MacDeMarco en a sous le capot

Capture d’écran 2015-07-17 à 11.54.52

On l’avait rangé dans la catégorie fainéant doué mais pas transcendant. C’était une erreur. Son nouvel album montre que Mac DeMarco en a sous le capot. Notre homme du mois.

Au pays des jeunes dilettantes chevelus, on ne se casse pas la tête avec les titres. Comment s’appelait le premier Mikal Cronin ? Tout simplement Mikal Cronin. Bon. Le deuxième ? MCII. Et le troisième ? MCIII. Madame est servie, niveau concision… On pensait Cronin champion du monde du nom d’album trouvé sous la couette, entre deux bâillements, au petit matin. C’était sans compter sur Mac DeMarco. Après Rock and Roll Night Club, 2 et Salad Days, il sort ce mois d’août un nouveau machin nommé… Another One. La pochette est conforme à l’intitulé : sobre et négligée. On y voit le Mac accroupi au bord d’un lac, habillé d’une vieille salopette peu seyante et d’un sweatshirt d’ado tout juste tombé de son pageot. Le grain de peau du troubadour est comme celui de l’image : pas très net. Il essaie de sourire mais semble gêné par le soleil qui arrive de côté. On ne sait pas qui était derrière l’appareil. Pas Tom Ford, en tout cas. Ni David LaChapelle. La photo aurait pu être prise par la grand-mère de Mac ou quelque tante dépressive de passage dans le coin pour une cure de détente… Dans un monde pop où règnent la frime, le fabriqué, le faux, la grosse artillerie lourde et l’autosatisfaction crevante, cet amateurisme nonchalant attire la sympathie. Ce Mac DeMarco peut-il se démarquer de la concurrence ? Enclenchons le disque…

Si ses précédentes chansons n’étaient pas franchement mémorables (exception faite de la ballade « Ode to Viceroy », peut- être), un truc frappe d’emblée, ici : Mac, qui vient de fêter ses 25 ans, a dû trouver l’inspiration dans son gâteau d’anniversaire. La légende de Mac ? Il aurait acheté d’occasion il y a quelques années une guitare toute pourave dont ne voudrait pas un musicien de métro, et bidouillerait depuis dessus, armé de quelques pédales d’effets pareillement foireuses et bancales. Comme héros, il cite régulièrement Shuggie Otis, Steely Dan et Jonathan Richman. Si on ne voit pas le rapport avec les deux premiers, on pige la filiation avec le dernier – le côté profil bas, homme de l’ombre, mélodies en sous-sol… Ses morceaux, simples en apparence, distillent un spleen qui finit par vous posséder. Un Jeff Buckley moins lyrique ? En un sens… Un peu plus enrobé, aussi. Avec une ambiance de piaule mansardée ou de petite maison dans la prairie qui fait penser à Faris Nourallah ou Jason Lytle, autres mecs modestes et mal sapés capables de composer des merveilles enfermés dans leur chambre ou leur cabane. Mélangeant déprime et espoir, arpèges déglingués et sons cabossés, envolées soudaines et gracieuses, Another One est un disque qui sied bien à l’été. On pourra l’écouter aussi bien les jours de pluie qu’avant d’aller sur la plage, ce qui est commode. Et puis les esprits persifleurs et pressés n’auront pas à s’en plaindre : additionnés, les huit titres de l’album ne durent guère qu’une petite vingtaine de minutes. Pas de quoi s’énerver, donc. Ça baigne dans l’huile solaire, cette affaire. Remerciez Mac de vous l’appliquer dans les oreilles.

Another One (Captured Tracks/Differ-Ant)

                                                                                              Louis-Henri de la Rochefoucauld