Hors série art contemporain

ta-hsart09Hors série art contemporain

Frédéric Mitterand
« Je ne serai pas le ministre
de l’art comptant pour rien ! »

 

«Allô mon lapin, je ne peux pas te parler là, je suis en réunion. Comment ça, ça fait trente ans qu’on ne peut pas se parler ? » 16h10, 3 rue de Valois (75001 Paris), ministère de la Culture et de la Communication. Frédéric Mitterrand jongle avec les téléphones et parle un peu fort, comme tous les gens qui ont fait de la télé. A quelques jours de la cabale sexuelle la plus lamentable depuis Ramsès II, nous sommes tous assis en cercle comme à la dînette : les deux proches conseillers du ministre, son directeur adjoint de cabinet qui ressemble à Ben Kingsley et Calimero, mon cahier rouge et moi-même. L’entretien peut commencer.

Il a été prévu qu’on ne parlerait ni d’éphèbes, ni de Marine Le Pen mais d’art contemporain. Ça tombe plutôt bien. « Ça ne vous ennuie pas que je reste debout pour marcher ? Ça m’aide à réfléchir… » On le disait émotif, assiégé, à bout de nerfs. Trop sensible pour le job, trop artiste – sous-entendu trop gay. Le voilà qui fait les cent pas dans un bureau de sous-préfet, livre des réponses fleuves à des questions qu’on n’a pas toujours le temps de poser, vous parle à cinq mètres en scrutant l’horizon par la fenêtre (pas facile, quand on donne sur le jardin du Palais Royal) et ne permet pas qu’on l’interrompe. Surtout quand il explique. Et il explique bien, même si ça dure longtemps.

On croirait presque son oncle François quand il vous parle de haut, limite maître de conférences dans les colonies. Vous assis, lui debout. Et à travers lui, la volonté du président en mouvement (mais lequel ?). Freddy en plein speech, c’est un peu le retour des forces de l’Esprit mais avec la voix d’Etoiles et toiles. Sa phrase préférée ? « C’est très vague, mais en fait c’est très précis… » Ou encore l’incroyable : « On est dans une configuration qui, a priori, n’incite pas totalement à l’optimisme. »

Mais qu’on ne s’y trompe pas. Derrière le mondain qui pense et qui écrit, il y a un politique déterminé qui peut s’offrir le luxe de ne pas faire de politique. Un redoutable aspirateur de voix qui pourrait détourner les milieux culturels (et beaucoup d’autres) de la gauche pour les trois prochaines décennies. Et ses armes sont redoutables : un budget en hausse digne des années Lang, aucun complexe avec la subventionnite, des idées régaliennes et libérales à la fois. Et un projet d’enseignement de l’art à l’école inspiré du modèle de l’instruction civique, suffisamment réac’ et malin pour flatter la mémère anti-soixante-huitarde qui sommeille en chacun de nous. Parfois, entre deux tirades, Frédéric Mitterrand rigole. Mais en fait, il ne rigole pas du tout.

Cet entretien est à découvrir en kiosques dans le numéro spécial Art de Technikart !