J.J. ABRAMS – «RÉALISER STAR TREK C’EST UNE IDÉE SEXY»

Paru dans le Hors Série Geek de Technikart – 14/10/2009

LAST NIGHT, J.J SAVED MY LIFE
Génie du concept quatre étoiles ou spécialiste de la nourriture sous vide ? Quoiqu’on pense de J.J. Abrams, le créateur de «Lost» et d’«Alias» est un pur produit de notre époque geek friendly. Rencontre avec le Roi Midas d’Hollywood, à quelques mois de la sortie en salles de son «Star Trek» années zéro.

Arrêtons de se la raconter : si on aime Lost aujourd’hui, ce n’est pas grâce à J.J. Abrams, qui a quitté ses fonctions de « showrunner » au terme de la saison 1 pour réaliser des films à Hollywood – même s’il continue d’être crédité pour le génie sériel de ses partenaires Damon Lindelof et Carlton Cuse. Or, si on retire Lost à J.J. Abrams, que lui reste-t-il ? Les circonvolutions rambaldiennes d’Alias ? Les ados geignards et caméscopés de Cloverfield ? Etrange animal que cet enfant de la télé nourri des codes vitreux du soap opéra (jumeaux diaboliques, triangles amoureux, etc.), devenu, en l’espace de quelques années, le grand manitou de l’imaginaire à Hollywood, toutes disciplines confondues (ciné, télé, web). 

Une constante chez lui : le succès, peut-être parce que ses échecs sont passés sous silence (en 2005, The Catch, situé dans le monde des chasseurs de primes, reste à l’état de pilote). Dans les années 80, on disait de Steven Spielberg, à qui on l’a souvent comparé, qu’il savait « ce que le public veut voir, avant que le public ne le sache lui-même ». J.J., c’est la même magic touch débridée, la même intuition pop : il donne à voir aux gens ce qu’ils désirent, au moment où ils le désirent, tandis qu’en face, le tout-Hollywood s’arrache les cheveux pour comprendre comment ça marche. A la limite, peu importe que ce soit bien, tant que ça en jette. Jennifer Garner en talons hauts et perruque rouge bottant des culs dans des couloirs ? Je veux voir. Des survivants d’un crash d’avion échoués sur une île peuplée de monstres invisibles ? Oh, moi, moi, moi ! Une équipe d’agents du FBI et de savants fous s’attaquent à des puzzles scientifiques ? Euh… A vrai dire, celui-là, bof. Ce qui n’empêche pas Fringe, sa dernière création télé, de décevoir elle aussi son intention de départ. Il est comme ça J.J., il aime ce qui brille.
Sa dernière mission, et il l’a acceptée : sauver Star Trek de l’extinction qui menaçait. Comment ? En l’ouvrant au grand public, en le vulgarisant, pour ainsi dire. Qui mieux que cet homme pour parler de l’assimilation par le mainstream de la culture geek ?

J.J., ON RÉALISE UN NUMÉRO SUR LA GEEK CULTURE, ON S’EST DIT QUE VOUS SERIEZ LA PERSONNE IDÉALE POUR TÉMOIGNER…
Ah ah ah, j’essaierai de me montrer à la hauteur.

VOUS ÊTES LE POP GOUROU DU MOMENT. EST-CE QUE LE SCÉNARISTE DE CHAMBRE QUE VOUS ÉTIEZ IL Y A QUINZE ANS RÊVAIT DE CONQUÉRIR LA PLANÈTE GEEK ?
J’ai toujours aimé les histoires romantiques racontées par le petit bout de la lorgnette, presque autant que de voir le visage d’une personne fondre à l’acide ou une armada de vaisseaux spatiaux s’entreflinguer dans l’espace. Je suis un peu éparpillé comme mec. Mon rêve a toujours été de faire de la télé et du cinéma et, de ce point de vue, je suis comblé.

«A PROPOS D’HENRY», «FOREVER YOUNG», «FELICITY»… SI ON DEVAIT RÉSUMER, VOUS VENEZ DU SOAP OPÉRA, EN FIN DE COMPTE…
Je devais avoir 10 ou 11 ans lorsque j’ai vu le Bossu de Notre-Dame avec Charles Laughton, et je suis resté là à pleurer, sans comprendre ce qui m’arrivait. Je me rappelle des superbes effets de maquillage, de l’atmosphère gothique mais surtout du drame humain qui se jouait à l’écran. Le mélodrame, les personnages, voilà d’où je viens réellement.

TOUT CE QUE VOUS FAITES PERPÉTUE UN MODÈLE POP CULTUREL PASSÉ. L’IDÉE, C’EST DE RAFRAÎCHIR DES VIEUX CONCEPTS ?
Star Trek, à l’époque, était perçu comme une variante de Flash Gordon. X-Files était, de l’aveu de Chris Carter, un « rip off » de The Night Stalker, une série de téléfilms des 70’s. Godzilla lui-même descend de la mythologie grecque. La pop culture se nourrit d’elle-même, elle mange ses entrailles comme un animal vorace. Vous savez ce qu’on dit ? Il n’y a pas de nouvelles histoires, juste de nouvelles manières de les raconter. Et c’est vrai. Mes influences sont évidentes, pour ainsi dire cliché. Godzilla, la Quatrième Dimension, les films catastrophes qui n’aime pas ça ? Mais je les réinterprète avec l’œil de quelqu’un qui aime aussi Indiscrétions, Nos plus belles années, Billy Wilder, Preston Sturges, etc. On se construit tout au long de sa vie d’un point de vue culturel, et ce dès la plus tendre enfance. A la fin, vous êtes la somme des choses que vous aimez.

LE SECRET D’UN ALUNISSAGE RÉUSSI POUR UN BLOCKBUSTER DE PATRIMOINE GEEK RÉSIDE DANS UNE BONNE COMMUNICATION AVEC LES FANS. VOUS VENEZ DE DÉCLARER QUE VOTRE «STAR TREK» S’ADRESSE À CEUX QUI, COMME VOUS, «N’AIMENT PAS STAR TREK». VOUS CHERCHEZ LA MERDE ?
Pour être clair, et peut-être que je me suis mal exprimé, il n’est évidemment pas question que les fans se prennent une gifle en pleine gueule. C’est Star Trek, ça parle de Kirk et de Spock à bord de l’Enterprise, il y a des Romulains et des Vulcains dedans. Ce que je voulais dire, c’est que l’approche de cet univers est beaucoup plus large et introductive que celle d’un fan. « C’est aussi pour ceux qui n’ont jamais vu Star Trek », voilà en substance le message qu’on voulait faire passer. J’engage toute ma sincérité sur un projet et je peux honnêtement dire que je ne suis pas un fan de Gene Roddenberry. Réaliser un film de la série n’a jamais été mon rêve, et je ne pensais pas être l’homme de la situation. Mais j’ai appris à revoir Star Trek et à le comprendre, non pas comme le mythe que ça a été, mais comme le mythe que c’est aujourd’hui. Ou que ça pourrait devenir.

EN CLAIR, VOUS VOUS POINTEZ SUR UNE FRANCHISE MOURANTE EN POSITION DE SAUVEUR. SI VOUS LA RESSUSCITEZ POUR UN NOUVEAU PUBLIC, VOUS ÊTES UN HÉROS. SI VOUS ÉCHOUEZ, ON POURRA TOUJOURS DIRE: «C’EST “STAR TREK”, ÇA NE PARLE À PERSONNE.» C’EST GAGNANT-GAGNANT POUR VOUS…
Oui, bon, je ne sais pas si on peut voir les choses de cette manière, mais je comprends ce que vous voulez dire. Le défi de « rebooter » Star Trek pour une nouvelle génération a beaucoup joué dans mon envie de m’y frotter, oui. Mais lorsque vous rencontrez une fille qui vous plaît, le processus qui s’opère n’a rien d’intellectuel – « Mmmh, je trouve que ses yeux sont bien distancés de son nez, j’aime l’asymétrie parfaite de son visage. » Peu importe ce que vous pensez, vous savez qu’elle vous plaît. Pour une raison que j’ignore, réaliser un film Star Trek est devenu une idée sexy.

DÉJÀ DES SIGNES DES MÉCONTENTEMENTS PARMI LES FANS ?
J’aurai toujours des problèmes avec le type qui vous cause de la puissance balistique des canons inférieurs de l’Enterprise, et pour qui, de toute façon, voir un autre acteur que Shatner dans le rôle de James T. Kirk relève de l’hérésie.

ÊTES-VOUS UN TECHNO-GEEK ? ET FAUT-IL L’ÊTRE POUR FAIRE «STAR TREK» ?
Je ne sais pas si c’est indispensable pour Star Trek, mais j’aime les belles images composées, la haute déf’ et le 7.1. Et je connais les effets spéciaux, leur vélocité, leurs applications. Mieux, j’aime ça.

ACTUELLEMENT, VOUS AVEZ UNE OBSESSION POUR LES «FLARES», CES LISERÉS SCINTILLANTS PRODUITS PAR LE REFLET D’UNE SOURCE DE LUMIÈRE DANS L’OBJECTIF DE LA CAMÉRA. DE «FRINGE» À «STAR TREK», IL Y EN PARTOUT, C’EST AVEUGLANT, ON NE VOIT MÊME PLUS CE QUI SE PASSE DERRIÈRE LES À-PLATS DE LUMIÈRE…
Sur Star Trek, je suis devenu « flare insane », je reconnais. Je voulais créer la sensation d’un monde futuriste tellement énergique et excitant qu’il transperce l’écran et laisse des traces sur son passage. En découvrant certains films qui faisaient un usage massif des flares comme effet de style – je pense bien sûr à Piège de cristal –, j’ai eu une révélation. Putain, ça avait de la gueule ! L’écran s’en trouvait élargi, ça créait un espace en quatre dimensions. Alors oui, je ne m’en suis pas remis. On a beaucoup bossé là-dessus avec mon directeur de la photo de Star Trek. Vous verrez : les flares interprètent l’action au même titre que les acteurs. C’est vachement marrant.

VOUS ÊTES AUJOURD’HUI À HOLLYWOOD LE SEUL PRODUCTEUR-RÉALISATEUR À UTILISER AUSSI CONSCIEMMENT LES NOUVELLES TECHNOLOGIES, NOTAMMENT INTERNET, DANS LA PROMOTION ET L’EXPANSION DE VOS FILMS/SÉRIES. D’OÙ VOUS VIENT CETTE BOSSE DE LA COM’ ?
Je suis loin d’être seul sur ce terrain. Des milliers de consultants et de groupes médiatiques planchent actuellement sur les meilleurs moyens de capter l’attention du public, de les extraire de ce monde saturé d’images. Très franchement, de mon côté, ça ne va pas chercher plus loin que mes petites attentes personnelles. Qu’est-ce que j’aimerais voir et ne pas voir ? Qu’est-ce qui m’exciterait là maintenant ? De voir un monstre ravager la ville ? Non, plutôt de voir la tête de la statue de la Liberté valdinguer dans les rues de New York (en référence au teaser mystérieux de Cloverfield, NDLR). Rien de tout ça ne découle vraiment d’une volonté média-centrique, c’est simplement mon interprétation de ce qui est cool. Une chose est sûre : je sais quand je tiens une bonne idée. Oh my god, that’s crazy, we have to do it !

MAIS IL Y A UN PLAN MASS MEDIA DERRIÈRE CHACUN DE VOS PROJETS, C’EST QUAND MÊME CLAIR !
Il y a une stratégie développée pour le contrôle de l’information, la manière dont elle divulguée et dont elle est susceptible d’être reçue par le public. Mais cette stratégie n’est pas purement commerciale, elle engage un processus émotionnel. On recherche ce qui sonne bien, on n’essaye pas de comprendre ce que veut le public, ou ce dont il a besoin.

VOUS AVEZ ÉTÉ BOMBARDÉ «NOUVEAU SPIELBERG». FÉLICITATIONS, VOUS ÊTES LE HUITIÈME ! QUAND ON DIT ÇA, VOUS ENTENDEZ «WONDERBOY DE L’IMAGINAIRE» OU «GÉNIE MARKETING» ?
J’entends : « Ma mère a payé quelqu’un pour dire ça. » Steven est un ami, et plus encore, une idole, un mentor. Donc, oui, je trouve ça ridicule.

EN TOUT CAS, VOUS AVEZ COMPRIS QUE POUR RENDRE CAPTIF LE PUBLIC GEEK, IL FAUT LUI DONNER DU GRAIN À MOUDRE, MÊME SI ÇA NE DÉBOUCHE SUR RIEN. PAR EXEMPLE, CE JEU DE PISTES SANS CONSÉQUENCE AUTOUR DE LA BOISSON SLUSHO, MENTIONNÉE DANS «LOST» PUIS VISIBLE DANS «CLOVERFIELD»… CE N’EST PAS UN PEU CYNIQUE ?
Parfois, ces références jetées au visage du spectateur servent à faire progresser l’histoire ou marquer des rythmes dans la narration. Et il y a des références conçues comme des « inside jokes », sans aucune fonction narrative. Si vous ne les intégrez pas, ce n’est pas grave, ça ne gênera pas votre compréhension de l’intrigue. Mais si vous les intégrez, avec un peu d’espoir, ça augmente votre expérience de spectateur et vous donne le sentiment de faire partie d’un club privilégié. Si je suis fan d’un genre, et qu’un type dans un film porte le nom d’un réalisateur ou d’un personnage célèbre, quelque part je ressens de la satisfaction. Parce que je sais que l’auteur est en train de me dire qu’il est fan des mêmes choses que moi. Si vous avez vu les vidéos on line de Jamie, « la blonde sur le sofa », vous saurez alors qui elle est et ce qui lui est arrivé avant qu’elle n’apparaisse au détour d’un plan de Cloverfield. Sinon, ce sera juste une fille assise sur le sofa. Si vous avez envie de jouer, on fera en sorte de vous impliquer davantage dans l’histoire. Où est le cynisme là-dedans ?

DANS LE MÊME REGISTRE DE CROSSMARKETING, CERTAINES RUMEURS FONT DÉJÀ ÉTAT D’UNE MYTHOLOGIE COMMUNE À «LOST» ET «FRINGE», NOTAMMENT EN RAISON DE LA PRÉSENCE DE L’ACTEUR LANCE REDDICK DANS LES DEUX SHOWS. ALORS, VONT-ILS SE RENCONTRER ?
(Long silence.) C’est très improbable.

VOUS NE DITES PAS NON. VOUS AURIEZ PLUSTÔT FAIT DE ME DIRE «OUI»…
Oui, mais notez bien qu’en ne vous disant ni oui ni non, j’entretiens l’hypothèse que vous ne dites pas n’importe quoi. Peut-être même que, maintenant, vous avez envie d’y croire.

EN VÉRITÉ, JE M’EN FICHE. VOUS ÊTES ENCORE EN TRAIN DE M’ENDORMIR, J.J. VOUS SAVEZ QUE CERTAINES PERSONNES ONT ARRÊTÉ DE REGARDER «LOST» POUR MOINS QUE ÇA ?
Et je suis désolé pour elles. Le boulot accompli par Damon Lindelof et Carlton Cuse sur les deux dernières saisons est phénoménal. Le spectateur fidèle est récompensé au centuple pour son attente. Je le dis avec d’autant plus de tranquillité que je n’y suis pour rien.

C’EST CE QUE JE LEUR DIS, MAIS ELLES NE VEULENT RIEN ENTENDRE. PUISQUE VOUS ADAPTEZ «STAR STREK» POUR LES MASSES, VOUS DEVEZ AVOIR UNE IDÉE SUR LA QUESTION: A VOTRE AVIS, LES GEEKS ONT-ILS GAGNÉ OU PERDU LA BATAILLE ?
Mettons que je sois fan d’un groupe obscur et confidentiel. Tout à coup, il se met à cartonner et les gens écoutent « ma » musique. D’un côté, j’aurai la satisfaction de voir mon investissement dans ce groupe enfin validé par l’opinion publique. De l’autre, j’aurai la crainte qu’il en ressorte sali. Parce que si ça ne m’appartient plus, quelqu’un, là, dehors, est susceptible de tout gâcher. A bien des égards, la culture geek a toujours eu un accès illimité à la technologie. Mais la technologie fait aujourd’hui partie intégrante du monde, elle est devenue une pièce fondamentale de notre mode de vie. Et ça devient de plus en plus difficile de distinguer le public geek du grand public. Voilà comment je vois les choses : si vous êtes une personne de substance, comme dit ma mère, geek ou non, vous vous consacrerez à l’exercice de vos passions avec profondeur et application. Être geek ne signifie plus la même chose, la définition a changé. Ou alors on l’est tous, et ce qui en faisait la spécificité même a disparu. A l’heure de la mondialisation, les petites enclaves à défendre se font rares, c’est vrai.

POUR FINIR, JE LAISSERAIS PARLER LE GEEK QUI EST EN MOI: JE SUIS UN IMMENSE FAN DE «FILOFAX», LA COMÉDIE YUPPIE AVEC JAMES BELUSHI ET CHARLES GRODIN QUE VOUS AVEZ ÉCRITE EN 90. JE L’AI VU CENT FOIS QUAND J’ÉTAIS ADO…
Ah ah, mon premier job. Je vous en remercie. Voilà une cause à défendre en tout cas ! Vous devez vous sentir bien seul dans ce camp-là…

«STAR TREK»: SORTIE LE 6 MAI.
ENTRETIEN BENJAMIN ROZOVAS

JJ ABRAMS, LA LIFE
1966_ Naissance de Jeffrey Jacob Abrams à New York.
2001_ Crée «Alias» après avoir bossé sur «Felicity».
2004_ S’attaque à «Lost, les disparus» puis écrit et réalise «Mission: impossible 3».
2008_ Produit «Cloverfield».
2009_ Réalise «Star Trek XI» sur la rencontre entre Kirk et Spock à la Starfleet Academy.

J.J. ABRAMS LE GRAND DÉTOURNEMENT
Le wonderboy J.J. Abrams a tout vu, tout lu, tout digéré. Et tout pompé ? Retour sur une filmo gorgée d’influences très très directes.

CE QU’IL A VU_ « X-FILES »
J.J. Abrams est l’archétype de l’auteur ayant tout appris en regardant les « X-Files ». Dans les années 90, au moment où il gravit les échelons de l’industrie, le show conspirationniste de Chris Carter explose les limites du cadre télévisé : feuilleton au long cours parsemé de stand-alones impeccables, volonté de battre le ciné sur son propre terrain, atmosphère de fin du monde, complot partout. Autant de recettes qui vivifièrent l’imagination du futur petit génie, véritable enfant de la télé selon les « X-Fils ».
CE QU’IL EN A FAIT_ « FRINGE »
Mi-2008, raccord avec la sortie du long-métrage « Régénérations », Abrams surfe sur le revival « X-Files » et lance « Fringe » en compagnie de ses compères Alex Kurtzman et Roberto Orci (« Transformers ») : FBI vs phénomènes paranormaux dans une ambiance blafardes, réjouissances gores éclairées à la lampe-torche. Amusant. Mais subsiste une différence de taille entre le maître Carter et son disciple, la même qu’entre Mudler et Scully : le premier croit dur comme fer aux hsitoires qu’il raconte. Pour l’autre, le doute est permis …

CE QU’IL A VUE_ « GODZILLA »
Extravaganza ! Pour le grand enfant Abrams, le maître étalon du spectacle, ça reste un lézard géant en train de saccager une métropole. L’homme aime les scènes de destruction massive, les budgets faramineux (le pilote de « Lost », le plus cher de l’histoire), la démesure, le pop-corn. S’il ne rechigne pas aux tentatives auteuristes (le projet « Anatomy of Hope », bientôt sur HBO), rappelons qu’il a gagné ses gallons de scénariste star en signant le script d »Argameddon ». La recette du succès, c’est la folie des grandeurs.
CE QU’IL EN A FAIT_ « CLOVERFIELD »
Concocté avec ses fidèles lieutenants Matt Reeves et Drew Goddard (qui réalise), « Cloverfield » branche « Godzilla » sur l »esthétique Youtube et se théorise facilement en méra-film catastrophe sur la pulsion scorpique. Mais l’essentiel est ailleurs : conçu comme un grand ride décomplexé, « Cloverfield » semble ignorer superbement que le ciné US contemprain évolue en plein trauma post-11 septembre (« La Guerre des Mondes », « The Dark Knight »). Et filme donc l’anéantissement de New York comme au bon vieux temps.

CE QU’IL A VU_ « MISSION IMPOSSIBLE »
Avec « Star Trek », l’autre must 60s’ incontournable récupéré par Abrams, heureux comme un gosse qui aurait braqué le Père Nöel. Gadgets, obsession technologique, identité multiples et simulacres. Un monde mutique, tentaculaire et hitchcockien (à propos d’Hitchcock, on notera que le compositeur fétiche d’Abrams, Michael Giacchino, pille allègrement le répertoire de Bernard Hermann). J.J. a accordé sa vision du monde à celle de « Mission : impossible », où pop rime avec paranoia.
CE QU’IL EN FAIT_ « ALIAS », puis « MI-3 »
Egalement une affaire de masques, « Alias » relit l »héritage de « Mission : impossible » à la lueur du XXIè siècle : feuilleton roi, globalisation, girl power. Carton. Conséquence logique : c’est avec un coffret DVD de la série qu’Abrams réussit à convaincre Tom Cruise de lui confier les rênes de la franchise. A laquelle, après un De Palma épuré et un John Woo hystérique, il applique une dynamique très télé : fuite en avant du récit, climax toutes les dix minutes, retour aux fondamentaux. Brillant. Très vain.
CE QU’IL A VU_ TOUT
Enfant de la pop culture, nerd gavé de références, Abrams a un jour osé inventer une série télé qui se permettrait de tout citer. Absolument tout. Des chefs-d’oeuvres de la littérature (« Alice Aux Pays des Merveilles », « Sa Majesté des Mouches », « l’Ile Mystérieuse », « Abattoir 5″, ‘Robinson Crusoé », « Solaris »), des classiques ciné (« La Planète des Singes », « Duel dans le Pacifique », « Zardoz », « Predator »); des classiques télé (« La Quatrième Dimension », « le Prisonnier »). Et puis la Bible. Et la télé-réalité « Survivor ». Etc. Etc.
CE QU’IL EN A FAIT_ LOST
Est-ce parce qu’elle s’avance bardée de mille références, et non pas d’une seule, que « Lost » est la seule création incontestable d’Abrams ? Le mille-feuilles citationnel y est tellement bien digéré que la série donne l’impression de nous raconter une histoire pour la toute première fois, come un récit des origines. Très fort. Mais en réalité Abram n’y est pour (presque) rien. Depuis deux ans, c’est au duo de magiciens Carlton Cuse-Damon Lindelof que le show doit ses plus belles fulgurances. Cruel, non ?
FREDERIC FOUBERT

POP GOUROUS, LA POWERLIST
Tous geeks, tous puissants ! En exclu, «Technikart» vous livre les dix nerds qui vont faire et défaire l’industrie de l’entertainment en 2009.
1_J.J. ABRAMS Voir ci-contre.
2_PETER JACKSON Le semi-échec du gros Kong a juste fait fléchir d’un iota la cote du gros barbu néo-zélandais. En 2009, ça sent la reprise de pouvoir avec la sortie de l’alléchant «Lovely Bones», le tournage de Tintin au côté de Spielberg, la prod’ du Hobbit de Del Toro, et peut-être même celle de l’adaptation ciné de «Halo». Ouf. Deuxième ? Oui, mais plus pour très longtemps.
3_STEVE JOBS On le dit malade, au bout du rouleau, en phase terminale mais, chaque année, c’est lui le plus fort. Malgré le gros cafouillage MobileMe cet été, 2008 aura installé l’iPhone comme un objet de ralliement geek indiscutable (ou presque). 2009 devrait enfoncer un peu plus le clou dans cette logique de rouleau-compresseur et voir également la naissance des deux premiers Apple Stores frenchy. Cool ?
4_GUILLERMO DEL TORO Le sommet «Hellboy 2» (son plus gros succès, son meilleur film) pour bien se mettre en jambe, et paf !, il débarque en Nouvelle-Zélande pour le tournage monstre d’un «Bilbo Le Hobbit» annoncé en deux parties et avec vingt-quatre mois de shooting. Rien que ça. Sachant que les adaptations de Tolkien réussissent en général plutôt bien aux geek gras du bide, on ne se fait pas trop de souci pour lui et sa brouette d’Oscars à venir.
5_JUN TAKEUCHI Les nombreux à avoir enchaîné les nuits blanches devant «Resident Evil 4», savent à quel point le cinquième opus de la série de Capcom est attendu comme un messie qui devrait réveiller à coups de fusils à pompe les ronronnantes consoles «next gen». Aux commandes, le producteur/concepteur Jun Takeuchi promettait depuis quelques mois qu’on allait se prendre la baffe du siècle. La seule vision de la bande-annonce a confirmé toutes ses dires. On tend l’autre joue, en attendant la sortie du jeu.
6_ROB ZOMBIE Il aurait pu être voué aux gémonies après la sortie de son calamiteux remake d’«Halloween». Mais sur la foi d’un «director’s cut», pourtant largement aussi nul, les fans lui ont tout pardonné en faisant reposer l’échec du film sur le seul dos des Weinstein. Décidément, ce type est fort. Cela ne l’a pourtant pas empêché de re-signer avec ces mêmes horribles Weinstein pour réaliser «une suite à son remake».
7_JOSS WHEDON Un «Dr Sing Along» euphorisant, histoire de donner des nouvelles via le Web et, en février, ce sera le super attendu «Dollhouse» à la télé. La genèse ultracompliquée de la série fait craindre le pire, mais il y a des gens dont on sait qu’ils ne sont capables que du meilleur.
8_MARK MILLAR Le gros hit «Wanted» l’a propulsé comme «l’auteur de comics à adapter à tout prix». Coup de bol pour lui, c’est le Briton plutôt doué Matthew Vaughn qui se charge de «Kick Ass», son comics culte à propos d’un superhéros sans superpouvoir.
9_STEVEN MOFFAT Les meilleurs épi sodes du «relaunch» de «Dr Who», c’est lui ! Forcément, ça a fini par se savoir. Du coup, Spielberg himself lui a gentiment demandé de scénariser son futur «Tintin», et la BBC a fini par lui confier les rênes de «Dr Who» pour la prochaine saison. Un génie et, accessoirement, notre chouchou..
10_ZACK SNYDER Hier, Romero et Miller. Demain, Moore et Gibbons. Zack Snyder est un bourrin. Znack Snyder est membre de la NRA. Zack Snyder est un peu «limite». Mais Zack Snyder est un geek, et ses films, des cartons.
F. G.