où soudain, réévaluation expresse de certaines valeurs que l’on croyait définitivement enterrées : les guides de cuisine sur « l’art d’accommoder les restes » font un tabac, les chaînes d’infos locales dament le pion aux grands networks et, surtout, d’obscurs gourous du « life style » gagnent des millions de dollars en dévoilant « ces deux ou trois petites choses qu’il faut savoir pour vivre vieux et heureux ».
Parmi eux, Andrew Weil, diplômé de Harvard et professeur de new age, enchaîne les best-sellers avec un message essentiel : santé et bonheur appartiennent à ceux qui marchent quarante-cinq minutes par jour ! C’est simple, c’est con, c’est la clef de voûte de la néo-vérité-made-in-USA.
Récemment, Mihaly Csiksentmihalyi, heureux père de famille et gourou politique à ses heures, s’est également fait connaître avec une nouvelle théorie sur le bonheur : le flux. D’après lui, la réussite passe en effet par une organisation du temps comme un flux régulier et paisible : quelques heures pour travailler, quelques heures pour s’amuser, quelques heures pour faire du sport puis l’amour, ou inversement. Stupéfiant, non ? A la Maison Blanche, on penserait à lui comme conseiller.
(1) Voir notre article « Cultures & Conspirations » page 80.